Violences et manipulations, le rapport alarmant du centre pénitentiaire de Guyane

Centre pénitentiaire de Guyane
Une direction débordée, des détenus violents et des syndicalistes à l'origine d'une mutinerie: un rapport d'inspection remis fin 2015 au gouvernement dresse un tableau alarmant du seul centre pénitentiaire de Guyane.
L'établissement, un gros losange entouré de palmiers à une quinzaine de kilomètres de Cayenne, concentre les ingrédients du cocktail explosif: une violence entre détenus qui "donne régulièrement lieu à des incidents graves", avec deux meurtres entre août et février dernier, une population carcérale "jeune", un "absentéisme régulier" du personnel, selon ce rapport que l'AFP a pu consulter.
 

Le syndicat FO en guerre contre un directeur jugé laxiste avec les détenus

A cela s'ajoute alors une hostilité ouverte des délégués locaux FO à l'encontre du directeur Jean-Philippe Mayol, qui s'est lancé dès son arrivée en décembre 2014 dans une politique de "lutte contre l'absentéisme", de "maîtrise des heures supplémentaires" et a diminué le "nombre d'agents en postes fixes". En guerre contre un directeur jugé laxiste avec les détenus, FO l'accuse de pratiques néo-coloniales, dénonce à tort des cas de tuberculose dans l'établissement et affirme que les rations alimentaires des détenus ont baissé, énumère le rapport.
 

Une montée de la violence insuffisamment prise en compte

La tension monte. Entre le 11 et le 16 juin 2015, FO organise le blocage du site, avec pour conséquence la non-distribution des cantines. Ces colis reçus de l'extérieur sont "une préoccupation majeure des détenus" qui déclenchent une mutinerie. "Le barrage bloquant a contribué au soulèvement des détenus", affirme le rapport, qui relève une "montée de la violence insuffisamment prise en compte" par la direction et estime que "des fautes disciplinaires peuvent être relevées à l'encontre de huit surveillants".

Sollicité par l'AFP, le ministère de la Justice a rappelé lundi que l'ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, avait saisi l'Inspection générale des services judiciaires peu après la mutinerie. "Le rapport d'inspection lui avait été rendu avec des préconisations de procédures disciplinaires. Toutes les procédures ont été engagées et des conseils de discipline se sont tenus en février et mars. Les arrêtés sont en cours de signature", a assuré la chancellerie.
 

Le programme de lutte contre les violences va se poursuivre 

Pour François Bès, de l'Observatoire international des prisons (OIP), "ces sanctions sont arrivées bien tardivement. Un délégué FO a été renvoyé, un autre a été muté, d'autres ont écopé de suspensions, mais ces sanctions ne peuvent être appliquées tant que les arrêtés ne sont pas signés". L'OIP s'inquiète également du "devenir du travail mis en place dans l'établissement pour lutter contre la violence et restaurer le dialogue, avec des "détenus facilitateurs", alors que l'actuel directeur est sur le départ". "Le programme de lutte contre les violences va se poursuivre par notamment l'arrivée depuis octobre 2015 d'une psychologue nommée pour accompagner ce type de programme", a assuré le ministère de la Justice, qui veut aussi favoriser la mise en place de "programmes locaux de lutte contre les violences" en associant psychologues et conseillers d'insertion et de probation.

Au 1er mars, la prison de Rémire-Montjoly comptait 334 détenus en Centre de détention (longues peines) pour 304 places (soit un taux d'occupation d'environ 110%) et 490 détenus en maison d'arrêt, pour 310 places (soit 158,1%).