Violences policières : "Ça va être de plus en plus compliqué de travailler" (gardiens de la paix originaires des Outre-mer)

Après la mort de George Floyd aux Etats-Unis et les rassemblements en France à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré, l'association des gardiens de la paix GPX Outre-mer reprend les propos du patron de la police nationale : "non, la police n'est pas raciste". 
Face aux "accusations de violences policières" après la mort de Georges Floyd aux Etats-Unis et aux rassemblements à Paris, Lille ou encore Montpellier ce mardi à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré, le président de l'association GPX Outre-mer (gardiens de la paix d’Outre-Mer) Rudy Damour, originaire de La Réunion, reprend les déclarations du patron de la police nationale Frédéric Veaux : "non, la police nationale n'est pas raciste". 
 

Climat particulièrement "tendu"

Sur quelques 1.500 enquêtes judiciaires confiées à la police des polices en 2019, seule une trentaine concernerait des faits de racisme ou de discrimination qui appellent le cas échéant, "les sanctions les plus sévères", a notamment précisé Frédéric Veaux, mettant en garde contre les tentatives de "récupération" et les "analogies" avec les Etats-Unis.

Le président de l'association GPX Outre-mer s'inquiète du climat actuel particulièrement "tendu" et craint une accentuation "des conflits entre les personnes qui commettent des crimes et des délits et l'autorité policière. Nous sommes de plus en plus exposés à la provocation, aux dénonciations de violences, aux émeutes qui suivent une interpellation". 
 

Tout le monde réprime l'autorité 

"Nous vivons dans un monde où tout le monde réprime l'autorité. Nous agissons toujours sur des signalements de personnes ayant commis un acte, qu'ils soient blancs ou noirs, il n'y a pas de différences", indique Rudy Damour qui rejette la comparaison entre la mort de Georges Floyd aux Etats-Unis et la mort d'Adama Traoré en France. "Maintenir un genou sur la nuque d'un individu, c'est prendre le risque de le blesser ou de le tuer. Dans notre formation, on nous apprend à ne pas l'utiliser, car c'est fatal", indique le président de l'association GPX. 

Pour le chercheur Mathieu Zagrodzki, "il y a des différences entre ces deux pays" notamment "dans le rapport à la violence, la circulation des armes à feu, et le mandat que l'on donne à la police", explique-t-il dans l'hebdomadaire Marianne.
           
"En France, la police blesse beaucoup, mais elle tue peu. Les polices américaines tuent plus d'un millier de personnes par an, pour 320 millions d'habitants. La police et la gendarmerie en France, une vingtaine", avance Mathieu Zagrodzki, auteur d'un ouvrage sur ces deux polices.
 

Des brebis galeuses partout 

Ancien policier et président de l'association Agora des citoyens, de la police et de la justice, Christophe Korell appelle à renouer le dialogue, notamment dans les cités. "On a perdu la proximité avec ces citoyens car on s'est coupé de 90% de la population qui y vit à cause des 10% qui forment un noyau délinquant", estime Mathieu Korell, ex-officier de police judiciaire.

Le président de l'association GPX Outre-mer ne se voile pas la face et ne nie pas que la police aussi est confrontée à des problèmes de racisme.

Personne n'est irréprochable. Il y a des brebis galeuses partout, dans la police comme ailleurs. En 10 ans de carrière alors que j’ai toujours été policier de terrain je n’ai jamais été témoin d’acte de racisme et tous les policiers auteurs de comportements racistes sur des personnes ont été sanctionnés voir même révoqués pour les faits les plus graves.
Rudy Damour, président de l'association GPX Outre-mer


Ce mardi, 20.000 personnes ont manifesté à Paris et plusieurs milliers en province, répondant à l'appel du comité de soutien à la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 dans le Val-d'Oise après son interpellation. 

Depuis quatre ans, les expertises médico-légales se suivent et se contredisent. La question est de savoir s'il est mort par asphyxie à cause d'une fragilité cardiaque, de la compression thoracique causée par le poids des gendarmes, ou de la combinaison de plusieurs facteurs.


Le policier traité de "vendu" parce que noir porte plainte

Lors de ce rassemblement parisien, un policier noir a été insulté par des participants à la manifestation et a déposé plainte, a annoncé jeudi sur Twitter le préfet de police Didier Lallement, qui a fait de même.

Une vidéo largement reprise sur les réseaux sociaux montre ce fonctionnaire, membre de la DOPC (direction de l'ordre public et de la circulation), casqué, impassible face à des manifestants scandant en choeur à son adresse : "vendu !".
Interrogé sur les violences policières lors des questions au gouvernement au Sénat ce mercredi, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner avait appelé à ce que "chaque faute" commise par un membre des forces de l’ordre, "chaque accès, chaque mot, y compris des expressions racistes, fasse l’objet d’une enquête (…), d’une sanction".

Cette déclaration du ministre n'est pas sans inquiéter le président de l'association GPX Outre-mer. "Nous sommes déjà de plus en plus sous surveillance avec beaucoup d'enquêtes de la police des polices", indique Rudy Damour, qui conclut, un brin désabusé, "ça va être très compliqué de travailler dans les années à venir".  
 
Castaner saisit la justice après des messages racistes de policiers sur Facebook (AFP)
Christophe Castaner a saisi vendredi la justice après la révélation de messages racistes publiés sur Facebook dans un groupe privé réunissant des forces de l'ordre, a indiqué à l'AFP l'entourage du ministre. "S'il sont avérés, ces propos inacceptables sont de nature à porter gravement atteinte à l'honneur de la police et de la gendarmerie nationales, dont les hommes et les femmes sont engagés au quotidien pour protéger les Français, y compris contre le racisme et les discriminations. C'est pourquoi le ministre de l'Intérieur a décidé de saisir le procureur de la République", a-t-on précisé de même source, après la révélation de ces messages par Streetpress.
    
Ce site d'information en ligne a publié jeudi une enquête révélant l'existence d'un groupe Facebook "TN Rabiot Police Officiel" présenté comme un groupe de discussions réservé aux forces de l'ordre et qui comprendrait 8.000 membres.  Selon l'enquête, de très nombreux messages haineux, racistes, sexistes, homophobes et vulgaires y sont échangés entre participants. Des captures d'écran publiées par Streetpress montrent ainsi des messages tournant en dérision la mort de jeunes hommes au volant de leur moto-cross ou qualifiant de "sale pute" la chanteuse Camelia Jordana qui a récemment dénoncé les violences policières. 
    
La publication de ces échanges intervient sur fond de vague d'indignation mondiale après la mort de George Floyd, un Américain noir de 46 ans asphyxié par un policier blanc, qui a relancé en France le débat sur les violences des forces de l'ordre visant les minorités. 
    
Le ministre de l'Intérieur a saisi le parquet de Paris en vertu de l'article 40 du code pénal qui impose à "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit", "d'en donner avis sans délai au procureur de la République". "Comme il s'agit d'échanges au sein d'un groupe sur un réseau social, groupe sur lequel nous n'avons aucune information, ces éléments doivent avant toute chose être vérifiés", a commenté l'entourage du ministre.