Transat en double : Miguel Danet et Eric Peron à fond vers Saint-Barthélemy

Eric Peron à gauche, Miguel Danet à droite, un duo qui connaît bien la route vers Saint-Barthélémy

Après trois jours d'attente, la 15ème Transat en double Concarneau Saint-Barthélémy, s'élancera à 19h ce mercredi. Pour les 36 pirates des Caraïbes l'arrivée sera prévue début juin à Gustavia. Miguel Danet, le Saint-Barth et Eric Péron, le Breton font partie des ambitieux de la flotte des Figaro 3.

Parmi les 18 duos engagés qui ont hâte de se retrouver en mer et partir vers Saint-Barthélemy, Eric Péron et Miguel Danet, qui font équipe sur l’Egoïste - Cantina Saint-Barth. Cette course, anciennement la Transat AG2R, on peut avoir des motivations différentes pour y retourner, pour affronter l’océan, ou avoir le plaisir de boire un tie-punch à l’arrivée.

Eric est de Concarneau, Miguel est de Saint-Barthélemy. Les deux marins aiment cette Transat, ils nous expliquent pourquoi. Entretien croisé avec deux marins attachants qui donnent une autre vision de leur sport sur l’eau.

Outre mer la 1ère : Vous êtes rodés tous les deux et prêts à partir car vous vous connaissez finalement très bien ?

Eric Péron : Quand je vais me reposer à bord, il sera mes yeux et à moi d’anticiper et de lui laisser les bonnes consignes. Sur le management et l’entretien du bateau je ne me fais pas de soucis, car c’est son job de tous les jours. Miguel est surprenant, même s’il ne connaît que très peu le bateau et qu’il ne navigue pas sur ce genre de support, il a un sens marin très développé, sans doute grâce à son métier à Saint-Barthélemy (ndlr, Miguel Danet est gérant de Saint Barth Sailor).

Notre plus gros atout est de connaître nos points faibles, je me suis endurci sur certains points, Miguel est très performant sur d’autres. 

Eric Péron

 

A bord la complémentarité est nécessaire autant que la différence


Miguel Danet : C’est vrai que je connais la route par cœur ou presque, ça va être la quatrième fois pour moi et la troisième avec Eric, on forme un beau duo ensemble. On s’est bien entraînés même si le bateau n’a jamais traversé. Le but c’est de faire une belle transat et se donner humainement

Outre mer la 1ère : Précisément quelles sont les ambitions de votre duo ?

Miguel : On est des compétiteurs comme tous les marins et on veut performer pour accéder au podium, en tout cas Saint-Barth nous attend et surtout on a un beau challenge avec un partenaire qui a toujours été présent dans le projet, malgré la crise sanitaire et qui n’a jamais baissé les bras. Pour lui et pour la population locale le meilleur cadeau qu’on pourrait faire est d’arriver avec une belle place à l’arrivée, pourquoi pas comme en 2008.

Eric : Il y a un plateau relevé et très homogène, ce qui est souvent le cas en Figaro. Il y a 4 bateaux devant (Delahaye/Marchand, Laperche/Berrehar, Le Pape/Eliès, Mahé/ Dolan) qui sont au-dessus dans leur manière de faire et leur préparation. Nous on se situe dans le paquet de quatre bateaux qui est juste derrière, en outsider. Mais ça reste une transat, le bateau est nouveau et ne connaît pas le large même si de nombreux marins ont déjà fait cette traversée.
 

Concrètement si on fait dans le top 8 ce serait honorable, si on est dans le top 4 ce serait une performance. Si on gagne ce serait énorme.

Eric Péron

 

Outre mer la 1ère : Qu’a de symbolique cette course à vos yeux ?

Miguel : Déjà elle me ramène à la maison. Saint-Barthélemy adore cette course, elle est ancrée en nous, la population toute les écoles, l’école de voile aussi  C’est de là dont je suis sorti, je voyais arriver le bateaux depuis longtemps et j’en rêvais. C’est mon tour d’y être désormais depuis plusieurs éditions, j’aimerai à travers mon expérience passer les témoins et faire rêver aussi es jeunes de chez nous, comme le petit Lorenzo Meyer qui est actuellement dans l’un des meilleurs endroits de formation nautique, l’école nationale de voile de Quiberon.

Miguel Danet, chef d'entreprise à Saint-Barthélémy et marin, il concilie les deux activités.


Eric : J’y reviens pour la huitième fois parce qu’elle me résiste. Oui je suis Breton, je suis têtu et j’assume. C’est un de mes points forts autant que mon point faible peut être mon obstination (ndlr, Eric a fait deux podiums en 2008 et 2012). Avoir du métier est certainement un plus sur plein de choses à bord. Je ne me pose plus de questions, ou presque plus. Je vais passer moins d’énergie dans des choses que je connais. Je suis serein. On fait un sport d’expérience, c’est rare que des jeunes marins gagnent, surtout quand on a tous le même bateau. Mais pour moi, une victoire peut provoquer un déclic, pour passer peut-être à autre chose. En l’occurrence la Route du Rhum que je ferai l’an prochain.

Outre mer la 1ère : Et pour ce qui est de la route vers Saint-Barthélemy, comment voyez-vous les premières heures de course ?

Eric : On va tout de suite partir après une dépression, avec des grains et du vent foireux, ça va être hyper complexe, c’est la partie d’échec classique qui démarre avec ce genre de bateaux. Les phénomènes météo sont hyper durs à prévoir. Demain matin on sera dans un centre dépressionnaire sans vent, il faudra attendre la bascule de vent. Le golfe de Gascogne ne sera pas rapide, les alizés portugais seront mous. On a un départ tardif ce mercredi et on a le temps de se préparer toute la journée. On part avec un potentiel élevé avec ce bateau à foils mais une fois encore c’est la météo qui décidera du sort de la course et de notre place. Une fois que les ventilateurs seront ouverts, oui ça risque d’aller très vite. Il faudra être placé au bon moment.

Miguel : Ça va être sport, mais on aime ça. Ce soir on part dans du près (vent de face) avec du vent forcissant jusqu’à 30 nœuds, il faudra éviter les Glénans et savoir par quel côté passer. Puis il faudra être dans le bon paquet avec la bonne carburation. Les routages nous donnent une arrivée fin mai début juin, on va arriver au chaud c’est la seule certitude. Mais secs ? Pas sûr !

Ce type de bateau à foils mouille beaucoup plus que le Figaro 2, l’eau traverse littéralement, au lieu d’être en short on est en bas de ciré léger. Peut-être qu’on mettra les shorts à Colombier (rires).

Miguel Danet

 

Outre mer la 1ère : Un coup de cœur spontané pour chacun d’entre vous ?

Miguel : Oui comme avant chaque édition sur je fais, je suis passé dans toutes les classes de Saint-Barth avant de venir ici. Mais surtout celle de ma fille Sixtine, 3 ans et demi qui est en petite section à Sainte-Marie à Colombier. Elle sait que Papa va sur un bateau et qu’il a embarqué son doudou avec lui à bord. J’ai pour mission de lui rapporter.

Eric : Sans aucune contestation l’arrivée de 2008 avec Miguel. On fait le podium, il y avait un monde incroyable qui nous attendait car on est arrivés au petit matin au moment où les gens vont à leur boulot. Presque la moitié de la population de Saint-Barth était là. On courrait sur le bateau baptisé Concarneau Saint-Barthélemy, tout un symbole. Et on a tous finis à l’eau, le maire de Concarneau André Fidelin, le sénateur Michel Magras. Une belle fête, comme si on avait gagné pour tous ces gens.

Miguel : On ne touchait plus terre et on a longtemps fêté cela, on a mis du temps à réaliser ce qu’on venait de faire. Et ça a peut-être cimenté notre amitié et été sans doute un acte fondateur de notre projet. Quand j’y repense aussi c’était dingue.

Un duo chic et choc


Outre mer la 1ère : Vous avez un bateau sur l’eau et des tenues hyper lookées, une communication qui se voit et plutôt réussie ?

Eric : Oui c’est cool, le tenue des années 30, on porte les vêtements de l’Egoïste, une marque de fringues de prêt à porter, un peu rétro, style Peaky Blinders, un peu bobo, un peu hipster, ça tombe bien il y a un barbu dans l’équipe (rires). C’est le retour des bretelles, du petit boléro, la casquette, ça nous correspond bien et c’est un effet de mode. Il n'y avait pas d’identité visuelle pour l’Egoïste, du coup il fallait créer un environnement particulier. Les photos ont été prises sur un vieux gréement.

Miguel : La voile c’est une représentation de la vague de Kanagawa, un artiste Japonais, redessinée sur la voile par notre designer Jean-Baptiste Epron. C’est un tableau de 1830 très connu, on a un duo graphiste-designer doué. C’est une Transat en double à tous les niveaux. Notre bateau se voit, et ce n’est pas un panneau publicitaire, on assume notre différence sur l’eau.

Eric : Et puis sur le foc il y a la silhouette de Miguel, on ne voit que lui (rires).

La silhouette de Miguel sur la voile d'avant du Figaro 3

 

Outre mer la 1ère : Donc vous êtes devenus des marins populaires ? Le Breton est devenu Saint Barth et le Saint-Barth est devenu Breton ?  

Eric : Non je ne pense pas même si je connais bien l’île désormais. Et inversement pour Miguel ce n’est pas parce qu’il vient souvent me voir en Bretagne qu'il est devenu Breton. Mais à Concarneau on est devenus populaires, à Saint-Barth on l’est aussi. E ton a un joli bateau tout pour plaire.
Et puis ça part de la maison car j’habite Concarneau et on arrive aux Antilles, dans un environnement que je connais, j’ai un peu l'impression d’arriver à la maison.

Le but ce n’est pas d’être populaires a tout prix mais c’est de faire rêver les gens, avec la voile, l’océan, la nature, on va leur apporter plein de choses et leur mettre de la lumière dans les yeux.

Miguel Danet

 

Miguel : C'est vrai Eric est très connu dans les rues de Saint-Barth, autant que moi et comme beaucoup de marins d’ailleurs. Il n'y à qu'à voir le palmarès de cette course. Entre Michel Desjoyeaux, Armel Le Cléac'h ou Alain Gautier, ce serait bien qu'on y rajoute notre nom un jour.