"Vous vendez des bestiaux ou des esclaves ?" : au Brésil, un défilé d'enfants attendant l'adoption fait polémique

Cuiaba, capital de l'état de Mato Grosso.
Un défilé de mode, dans un centre commercial, d'enfants en attente d'une famille d'adoption a suscité une vive polémique jeudi au Brésil, où les organisateurs étaient accusés de reproduire des scènes de vente d'esclaves ou de bestiaux.
L'événement "Adoption sur le podium", organisé mardi soir par le barreau local et une association à Cuiaba, capitale de l'Etat de Mato Grosso (centre-ouest), avait pour but de "donner de la visibilité à des enfants et adolescents adoptables".  "Comme nous le disons toujours, ce que les yeux voient, le coeur le ressent", a expliqué Tatiane de Barros Ramalho, présidente de la Commission de l'Enfance et de la Jeunesse du barreau de Mato Grosso, citée dans un communiqué.
 

"Coiffés, maquillés et bien habillés"

"C'est une soirée qui permet à des candidats à l'adoption de connaître les enfants et adolescents. La population peut se procurer plus d'informations sur l'adoption et les enfants ont une journée spéciale au cours de laquelle ils sont coiffés, maquillés et bien habillés pour le défilé", ajoute-t-elle. Une photo non datée publiée par le site d'informations G1 montre une adolescente en tee-shirt blanc et jupe rose sur le podium, filmée et photographiée par les spectateurs avec leurs téléphones.
Une porte-parole du barreau a expliqué à l'AFP que cette photo avait été prise lors d'une édition précédente de l'événement, en 2016. L'indignation de nombreux internautes sur les réseaux sociaux a poussé les organisateurs à réagir, affirmant notamment qu'aucun enfant n'avait été forcé à participer. "Nous n'avons jamais eu le but de présenter les enfants à des familles pour qu'ils se fassent adopter", a écrit le barreau sur son compte Facebook.
 

"Protéger les enfants"

Les organisateurs ont toutefois admis que deux adolescents avaient été adoptés à la suite de l'édition de 2016. "Nous rejetons tout type de distorsions de cet événement qui l'associent à une période sombre de notre Histoire", ont-ils ajouté dans un message sur Facebook. Ancienne colonie portugaise, le Brésil est le dernier pays d'Amérique à avoir aboli l'esclavage, en 1888, 25 ans après les Etats-Unis. Des stigmates de cette période restent visibles dans la société brésilienne, encore marquée aujourd'hui par de graves problèmes de racisme.

Le compte Facebook du barreau de Mato Grosso était rempli jeudi de commentaires d'internautes outrés. "Vous vendez des bestiaux ou des esclaves ?", a écrit l'un d'eux. "Comme des esclaves... Doivent-ils montrer leurs dents ?", a renchéri un autre. Certains internautes ont toutefois pris la défense des organisateurs. "Ces défilés ont permis de transformer la vie de nombreux enfants", a écrit Julio Resende, qui se présente comme le membre "d'une famille d'adoption très reconnaissante" du travail de l'association organisant l'événement.

Le secrétariat aux Droits des Enfants et des Adolescents, organe gouvernemental du ministère des Droits de l'homme, a exprimé son "rejet" du défilé, rappelant que l'Etat doit "protéger les enfants, y compris en ce qui concerne l'exposition de leur identité et de leurs émotions". Plus de 9.500 enfants et adolescents attendent une famille d'adoption au Brésil, selon l'agence d'Etat Agencia Brasil, qui a cité des données du Registre nationale des adoptions.