Les drames de l’immigration touchent aussi la France. Entre le département de Mayotte et l’île comorienne d’Anjouan, dans le canal du Mozambique, les traversées clandestines sont régulièrement meurtrières. En 2014, près de 20 000 reconduites à la frontière ont eu lieu à Mayotte.
C’est la pire hécatombe qu’ait connue la Méditerranée. Dimanche dernier, au large des côtes libyennes 800 personnes ont trouvé la mort en tentant de rejoindre clandestinement l’Italie. Alors que les images de ce nouveau drame, aux portes de l’Europe, font le tour du monde, une autre traversée meurtrière est discrètement empruntée en France, à 7 000 kilomètres de Paris.
Des immigrés qui n’en sont pas vraiment, selon la secrétaire générale du GITSI . "Beaucoup d’entre eux ont déjà vécu à Mayotte et veulent y revenir. Selon l’INSEE, 39 % des personnes appelées des "étrangers" à Mayotte y sont nées. C’est impossible que les gens ne tentent pas d’y revenir un jour », prévient Marie Duflo.
Un constat que partage la Cimade. "Séparer Mayotte des Comores est une illusion, il y aura toujours des échanges, affirme David Rohi membre de cette association qui défend les droits des migrants et réfugiés. On ne peut pas empêcher les familles de se réunir, ni les gens de venir se faire soigner. Les victimes qui meurent en mer sont souvent des proches, des cousins de personnes qui vivent à Mayotte".
" Les droits fondamentaux sont bafoués, c'est pire qu'ailleurs", estime David Rohi de la Cimade qui explique qu’en matière d’expulsion, un régime dérogatoire existe Outre-mer. "À Mayotte, les reconduites sont massives et sans recours possible. Lorsqu’une personne est sous le coup d’une mesure d’expulsion, elle n'a pas de possibilité de recours devant le tribunal comme en métropole. Résultat : la durée moyenne de rétention est de moins de 24 heures à Mayotte contre dix jours en métropole". Toujours selon David Rohi, "des milliers d’enfants seraient aussi expulsés sans leurs parents".
Face à un tel dispositif, comme en Méditerranée, les passeurs prennent davantage de risques et empruntent des routes maritimes encore plus dangereuses pour accoster des rivages sans se faire prendre.
"Ériger ces forteresses autour de l’Europe comme de Mayotte a des effets dévastateurs, constate David Rohi de la Cimade. Au-delà des morts en mer, c’est aussi le drame des expulsions, des rétentions, des séparations familiales…"
Finalement, la situation dans l’Océan Indien est un "microcosme caricatural du problème mondial de l’immigration", conclut Marie Duflo, à une différence près. "Si l’Europe veut s’isoler du reste du monde, la France, elle, veut isoler un département de 200 000 personnes, historiquement lié aux îles voisines. C’est totalement fou."
Suite aux tragédies des migrants en Méditerranée, le Conseil européen a décidé de convoquer un sommet extraordinaire, jeudi 23 avril, à Bruxelles. Des mesures devraient être prises. Reste à savoir si la situation de Mayotte, région ultrapériphérique de l’Europe, sera évoquée.
"Le canal de la mort"
Chaque année, dans le canal du Mozambique, des milliers de migrants comoriens embarquent clandestinement à bord de kwassa-kwassas. Des embarcations de fortune, avec lesquelles ils tentent de traverser ce bras de mer de 70 kilomètres qui sépare l’île d’Anjouan de Mayotte, 101e département français depuis 2011. Difficile de compter les victimes. Selon les autorités comoriennes, en 20 ans, au moins 12 000 personnes auraient péri dans ce "canal de la mort". Côté français, un rapport sénatorial datant de 2012 compte entre 7 000 et 10 000 morts à Mayotte depuis 1995.Le visa Balladur : drame des Comores ?
"Comme en Méditerranée, les embarcations surchargées de migrants sont nombreuses et les arraisonnements très violents, explique Marie Duflo, membre du Collectif Migrants Outre-mer et secrétaire générale du GITSI, le Groupe d'information et de soutien des immigrés. En 1993, le visa Balladur (du premier ministre du même nom, ndlr) a bouleversé la circulation des habitants aux Comores. Avant qu’il soit instauré, les familles étaient éparpillées dans l’archipel et le cabotage d’une île à l’autre était quotidien. Depuis 1993, ce visa est obligatoire pour Mayotte, mais tellement difficile à obtenir que seules les élites comoriennes en bénéficient. Les autres choisissent l’immigration clandestine dans l’espoir d’une vie meilleure."39% des personnes appelées des "étrangers" à Mayotte y sont nées
Des immigrés qui n’en sont pas vraiment, selon la secrétaire générale du GITSI . "Beaucoup d’entre eux ont déjà vécu à Mayotte et veulent y revenir. Selon l’INSEE, 39 % des personnes appelées des "étrangers" à Mayotte y sont nées. C’est impossible que les gens ne tentent pas d’y revenir un jour », prévient Marie Duflo.
Un constat que partage la Cimade. "Séparer Mayotte des Comores est une illusion, il y aura toujours des échanges, affirme David Rohi membre de cette association qui défend les droits des migrants et réfugiés. On ne peut pas empêcher les familles de se réunir, ni les gens de venir se faire soigner. Les victimes qui meurent en mer sont souvent des proches, des cousins de personnes qui vivent à Mayotte".
Mayotte en tête des reconduites à la frontière
Mayotte est le département français qui effectue le plus de reconduites à la frontière. Selon les chiffres 2014, publiés la semaine dernière par la préfecture, près de 20 000 reconduites à la frontière ont été réalisées l’an dernier. C’est 4 000 de plus qu’en 2013. L’an dernier, 597 bateaux ont été interceptés.La durée moyenne de rétention est de moins de 24 heures à Mayotte
" Les droits fondamentaux sont bafoués, c'est pire qu'ailleurs", estime David Rohi de la Cimade qui explique qu’en matière d’expulsion, un régime dérogatoire existe Outre-mer. "À Mayotte, les reconduites sont massives et sans recours possible. Lorsqu’une personne est sous le coup d’une mesure d’expulsion, elle n'a pas de possibilité de recours devant le tribunal comme en métropole. Résultat : la durée moyenne de rétention est de moins de 24 heures à Mayotte contre dix jours en métropole". Toujours selon David Rohi, "des milliers d’enfants seraient aussi expulsés sans leurs parents".
Quels moyens pour lutter contre l’immigration ?
"La France fait à moindre échelle à Mayotte, ce que l’Europe pratique en Méditerranée avec Frontex (l’Agence européenne qui vise à coordonner la surveillance des frontières de l'Union, ndlr), explique Marie Duflo, membre du Collectif Migrants Outre-mer et secrétaire générale du GITSI, le Groupe d'information et de soutien des immigrés. Il y a quatre radars autour de l’île, des hélicoptères qui survolent les côtes et des dizaines de gendarmes embarqués. Les contrôles sont intenses".Face à un tel dispositif, comme en Méditerranée, les passeurs prennent davantage de risques et empruntent des routes maritimes encore plus dangereuses pour accoster des rivages sans se faire prendre.
"Ériger ces forteresses autour de l’Europe comme de Mayotte a des effets dévastateurs, constate David Rohi de la Cimade. Au-delà des morts en mer, c’est aussi le drame des expulsions, des rétentions, des séparations familiales…"
Mayotte, région ultrapériphérique de l’Europe
Comme l’Europe avec les pays africains, la France demande au gouvernement comorien de prendre en charge le blocage des migrants au départ d’Anjouan. "Paris veut une coopération sous condition d’aide au développement et autres promesses, s’indigne David Rohi. On va droit dans le mur quand on voit le résultat de cette politique en Méditerranée."Finalement, la situation dans l’Océan Indien est un "microcosme caricatural du problème mondial de l’immigration", conclut Marie Duflo, à une différence près. "Si l’Europe veut s’isoler du reste du monde, la France, elle, veut isoler un département de 200 000 personnes, historiquement lié aux îles voisines. C’est totalement fou."
Suite aux tragédies des migrants en Méditerranée, le Conseil européen a décidé de convoquer un sommet extraordinaire, jeudi 23 avril, à Bruxelles. Des mesures devraient être prises. Reste à savoir si la situation de Mayotte, région ultrapériphérique de l’Europe, sera évoquée.