L'enseignement catholique en sursis à Saint-Pierre et Miquelon

Les 300 élèves des écoles privées sous contrat de Saint-Pierre et Miquelon vont-ils pouvoir faire leur rentrée en septembre 2013 ? Rien n'est moins sûr en raison d'un imbroglio ubuesque qui secoue ce tranquille archipel français d'Amérique du Nord.
Les élèves, leurs parents et le personnel des établissements catholiques - 350 personnes au total, sur une population totale d'un peu plus de 6.000 habitants- se sont retrouvés dans la rue pour manifester le 23 mars dernier, un événement exceptionnel dans l'archipel.
Une manifestation pacifique mais bruyante, au son des casseroles et des tam-tams, pour crier leur envie de continuer d'exister.
 

Des robinets coupés

Depuis plusieurs mois en effet, l'enseignement catholique, dont le poids historique est très important dans cette collectivité, est menacé à cause d'un problème de financement lié à une querelle juridique entre l'Etat, le Conseil Territorial et la mairie de St Pierre.
La Mission Catholique locale recevait jusqu'à présent une subvention annuelle de 500.000 euros de la part du conseil territorial pour le fonctionnement des deux écoles maternelles et des deux écoles primaires de l'archipel.
Mais depuis le début de l'année, la collectivité a décidé de couper les robinets. Suite à un avis de la chambre territoriale des comptes (non rendu public), le président du Conseil territorial estime en effet que cette subvention est illégale.
 


Le tribunal administratif de Martinique doit statuer

Le financement des écoles primaires incombe normalement aux communes. Pour l'année 2013, la mairie de St Pierre estime n'être en capacité de donner que la moitié de la somme nécessaire au fonctionnement, soit 90.000 euros sur 180.000.
Pour les maternelles, la situation est plus compliquée. Les services de l'Etat affirment qu'il s'agit bien d'une compétence du Conseil territorial, en vertu des décrets loi Mandel de 1939 sur le financement des missions religieuses dans certains territoires d'outre-mer.
Argument réfuté par le président de l'exécutif local, Stéphane Artano (DVD). Pour trancher ce litige, l'affaire est allée jusqu'à Fort-de-France. En
l'absence de tribunal administratif à St Pierre et Miquelon, c'est en effet l'instance martiniquaise qui statue en la matière.
 
Son avis, qui devrait intervenir d'ici fin avril, est très attendu par les centaines de parents d'élèves, les quelque quatre-vingt salariés de l'enseignement catholique, mais aussi par leurs homologues du public.
Sans financement, la Mission Catholique serait en effet obligée de fermer ses établissements en juin prochain. Les élèves seraient donc contraints d'être scolarisés dans le public et l'Education nationale devrait alors faire face à un doublement de ses effectifs. Une situation que tous les élus concernés disent vouloir éviter, réaffirmant leur attachement à l'enseignement catholique.
 

Rester dans la légalité

Mais le poids historique et culturel de l'Eglise à St Pierre et Miquelon ne suffit pas face aux contraintes financières et juridiques. Stéphane Artano veut désormais être sûr d'être dans la légalité. L'élu a été échaudé par un procès pour détournement de fonds publics en 2010. Une délibération illégale avait failli lui valoir deux ans d'inéligibilité. Même s'il a finalement été condamné qu'à une amende en appel, il a tout de même été reconnu coupable.
De son côté le maire de St Pierre, Karine Claireaux (PS),craint de devoir avancer une somme trop importante pour sa commune si elle accepte de signer une convention avec le Conseil territorial. Ce dernier a proposé, pour sortir de l'impasse, de faire transiter la subvention des écoles maternelles par la mairie.
Bouleversement total du paysage éducatif de l'archipel ou retour à la tranquillité d'antan ? Si le président Artano obtient de la part du tribunal administratif la garantie d'être dans la légalité, il continuera à subventionner la Mission catholique comme avant. Sinon, les élus municipaux et territoriaux devront trouver un accord, sans quoi les écoles privées seraient rayées de la carte scolaire de St Pierre et Miquelon.
Le tout récent "Comité pour l'existence de l'enseignement Catholique" n'a quant à lui  pas exclu d'organiser d'autres manifestations.