Métaux critiques et terres rares : l'Outre-mer a-t-elle une carte à jouer ?

Terres rares prêtes à l'exportation (Port de Lianyungang-Chine)
Le Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP) vient de rendre public un rapport sur les métaux critiques. Le constat est simple : si la France ne veut pas se retrouver otage des pays producteurs et des fluctuations du marché, il faut relancer la recherche minière. 
Les terres rares... Depuis quelques années, des articles ou des documentaires se penchent sur ces 17 métaux aux noms étranges tels que le scandium ou l'yttrium qui composent nos ordinateurs ou nos téléphones mobiles. "En 2000, explique Blandine Barreau du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP), on a assisté à une envolée des prix des terres rares car la Chine, le principal producteur a réduit de 40% ses exportations pour ne privilégier que ses industries. La Chine se défend en expliquant que la production de terres rares est coûteuse pour son environnement. Du coup, les Américains et les Australiens ont ouvert ou ré-ouvert des mines et les prix des terres rares ont récemment baissé. Mais ce contexte international doit servir d'avertissement", souligne Blandine Barreau.

Un inventaire minier outre-mer ?

La France ne produit pas de terres rares et pourtant, c'est une industrie minière stratégique. Le CGSP conseille donc dans son dernier rapport de procéder à un nouvel inventaire minier qui prenne en compte les terres rares et plus largement la quarantaine de métaux critiques, produits en faible quantité et indispensables pour des industrie de haute technologie telles que l'aéronautique ou le spatial. Le dernier inventaire minier a été mené entre 1975 et 1992. "A l'époque on ne s'intéressait pas encore aux terres rares, précise Patrice Christmann du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques Minières). L'étude portait principalement sur l'hexagone mais des échantillons ont été prélevés en Guyane qu'il faudrait étudier aujourd'hui, sous l'angle des terres rares."

Du scandium en Nouvelle-Calédonie ?

Sur le plan minier, le seul territoire d'outre-mer un peu connu est la Nouvelle-Calédonie où le nickel est exploité depuis plus d'un siècle.  "Tant que l'on n'a pas étudié de près le sol, il est difficile de savoir ce que l'on peut y trouver, précise Patrice Christmann du BRGM, mais il pourrait y avoir en Nouvelle-Calédonie du scandium, une terre rare très utile car elle sert à faire un alliage avec l'aluminium qui permet de souder des tôles comme par exemple des ailes d'avion". 

Mine de nickel en Nouvelle-Calédonie

Des métaux rares en Guyane ?

La Guyane est moins bien connue sur le plan minier que la Nouvelle-Calédonie. "Mais sa géologie diversifiée rappelle celle du Ghana et de la Côte d'Ivoire, un lointain héritage de la Pangée, explique Patrice Christmann. On y trouve du zinc et du cuivre. Et parmi les sous produits du cuivre, on peut découvrir du selenium et du tellure, indispensables pour fabriquer des panneaux photovoltaïques à haute performance. Dans le zinc, il est possible de trouver de l'indium, utile à la fabrication des écrans vidéo et du germanium, qui entre dans la composition de ces jumelles high tech qui permettent de voir la nuit".

La recherche sous-marine

La France est la deuxième Zone Economique Exclusive (ZEE) au monde, derrière les Etat-Unis avec 11 millions de km2 dont 90% au large des collectivités d'outre-mer. Dans son rapport, la CGSP préconise donc de développer la recherche sous-marine. Pour l'instant, le seul projet concret se situe dans les fonds de Wallis et Futuna. "En 2010, nous avons commencé une cartographie qui n'existait pas, précise Yves Fouquet de l'Ifremer. Nous avons mené trois campagnes d'exploration au large de Wallis et Futuna, en collaboration avec des entreprises privées et nous avons découvert des systèmes hydrothermaux". En clair, il s'agit de sorte de volcans situés à plus de 5000 mètres de profondeur et qui pourraient abriter des métaux rares tels que le germanium ou le selenium.

Reportage France 2 Recherches à Wallis et Futuna et en Polynésie


Un déficit de connaissances


L'Ifremer et ses partenaires privés Technip et Eramet devraient faire connaître plus précisément leurs découvertes à Wallis et Futuna avant la fin de cette année 2013. Mais les perspectives de recherche outre-mer restent minces. Concernant l'inventaire minier terrestre, "Arnaud Montebourg, le Ministre compétent, n'a donné aucune instruction concernant l'outre-mer", précise Patrice Christmann du BRGM. Quant à la recherche sous-marine, Yves Fouquet de l'Ifremer se désole, "il n'y a pas de stratégie globale, au rythme où l'on va, avec le développement de la Chine, de l'Inde, du Brésil, il nous faudrait deux terres et demi. Le recyclage, ça ne suffira pas". Selon Yves Fouquet, "la France doit se réveiller, il y a des métaux partout mais un déficit de connaissances géochimiques terrible et en particulier outre-mer où l'on ne dispose même pas de cartes topographiques".

Cheminées de sulfures inactives
La Caldera