Que devient le projet de centrale géothermique à la Dominique ?

La Dominique Vallée de Roseau
Alors que débute Conférence environnementale, la1ere.fr s'est demandée que devenait le projet de géothermie dans la Caraïbe. Une centrale géothermique devait s'implanter à la Dominique et alimenter en électricité "propre" par câble sous-marin la Guadeloupe et la Martinique.
La 2e Conférence environnementale débute ce vendredi à Paris au Conseil économique, social et environnemental (voir encadré). Le débat sur la transition énergétique qui mobilise, depuis plusieurs mois, le Ministère de l'écologie, sera bien-sûr au coeur des débats. Aux Antilles françaises et en particulier en Guadeloupe, la géothermie, cette énergie produite grâce à la chaleur des profondeurs de la Terre, offre des perspectives très encourageantes.

Qu'est-ce que la Géothermie ?

Le projet de Géothermie à la Dominique

Depuis 2005, l'Agence française de développement (AFD), l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) planchent sur un projet innovant. L'idée est assez simple. L'île de la Dominique, du fait de sa situation géologique, possède un site particulièrement favorable à la création d'une centrale géothermique. Cette usine pourrait couvrir tous les besoins en électricité de cette petite île anglophone de 80 000 habitants mais en plus, alimenter en électricité par un câble sous-marin, la Guadeloupe et la Martinique. Cette centrale serait en mesure de distribuer à chacun de ces DOM, environ 50 mégawatts, soit environ 20% de la consommation électrique de la Guadeloupe et de la Martinique (voir carte ci-dessous).  
Projet de câble électrique sous-marin

Quels sont les autres atouts de ce projet ?

Au Conseil régional de la Guadeloupe, le projet faisait rêver. 8% de la consommation en électricité de l'île est déjà couvert par la centrale géothermique de Bouillante. Les régions Guadeloupe et Martinique envisageaient avec ce vaste projet de la Dominique de mettre en place une filière universitaire de formation en géothermie. "La France pourrait devenir un champion dans ce domaine, souligne un haut fonctionnaire de la Région Guadeloupe. Cela ouvrirait de belles perspectives à l'export, dans une région, l'Amérique centrale qui géologiquement du fait de son volcanisme s'avère propice à la géothermie".

Abandon d'EDF

Mais, pour un fois qu'un projet industriel semblait se concrétiser dans les Antilles françaises, EDF a fait machine arrière. L'opérateur en électricité a tout simplement décidé d'abandonner le projet début 2013. EDF ne peut pas nous dire, quand ni qui exactement, a pris cette décision mais il semble bien, à en croire plusieurs sources proches du dossier, qu'elle a été prise au plus haut niveau, par le président d'EDF, Henri Proglio.

Pour quelles raisons EDF a-t-il jeté l'éponge ?

Selon le BRGM, EDF a estimé que le projet n'était pas rentable. "Cet argument ne tient pas debout, peste une source proche du dossier à la région Guadeloupe. Aujourd'hui, les guadeloupéens paient entre 18 à 20 centimes le kilowatt-heure quand l'électricité provient du fuel ou du charbon. En revanche quand elle est produite par la centrale géothermique de Bouillante, cela coûte 13 centimes le kilowatt-heure. L'électricité de La Dominique pourrait donc coûter encore moins cher". 

Vue aérienne de La Dominique

EDF est-il accaparé par le nucléaire ?

La véritable raison de l'abandon d'EDF est à chercher dans le coût de l'investissement. A l'AFD ou à l'ADEME, on estime que ce projet de centrale géothermique à la Dominique devrait se monter à 600 millions d'euros. Certes l'AFD et la Caisse des Dépôts et Consignations s'engagent à financer une partie du projet (100 à 150 millions d'euros pris en charge par l'AFD) mais le montant total reste bien lourd. A EDF, on nous explique aussi que l'entreprise doit investir dans le parc national nucléaire qui devient quelque peu vieillissant. Bref, EDF a d'autres priorités.

La colère de Victorin Lurel

Le 10 juillet dernier, lors d'une conférence sur la transition énergétique outre-mer et en Corse, le ministre des outre-mer Victorin Lurel s'est emporté. "C'est une douleur, on cherche un nouvel opérateur, a-t-il dit devant les journalistes. Deux régions, la Martinique et la Guadeloupe s'impliquent très fortement sur un dossier qui nous occupe depuis cinq à huit ans, on y a mis de l'argent, de l'énergie et de l'amitié avec ce pays qui nous est frère, la Dominique. C'est un bon projet qui coûte à peine 600 millions d'euros et qu'il ne faut pas abandonner".

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

Un nouvel opérateur en vue ?

Au ministère des outre-mer, on nous assure que des discussions sont en cours pour trouver un nouvel opérateur. Victorin Lurel a bien essayé lors d'une réunion de faire revenir le PDG d'EDF, Henri Proglio sur sa décision, en vain. Alors qui sont les entreprises suceptibles de mener à son terme le projet de centrale géothermique de la Dominique ? Au ministère de l'outre-mer, on n'a pas tellement envie d'entrer dans les détails. Mais selon plusieurs sources proches du dossier, trois entreprises semblent intéressées par cet investissement, la française GDF Suez, l'Italienne Enel et l'allemande Siemens.

Les américains pourraient-ils rafler la mise ? 

La Dominique va accueillir les 26 et 27 septembre prochains une conférence des donateurs. C'est l'OAS, l'Organisation des Etats Américains qui organise ce forum dans le but de trouver un financement pour la construction de cette centrale géothermique. "Cette conférence a été lancé à la va-vite, nous explique un ingénieur de l'ADEME mais, confie-t-il, il existe un vrai risque que les américains s'emparent du dossier. Et dans ce cas-là nous aurons perdu environ 6 millions d'euros dans des études et des forages qui seront utilisés par d'autres"... 

La Conférence environnementale
C'est la deuxième année consécutive qu'une conférence d'une telle envergure se tient au Palais d'Iena à Paris. Ce forum débute ce vendredi à 11h par un discours du président de la République. Ensuite, cinq tables rondes réunissant de nombreux ministres vont se dérouler autour de cinq thèmes : l'économie circulaire, les emplois et la transition écologique, la politique de l'eau, la biodiversité marine et enfin l'éducation à l'environnement. Samedi à 15h30 le Premier ministre prononcera un discours de clôture.