Nuit de fête à Porto Alegre : la joie des uns, le quotidien des autres

Le journaliste français Nicolas Ransom, qui vit au Brésil, nous raconte chaque jour "sa" Coupe du monde. Hier, il était à Porto Alegre pour le premier match des Bleus, remporté 3-0 face au Honduras. Après la rencontre, c'était nuit de fête...Ou pas.
Et 1, et 2, et 3...0 !
Hier, le premier match des Bleus a rappelé de bons souvenirs à tous les supporters français. Ils étaient près de 3 000 dans les tribunes du stade Beira Rio. Tous ou presque sont venus fêter la victoire à la "Casa bleue", le QG des Français  à Porto Alegre, installé dans un bar à la mode en plein centre-ville. Toute la nuit, la caïpirinha  y a coulé à flots. Pas pour tout le monde...

 "I will survive"

Place du marché municipal de Porto Alegre.  La Casa bleue est pleine à craquer. Les enceintes crachent du "I will survive" et les pompes à bière de la "Brahma", la boisson officielle de la Coupe du monde. Les supporters français dansent sur les tables. Dehors, à une dizaine de mètres de là, un homme regarde ces scènes de liesse, désabusé. "Ici, c'est pour les riches. Je ne peux pas rentrer moi".
 

"Je suis un catadore"

Savates aux pieds et T-shirt sale sur le dos, Carlos, 54 ans, pousse un chariot rempli de cartons et de vieilles bouteilles en plastique.  "Je suis un catadore", un recycleur. Derrière sa charrette de fortune, Carlos arpente les rues de poubelle en poubelle à la recherche de déchets en tous genres. "Je les revends ensuite au dépôt", une sorte de grossiste sous contrat avec les industries du recyclage.

8 centimes le kilo de carton, 30 centimes le kilo de bouteilles plastiques, 60 centimes le kilo de canettes... À ce tarif-là, pour survivre, il faut en fouiller des poubelles. Les bons jours, Carlos réussit à se faire une dizaine d'euros. Pas de quoi pouvoir se payer un loyer. Alors Carlos dort dans son chariot, dans la rue, caché sous une vieille couverture.

"Le Mondial c'est pour distraire les riches"

La Coupe du monde ? "Une malédiction qui ne nous apporte que des ennuis", explique Carlos. "Le Mondial, c'est pour distraire les riches... Pour les pauvres comme nous, ça ne change rien..."
Ou plutôt si : depuis le début de la compétition, les "catadores" comme Carlos ne peuvent plus aller dans le quartier du stade avec leur chariot, sous peine d'être arrêtés par la police. Histoire de ne pas importuner les riches supporters venus du monde entier.
 
À Porto Alegre, comme Carlos, ils sont plusieurs milliers à dormir chaque nuit dans les rues. La Coupe du monde ne va rien changer à leur quotidien. Mis à part peut-être quelques canettes de plus dans les poubelles ou les caniveaux.