Chinois, Vietnamiens, Javanais sont installés dans les territoires français du Pacifique depuis la fin du XIXe siècle. Un ouvrage collectif, "Diasporas asiatiques dans le Pacifique", vient d’être consacré à l’histoire de ces migrations encore méconnues. Entretien.
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La recherche en sciences sociales a longtemps laissé de côté l’histoire des migrations asiatiques dans le Pacifique. Pourtant, si l’on considère les territoires français d’Outre-mer, Chinois en Polynésie, Vietnamiens, Javanais, Chinois et même Japonais en Nouvelle-Calédonie ont participé à l’évolution de ces régions depuis la fin du XIXe siècle. Interview de Yannick Fer, sociologue et chercheur au CNRS (Groupe sociétés, religions, laïcités), qui a dirigé l’ouvrage collectif "Diasporas asiatiques dans le Pacifique. Histoire des représentations et enjeux contemporains" (éditions Les Indes savantes).
Quelles sont les grandes lignes du livre que vous avez dirigé ?
Yannick Fer : L’idée du livre est de croiser plusieurs approches disciplinaires pour essayer de rendre compte de la présence et du rôle dans les sociétés du Pacifique de communautés originaires d’Asie, qu’on appelle en général "les Chinois", ou "Tinito" en Polynésie. Des Asiatiques vivent depuis plusieurs générations dans les îles du Pacifique mais pour tout un tas de raisons ils ont du mal à trouver leur place sur ce qu’on écrit sur cette région. Du côté de l’anthropologie on dit par exemple que l’on s’intéresse aux peuples du Pacifique, donc aux autochtones, et plus rarement aux personnes d’origine asiatique. Nous avons choisi l’expression de "diasporas asiatiques" pour le livre car cela implique une certaine distance, un éloignement proche de l’exil, et le fait que ces populations s’inscrivent dans la société où elles sont physiquement. La problématique c’est "comment est-on reconnu là où on vit ?"
Parlons de cette présence asiatique en Polynésie française, où il y a une communauté chinoise importante…
En Polynésie les Chinois sont très majoritairement des Hakkas qui sont arrivés à la fin du XIXe siècle jusque dans les années vingt et trente. Ils ont d’abord été recrutés comme main d’oeuvre dans les plantations, une main d’oeuvre supposée plus travailleuse et plus docile que les populations locales. Le travail dans les plantations a rapidement tourné court et la plupart des Chinois sont devenus des commerçants, tout en gardant un lien à leur origine, notamment à travers le culte des ancêtres. Il y a actuellement des associations chinoises, le temple chinois Kanti qui date de 1876, donc des repères et une communauté relativement structurée.
Les Chinois ont-ils été victimes de discrimination en Polynésie ?
Officiellement, les Chinois de Polynésie sont devenus des citoyens français seulement à partir de 1962. Les autorités coloniales considéraient que les Chinois étaient "un mal nécessaire". Nécessaire parce qu’ils apportaient quelque chose à l’économie locale, mais un mal parce qu’ils étaient vus comme sournois, intéressés, corrupteurs, enfin tous les stéréotypes qu’on leur accole habituellement. Une part de discrimination venait donc de l’autorité coloniale, et l’autre venait des acteurs français coloniaux, en particulier de la Chambre d’agriculture, qui faisait des déclarations très hostiles aux Chinois par peur que ces derniers n’accaparent les terres. Par ailleurs, beaucoup de Chinois sont devenus des commerçants, ce qui a aussi cristallisé, jusqu'à aujourd'hui, des discours hostiles envers eux, non seulement à Tahiti mais également dans d’autres îles du Pacifique.
Qu’en est-il des diasporas asiatiques en Nouvelle-Calédonie ?
Il y a plus de diversité en Nouvelle-Calédonie car il y a des communautés chinoises, vietnamiennes, javanaises et même originaires du Japon. Les premiers Indochinois sont arrivés en Nouvelle-Calédonie à partir de 1895, les Javanais à la même date et jusqu’à 1955, de même que les Chinois. D’après ce que disent les auteurs qui ont travaillé sur cette question dans le livre, les communautés asiatiques de Nouvelle-Calédonie se retrouvent assez facilement dans le discours développé après les accords de Nouméa sur le "destin commun" et la reconnaissance que la société est plurielle. Les Asiatiques de Nouvelle-Calédonie ont travaillé dans les plantations mais aussi dans les mines, puis le petit commerce.
Quelles sont les grandes lignes du livre que vous avez dirigé ?
Yannick Fer : L’idée du livre est de croiser plusieurs approches disciplinaires pour essayer de rendre compte de la présence et du rôle dans les sociétés du Pacifique de communautés originaires d’Asie, qu’on appelle en général "les Chinois", ou "Tinito" en Polynésie. Des Asiatiques vivent depuis plusieurs générations dans les îles du Pacifique mais pour tout un tas de raisons ils ont du mal à trouver leur place sur ce qu’on écrit sur cette région. Du côté de l’anthropologie on dit par exemple que l’on s’intéresse aux peuples du Pacifique, donc aux autochtones, et plus rarement aux personnes d’origine asiatique. Nous avons choisi l’expression de "diasporas asiatiques" pour le livre car cela implique une certaine distance, un éloignement proche de l’exil, et le fait que ces populations s’inscrivent dans la société où elles sont physiquement. La problématique c’est "comment est-on reconnu là où on vit ?"
Parlons de cette présence asiatique en Polynésie française, où il y a une communauté chinoise importante…
En Polynésie les Chinois sont très majoritairement des Hakkas qui sont arrivés à la fin du XIXe siècle jusque dans les années vingt et trente. Ils ont d’abord été recrutés comme main d’oeuvre dans les plantations, une main d’oeuvre supposée plus travailleuse et plus docile que les populations locales. Le travail dans les plantations a rapidement tourné court et la plupart des Chinois sont devenus des commerçants, tout en gardant un lien à leur origine, notamment à travers le culte des ancêtres. Il y a actuellement des associations chinoises, le temple chinois Kanti qui date de 1876, donc des repères et une communauté relativement structurée.
Les Chinois ont-ils été victimes de discrimination en Polynésie ?
Officiellement, les Chinois de Polynésie sont devenus des citoyens français seulement à partir de 1962. Les autorités coloniales considéraient que les Chinois étaient "un mal nécessaire". Nécessaire parce qu’ils apportaient quelque chose à l’économie locale, mais un mal parce qu’ils étaient vus comme sournois, intéressés, corrupteurs, enfin tous les stéréotypes qu’on leur accole habituellement. Une part de discrimination venait donc de l’autorité coloniale, et l’autre venait des acteurs français coloniaux, en particulier de la Chambre d’agriculture, qui faisait des déclarations très hostiles aux Chinois par peur que ces derniers n’accaparent les terres. Par ailleurs, beaucoup de Chinois sont devenus des commerçants, ce qui a aussi cristallisé, jusqu'à aujourd'hui, des discours hostiles envers eux, non seulement à Tahiti mais également dans d’autres îles du Pacifique.
Qu’en est-il des diasporas asiatiques en Nouvelle-Calédonie ?
Il y a plus de diversité en Nouvelle-Calédonie car il y a des communautés chinoises, vietnamiennes, javanaises et même originaires du Japon. Les premiers Indochinois sont arrivés en Nouvelle-Calédonie à partir de 1895, les Javanais à la même date et jusqu’à 1955, de même que les Chinois. D’après ce que disent les auteurs qui ont travaillé sur cette question dans le livre, les communautés asiatiques de Nouvelle-Calédonie se retrouvent assez facilement dans le discours développé après les accords de Nouméa sur le "destin commun" et la reconnaissance que la société est plurielle. Les Asiatiques de Nouvelle-Calédonie ont travaillé dans les plantations mais aussi dans les mines, puis le petit commerce.