Dix-huit accusés pour un assassinat: la cour d'assises de l'Aveyron débute lundi à Rodez le procès marathon d'un groupe d'hommes accusés d'avoir donné la mort à un Antillais de 20 ans, lors d'une "expédition punitive" à Millau en 2010.
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C'est un procès hors norme qui débute ce lundi à Rodez. Pour traiter cette affaire compliquée, les jurés sont réquisitionnés pour deux mois, jusqu'à la fin novembre, et le palais de justice de Rodez a été spécialement réaménagé. Le procès devrait débuter réellement mardi, la première journée étant consacrée à la composition du jury et l'appel d'un grand nombre de témoins.
Le meurtre de "Scra"
La victime, Jean-Ronald d'Haïty dit "Scra", avait 20 ans. Né dans la partie française de l'île antillaise de Saint-Martin, d'une famille originaire d'Haïti, il vivait depuis peu dans le centre ancien de Millau. Et dans la sous-préfecture de l'Aveyron, le récit de sa mort marque encore les esprits.
Le soir du 8 mai 2010, une vingtaine de jeunes, majoritairement encagoulés ou encapuchonnés, se ruent place Foch et forcent la porte de l'appartement de Jean-Ronald. Ils sont armés de couteaux, de battes de base-ball et même d'un sabre de samouraï. Jean-Ronald tente de fuir par une fenêtre. Il reçoit un coup de couteau dans le dos et un autre en plein coeur.
Le soir du 8 mai 2010, une vingtaine de jeunes, majoritairement encagoulés ou encapuchonnés, se ruent place Foch et forcent la porte de l'appartement de Jean-Ronald. Ils sont armés de couteaux, de battes de base-ball et même d'un sabre de samouraï. Jean-Ronald tente de fuir par une fenêtre. Il reçoit un coup de couteau dans le dos et un autre en plein coeur.
Les amis antillais avec lesquels il passe la soirée sont parvenus à s'échapper. L'un reste caché dans les toilettes. Trois autres sautent du deuxième étage: une femme se fracture alors une jambe et un homme, une fois dans la rue, est coursé, attaqué à coups de couteau, assommé.
18 hommes dans le box des accusés
Quatre ans après, 18 hommes comparaissent pour "assassinat", "tentative d'assassinat" et "violences aggravées". La peur des représailles, les menaces et les revirements dans les déclarations ont rendu l'enquête difficile mais le dossier évoque de "lourdes charges".
L'accusation a reconstitué le scénario d'"une expédition punitive" visant "les Antillais". Elle pourrait avoir été menée par deux des accusés, deux frères nés
à Millau, de famille marocaine: Morad Laanizi, 26 ans et Taoufik Laanizi, 32 ans.
"Aller niquer les blacks"
Quelques semaines auparavant, Morad avait eu la mâchoire fracturée dans une bagarre avec un Antillais habitant à la même adresse que Jean-Ronald. Les investigations n'ont pas établi de liens entre ce conflit - au motif indéterminé - et un éventuel trafic de produits stupéfiants.
Animés par l'esprit de vengeance, les deux frères auraient pu entraîner amis et connaissances dans l'"expédition punitive" afin d'"aller niquer les Blacks", selon diverses sources citées par l'accusation. Cependant, Taoufik Laanizi a toujours nié toute implication dans les faits.
Identifier l'auteur des coups mortels
L'avocat Henri Aimonetti, représentant la famille du défunt qui vit à Saint-Martin, évoque "un dossier compliqué dont l'instruction n'a peut-être pas démêlé tous les fils". "A priori personne n'est identifié comme étant le criminel (ayant porté les coups mortels, ndlr). Et sauf coup de théâtre lors des débats, la cour devra statuer sur un groupe d'individus", dit-il.
Pour lui, la victime était "un garçon qui n'avait pas de problèmes". "A priori il n'avait rien à voir avec la bagarre évoquée ni avec le trafic de drogue". "C'était un Saint-Martinois qui avait quitté son île pour venir à Millau et ne cherchait qu'à s'intégrer, un gamin calme, discret", renchérit un habitant de Millau, Yves Iscayesa, ancien postier d'origine guadeloupéenne.
Un traumatisme à Millau
Après le drame, une éphémère association "Scra" avait été créée. "On avait joué le rôle de grands frères pour faire retomber la tension, éviter des représailles, et il n'y avait pas eu de problèmes", raconte encore Yves Iscayesa. Car le drame "avait été marquant pour Millau, où il n'y a pas de banlieues ni de quartiers mal famés ni d'ailleurs de +communauté antillaise+ organisée", assure-t-il.
D'autres violences
Deux mois avant ce procès, Millau a cependant vu des craintes se réveiller, après une autre affaire de violences en bande organisée. Cette fois, ce sont huit jeunes Antillais qui ont été mis en examen et écroués en juillet. Ils sont soupçonnés d'avoir violemment agressé à l'arme blanche trois rugbymen
internationaux (Aurélien Rougerie, Benjamin Kayser et Julien Pierre) de passage à Millau avec leur club, Clermont.