Huit mois après le vote de la résolution à l’Assemblée nationale dans laquelle la France reconnaît avoir exilé contre leur gré 1650 enfants réunionnais à partir de 1963 dans des régions peu peuplées de France, les associations de victimes se sont retrouvées à Quézac dans le Cantal avec la députée Ericka Bareigts.
Que faire de cette résolution relative aux enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 ? Ce texte voté à l’Assemblée nationale en février dernier sous l’impulsion de la députée Ericka Bareigts a permis de faire connaître ce scandale. Le président de l’association des Réunionnais de la Creuse Simon A-Poi a ainsi pu raconter son enfance brisée à des chaînes de télévision du monde entier : d’Australie, du Japon, de Hollande ou des Etats-Unis. « J’ai particulièrement apprécié la manière dont les Japonais se sont comportés, raconte-t-il à La1ere, ils étaient émus et respectueux ». En France bien sûr, l’affaire a eu un fort retentissement, mais après…
C’est justement de cette après-résolution que les associations de Réunionnais de la Creuse et du Cantal sont venues parler à Quézac. Dans ce petit village très tranquille d’Auvergne qui compte presque autant de vaches que d’habitants, ceux à qui on a volé leur enfance ont décidé de se fédérer. Ce n’était pas gagné, car sans trop exagérer, il y a presque autant de Réunionnais de la Creuse et du Cantal que d’associations. Génération Brisée présidée par Jean-Charles Pitou, l’Association des Réunionnais de la Creuse de Simon A-Poi et Rasinn Anler dont Valérie Andanson est la vice-présidente ont décidé hier de se fédérer pour mener des actions ensemble.
Pour l’instant, leur programme commun en est au stade embryonnaire. Mais cette nouvelle fédération aimerait faire venir sur leur île natale des Réunionnais qui ont ainsi été envoyés contre leur volonté en métropole dans les années 1960 et 1970. Beaucoup d’entre eux n’ont jamais pu vraiment chercher leurs racines ou raconter leur histoire. Ericka Bareigts, les soutient sur ce dernier point. La députée de La Réunion souhaiterait qu’un an après le vote de sa résolution, en février prochain, des collèges et des lycées de l’île ouvrent leurs portes à ces témoins d’une histoire peu glorieuse de la France. « A La Réunion, je trouve que cette affaire est assez mal connue, confie la députée. Il y a comme une sorte de culpabilité sur place. Et moi, je crois que ces parcours de vie très difficiles peuvent beaucoup apporter à nos jeunes ».
A Quézac, Jean-Charles Pitou connaît chaque recoin de ce village du Cantal. Il a vécu plusieurs années au foyer dirigé par des bonnes sœurs du Sacré cœur et des curés. Pendant les vacances scolaires, il partait dans une famille d’accueil situé à quelques kilomètres. « J’ai eu de la chance dans mon malheur, confie-t-il, car les Calmejane, la famille de fermiers qui me recevait avait un fils Michel qui faisait de la musique. Grâce à lui, j’allais faire la fête dans les bals de village ». En revanche, ce Réunionnais du Cantal aujourd’hui retraité après avoir été peintre en bâtiment n’a jamais pu faire les études dont il aurait rêvé.
Beaucoup de Réunionnais restent traumatisés par leur enfance de déraciné dans l’hexagone. Jean-Charles Serdagne de la Creuse en garde même des blessures corporelles. "A force d'avoir reçu des coups chez les fermiers où je travaillais comme un esclave quand j'étais enfant, mon dos est en morceaux, a-t-il raconté à Quézac. Certains comme Serge Tétry ou Henry Annony qui ont grandi dans ce village du Cantal ne savent que très peu de chose sur leurs racines. « Je n’ai jamais vu mes parents, raconte Henry Annony à La1ere. Quand je suis venu pour la première fois à La Réunion, j’avais 40 ans et je n’ai pu rencontrer que ma grand-mère, mes parents étaient morts ». Cette question des racines préoccupe la députée Ericka Bareigts. « Si les associations me le demandent, j’essaierai de faire en sorte qu’un haut fonctionnaire à la retraite puisse nous aider dans ces recherches d’identité, explique-t-elle. Il faudrait que ce dossier passe par le Ministère des Outre-mer ».