Depuis six ans, l’anthropologue et membre du GIEC Annamaria Lammel travaille sur la perception des populations du changement climatique. Elle a mené des enquêtes en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, dans les Alpes et à Paris.
Comment les populations réagissent en France face à ce changement climatique annoncée ? C’est à cette question très complexe que s’est attelée Annamaria Lammel. Anthropologue et membre du GIEC (Groupe international d’experts sur le climat), cette chercheuse a rassemblé 800 enquêtes menées à Paris, à Chamonix, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Ces données ont été collectées entre 2009 et 2011.
"Les Amérindiens parlent de la fonte des glaces"
"Les populations amérindiennes installées en Guyane sont parmi les plus inquiètes de ce réchauffement, déclare Annamaria Lammel à La1ère. Ils disent que la floraison ne se fait plus aux mêmes périodes, que certains poissons ont disparu et que des maladies de peau sont de plus en plus présentes. Ce qui est étonnant, poursuit l’anthropologue c’est que les Amérindiens ont une vision globale du changement climatique. Ils parlent de la fonte des glaces qui a pourtant lieu à des milliers de kilomètres, alors que de nombreux Parisiens ne sont pas conscients de la fonte des glaciers dans les Alpes."
"Si la mer veut reprendre la terre, on ne peut rien faire"
En Nouvelle-Calédonie, la chercheuse s’est rendue à Lifou. Sur place, un Kanak lui a dit une phrase qui l’a marquée : "Si la mer veut reprendre la terre, on ne peut rien faire. Chez les Kanak, le vent et la mer sont dotés d’une âme, ajoute Annamaria Lammel. Ils ont conscience que la nature forme un tout. Les glaces fondent, nous ont-ils dit. Les villes et les terres vont être englouties et les humains et les animaux vont disparaître. Ce sera la fin." La chercheuse a constaté le même pessimisme que chez les Amérindiens. Les Parisiens sont nombreux à croire que les scientifiques vont trouver des solutions.
Les Hmongs, une vision très pragmatique
En Guyane, Annamaria Lammel a rencontré des Hmongs. Ces Guyanais originaires du Laos qui travaillent principalement dans l’agriculture, subissent déjà, selon eux, les conséquences de ce réchauffement climatique. Leur vision est très pragmatique. "Ils nous ont dit qu’ils devaient utiliser beaucoup plus d’engrais, que la terre était devenue pauvre, précise Annamaria Lammel. Ils soulignent aussi qu’ils allument beaucoup plus souvent leur appareil de climatisation."
"Les décisions se prennent à Paris"
"Dans les grandes villes, comme Paris, la population a un perdu le contact avec la nature, souligne l’anthropologue, alors que les Amérindiens, les Kanak et plus largement les Guyanais, les Calédoniens et dans une moindre mesure les habitants des Alpes perçoivent plus nettement les effets du réchauffement climatique. Le problème, conclue Annamaria Lammel, c’est que les décisions sur l’environnement se prennent à Paris."