Shoah, esclavage : polémique autour de la "hiérarchisation des crimes contre l'humanité"

C'est un débat récurrent, relancé par une lettre ouverte de Joëlle Ursull, qui agite les réseaux sociaux. L'artiste guadeloupéenne estime que François Hollande a "insulté par omission des peuples", en déclarant à Auschwitz que "La Shoah est le plus grand crime contre l'humanité".
"La Shoah, le plus grand crime jamais connu et jamais commis dans l'humanité", ainsi s'exprimait François Hollande le 27 janvier 2015 au mémorial de la Shoah, à Paris, à l'occasion du 70ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz (discours à revoir sur le site de l'Elysée, l'extrait en question à partir de 1'55).

Lettre ouverte au chef de l'Etat

Cet extrait du discours du chef de l'Etat est vivement critiqué aujourd'hui par l'ex-chanteuse guadeloupéenne Joëlle Ursull. Dans une lettre ouverte à François Hollande, publiée par le site PolitiquesPubliques.com, l'artiste estime qu'avec cette phrase François Hollande a "insulté par omission des peuples".  Dans sa longue missive, Joëlle Ursull estime qu'il ne faut pas de "hiérarchisation des horreurs de l'Humanité". Elle poursuit : "Mais n’est ce pas excessif et discriminatoire, de vouloir inscrire l’histoire de la shoah à l’école, en oubliant les autres histoires comme celle de vos compatriotes descendants de millions de déportés africains ? "

Tout en dénonçant cette "hiérarchisation", Joëlle Ursull affirme que l'esclavage "dépasse en nombre de morts, en traitement des victimes déportées, en durée et en horreurs, tout ce qui l’avait précédée ou suivie." 

L'artiste guadeloupéenne dénonce, pour finir, "le silence" des ministres (Christiane Taubira et George Pau-Langevin) et des élus ultramarins.

Nombreuses réactions sur les réseaux sociaux

Depuis la publication de cette lettre ouverte, les réactions sont très nombreuses sur Twitter et Facebook. Certains approuvent, d'autres dénoncent les propos de l'artiste.

De son côté, Serge Romana, président du CM98, publie en guise de réponse une lettre ouverte à Joëlle Ursull. Il invite l'artiste à "sortir de (sa) colère, car le chemin n’est pas l’autre, mais toi, moi, nous, nos aïeux ."

Autre réaction, celle du Martiniquais Pierre Kanuty, conseiller régional PS d'Île-de-France. "Joëlle Ursull se trompe, écrit il sur son blog : "Quand on étudie la Shoah, au-delà des textes les plus connus ou des articles de presse, on voit bien ce qui fait la spécificité de ce crime. Personne n'a jamais voulu exterminer les Noirs de la surface de la terre, ils étaient trop utiles comme esclaves (...) La Shoah - la destruction des Juifs d'Europe, était la réalisation d'un programme politique et c'est toute une machine industrielle et économique qui fut organisée pour y parvenir. C'était une entreprise de mort."

Pierre Kanuty termine son billet par une citation de Frantz Fanon : "Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous... Un antisémite est forcément négrophobe."


 


George Pau-Langevin : "Il ne faut pas faire de concurrence victimaire"
"L’analyse de Joëlle Ursull n’est pas la bonne. Arrêtons cette concurrence victimaire. Nous devons, chacun avec les drames de notre histoire, parler et échanger. Quand le chef de l’Etat, François Hollande, évoque la Shoah, il ne faut pas dire : "et nous ?". De plus, il y a un contresens dans cette concurrence victimaire. L’esclavage et la traite négrière sont des crimes contre l’humanité, mais pas des génocides. Nous avons un besoin de vivre ensemble, n’entretenons pas ce genre de haine. Comme disait Martin Luther King : "Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." "