Évacuations, infrastructures, santé : ce que l'on sait de la situation à Mayotte plus d’une semaine après le passage du cyclone Chido

Plus d’une semaine après le passage de Chido à Mayotte, l'heure est toujours à l'urgence
Neuf jours après le passage du cyclone Chido à Mayotte, les infrastructures se rétablissent progressivement, mais les urgences restent nombreuses.

Le cyclone Chido a dévasté Mayotte le samedi 14 décembre. Plus d’une semaine après la catastrophe, l'heure est toujours à l'urgence : soigner les blessés, alimenter la population en eau potable et en nourriture, rétablir les infrastructures essentielles comme l'eau courante, l'électricité et les réseaux de communication. Des chantiers toujours en cours.

Les distributions de nourritures et de bouteilles d'eau

Les distributions de bouteilles d'eau et de nourriture ont débuté le mercredi 18 décembre grâce au pont aérien et maritime établi entre Mayotte, La Réunion et l'Hexagone. 220 tonnes de marchandises ont pu être transportées, annonçait le préfet de Mayotte ce samedi 21 décembre.

Dans de nombreux villages, les habitants expliquent pourtant ne pas voir arriver cette aide, ou ne pas la recevoir en quantité suffisante. Beaucoup ne parviennent pas non plus à savoir où et quand ces distributions se déroulent.

Les communes “tributaires des livraisons de la préfecture”

Ce lundi 23 décembre, des distributions sont aussi annoncées par la préfecture à Tsoundzou 1 et 2, Koungou, Acoua, Chiconi, Ouangani, Bandrélé, Chirongui et Bouéni. Pas plus de précision sur les horaires et les lieux, les municipalités sont chargées de distribuer cette aide à la population et se disent “tributaires des livraisons de la préfecture”. À ce stade, seule la mairie de Mamoudzou est parvenue à établir un planning de distribution.

Pour renforcer ces opérations de distribution, l’arrivée d’un navire de la compagnie CMA-CGM a été annoncée pour ce dimanche soir à Mayotte avec à bord 1,6 million de litres d'eau. Des distributions de pastilles de potabilisation de l'eau ont également débuté alors que des habitants boivent l'eau des rivières et des puits, faute d’autre solution.

La remise en service des tours d’eau

Les tours d’eau ont été réinstaurés le samedi 21 décembre à raison de 8 heures d’eau par jour, deux jours sur trois. Un planning a été communiqué, même si les horaires ne sont pas encore confirmés pour les villages d’Acoua et Choungui.

Un planning “informatif”, selon le syndicat des Eaux de Mayotte qui précise “qu’en raison de l’instabilité du réseau” les périodes d’ouverture dépendent “des niveaux dans les réservoirs”. La population est invitée “à économiser l’eau au maximum tant que le réseau n’est pas rétabli”.

Des villages privés d'eau depuis neuf jours

Certains villages restent ainsi privés d’eau depuis neuf jours. Dans le nord de Mayotte, un barrage a été érigé sur la route par des habitants assoiffés et en colère. Pour tenter de répondre à l’urgence, des citernes ont été positionnées selon le syndicat des Eaux de Mayotte : une à Combani, une à Dapani, une à Ongoujou et deux à Acoua.

Ceux qui habitent dans les hauteurs d’Acoua, ils n’ont pas de moyens de communication, ils n’ont aucune information sur quand les citernes arrivent”, raconte une habitante ce dimanche. La population se retrouve à organiser la distribution elle-même. “Il n’y a personne, ça tirait de partout, je me suis désigné pour gérer la citerne. Même si je n’ai pas d’eau, au moins que les autres parviennent à en avoir en toute tranquillité”, commente un homme en ouvrant le robinet pour un habitant.

20 000 m3 d'eau produite par jour

Dans son dernier point sur l’état des infrastructures ce jeudi 19 décembre, le syndicat des Eaux indiquait que 4 des 5 usines de potabilisation ont pu être remises en route. Cela permet de produire 20 000 mètres cubes d’eau par jour, moins de la moitié de la production habituelle, qui était déjà en temps normal inférieure à la consommation.

Le principal problème réside dans les captages et les forages hors service ou inaccessibles pour alimenter ces usines et les foyers, ainsi que dans le transfert de l’eau vers les réservoirs à cause des casses dans les canalisations et des dégâts subis par les stations de pompage. Ces dernières sont également dépendantes de la stabilité du réseau électrique.

68% des foyers toujours privés d’électricité

Près de sept Mahorais sur dix n’avaient toujours pas d’électricité, dimanche soir, selon la préfecture. Le courant n’a été rétabli que dans 32% de la population, soit 17 664 foyers.

Comme à Cavani-Mamoudzou, à Barakani, où certains habitants voient revenir l’électricité tandis que leurs voisins restent plongés dans le noir. “On fait comme on peut, avec les bougies, on a un groupe électrogène pour le congélateur, mais ça commence à faire long”, raconte une riveraine.

"Un travail de fourmi" pour sécuriser et remplacer les câbles arrachés

Selon le directeur d’Electricité de Mayotte, le mercredi 18 décembre, les centrales fonctionnent, les lignes haute tension, la structure du réseau sous la forme d’un triangle entre Sada, Longoni et Cavani, sont pratiquement intactes. Les lignes moyennes tension, qui permettent d’amener le courant dans les foyers, sont plus lourdement touchées. 80% de ce réseau est enfoui, mais relié à des postes qui ont subi des dégâts.

Pour les 20% restants, c’est un “travail de fourmi” pour sécuriser les câbles arrachés et les remplacer, un chantier mené par les équipes d’EDM avec les renforts et le matériel d’EDF. Même si le directeur d’EDF Système énergétiques insulaires expliquait à Franceinfo ce vendredi n’avoir pas encore terminé le diagnostic et en être “encore sur la partie où il faut qu'on achemine les renforts, qu'on crée une base vie et qu'on envoie nos volontaires”.

Pour le moment, aucune échéance n’a été annoncée pour le rétablissement complet du réseau. “Pas de retour à la normale avant plusieurs semaines”, note la cellule de crise interministérielle ce samedi qui ajoute travailler sur le positionnement de groupes électrogènes à des points stratégiques. 

Plus de communication pour un Mahorais sur deux

Les antennes et les pylônes des opérateurs téléphoniques ont subi des dégâts ou ne sont parfois plus alimentés en électricité. 48,5% de la population n’est plus couverte par le réseau mobile. Faute de réseau de communication, beaucoup ne sont pas informés des mesures mises en place ou cherchent à se rendre dans les secteurs encore couverts, au risque de rater une distribution d’aide. 

Même pour tenir informés les maires, le préfet avait fait le mercredi 18 décembre une tournée des municipalités, notamment sur la côte ouest. Une autre série de rencontres a été annoncée pour cette semaine. Des terminaux pour se connecter au réseau satellitaire de Starlink doivent être installés dans toutes les mairies de Grande-Terre, à l’exception de Mamoudzou. Une centaine d’antennes ont également été commandées “pour couvrir les points stratégiques” du territoire.

Des évacuations pour les situations urgentes

Les patients les plus fragiles du CHM ont été évasanés vers La Réunion. “J’ai une douzaine, quinzaine d’avions qui se posent chaque jour à l’aéroport avec des hommes, du matériel, de la nourriture et de l’eau et donc ils viennent plein, ces avions repartent à vide”, précisait le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, invité du JT de Mayotte la 1ère le samedi 21 décembre.

J’ai mis en place une procédure à toute personne qui souhaite pour des raisons de survie repartir soit en métropole soit à La Réunion, pour éventuellement revenir après”. Le préfet a ensuite précisé les critères : “Je n’ai plus de conditions de vie soutenable, ma maison a été totalement détruite, j’ai perdu l’essentiel, et donc pour cette raison là je souhaite partir”, avant d’ajouter “j’aide tout le monde, sans aucune distinction”. 

Sur Facebook, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa précise qu’il faut pour cela contacter l’adresse mail rapatriement-aerien@mayotte.gouv.fr avant d’en détailler les critères de priorisation.

Les stations-service ouvertes

Les stocks de carburant de Mayotte sont bons”, expliquait dimanche soir la préfecture. Il faut en revanche s’armer de patience pour arriver jusqu’à la pompe, l’essence étant dans plusieurs villages indispensable pour aller chercher de la nourriture, de l’eau ou retrouver du réseau.

Ce lundi 23 décembre, sept stations-service sont ouvertes de 7h à 17h : à Majicavo, Petite-Terre, Dzoumogné, Passamainty, Chirongui et Combani.

Depuis ce lundi, chaque station a une file réservée aux services de secours. Celle de Kawéni est désormais entièrement réservée aux véhicules des secours, ces derniers jours la file d’attente était telle que les voitures bloquaient la circulation sur la route nationale. Les clients “sont limités à un plein de 30 litres. Le remplissage est limité à un jerrican”, précise la préfecture.

Les commerces ouverts, où payer par carte et où retirer du liquide

Dans les commerces, la préfecture appelle là aussi "chacun et chacune à faire preuve de civisme et de modération dans les achats". Les magasins rouvrent progressivement. Un arrêté de fixation des prix a été publié le 18 décembre.

À Mamoudzou :

Sodicash Passamainty (carte bleue)
Le centre commercial du Baobab (carte bleue)
Somaco Baobab
Sodicash de la rue du commerce (carte bleue)
Sodifram de la place mariage
Sodicash Kawéni
Sodifram Kawéni
HD Kawéni (carte bleue)
Somaco Kawéni
Sodifram Hauts-Vallons
Carrefour Hauts-Vallons (carte bleue)
Douka Bé Hauts-Vallons
Manet Market Hauts-Vallons
Douka Bé Passamainty
Douka Bé Doujani
Douka Bé Mtsapéré
Douka Bé Mandzarsoa

Dans le Nord :

Douka Bé de Koungou
Douka Bé de Mandrajou
Sodicash de Dzoumogné
Jéjé Longoni
Douka Bé Koungou
Douké Bé Majicavo Dubaï

Dans le Centre :

Sodicash Chiconi
Sodifram Sada
Sodifram Tsingoni
Carrefour Combani (carte bleue)
Douka Bé d'Iloni

Dans le Sud

Sodicash Kani-Kéli
Sodicash Malamani

En Petite-Terre :

Sodifram Pamandzi (carte bleue)
Douka Bé Labattoir 
Les deux Sodicash
Carrefour Petite-Terre (carte bleue)

Neuf distributeurs de billets

Avec seulement huit commerces qui acceptent la carte, les neuf distributeurs de billets de l’île sont pris d’assaut. Ils sont tous situés  au nord de Mamoudzou et en Petite-Terre :

Distributeur Bred de Mamoudzou
Distributeur RN1 de Kawéni
Distributeur rue de la Grande Traversée dans la zone industrielle de Kawéni
Distributeur Crédit Agricole des Hauts-Vallons
Distributeur centre commercial Carrefour des Hauts-Vallons
Distributeur BFC immeuble Canopia aux Hauts-Vallons
Distributeur BFC rue du commerce à Dzaoudzi
Distributeur Banque postale rue du commerce Dzaoudzi
Distributeur de l’aéroport de Pamandzi

Un hôpital de campagne opérationnel mardi

Pour épauler le centre hospitalier de Mayotte qui a subi des dégâts et dont les soignants ont également été sinistrés par le cyclone Chido, un hôpital de campagne est monté au stade de Cavani à Mamoudzou.

Cette installation pourra traiter une centaine de patients par jour avec ses deux blocs opératoires, ses urgences, ses appareils d'imagerie médicale ou encore sa pharmacie. Les urgences du CHM et de Petite-Terre peuvent accueillir du public ainsi que les CMR selon la préfecture. En cas d’urgence, il faut appeler le 15, si le réseau mobile le permet.

L’ampleur des dégâts et un bilan humain toujours inconnus

Des toitures arrachées sur la plupart des bâtiments, des bidonvilles entiers rasés, une végétation qui paraît avoir été brûlée par les rafales, il est toujours difficile de mesure l’ampleur des dégâts. Seules les vues satellitaires, comme le programme européen Copernicus mobilisé pour Mayotte, permettent de recenser les habitations endommagées.

À ce stade, le gouvernement se dit “prudent” sur les délais pour rebâtir Mayotte. La loi spéciale d’urgence pour Mayotte, notamment pour raccourcir les délais administratifs sur l’urbanisme, pourrait être examinée durant la première semaine de janvier. La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a aussi été publiée, mais elle concerne qu’un Mahorais sur dix, seule 10% de la population est assurée.

Un fonds d’urgence est prévu, mais son montant ne sera qu’après une évaluation plus précise de l’ampleur du sinistre. Alors qu’un deuil national est prévu ce lundi 23 décembre, le bilan humain provisoire est de 35 morts.

La préfecture a lancé une mission de comptage des morts, mais le gouvernement reconnaît qu’il est peut-être déjà trop tard. "Le bilan (...) humain sera-t-il connu ? On n'est pas capable de le dire aujourd'hui, il faut avoir cette honnêteté", a précisé ce dimanche François-Noël Buffet, le ministre démissionnaire des Outre-mer.