"Les télévisions ont peur que des Noirs et des Arabes dans des rôles importants n'éloignent les téléspectateurs", juge Mémona Hintermann, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), où elle préside le groupe de travail "Diversité". Interview.
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Dans son dernier baromètre de la diversité, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) estime à 14% le nombre de personnes "non-blanches" présentes à l'écran. Un chiffre en recul de 2 points par rapport au baromètre 2013, et qui tombe à 11% dans la catégorie "information". Une classification qui inclut les journalistes mais aussi les personnes qui apparaissent dans les sujets traités. Interview de la journaliste réunionnaise Mémona Hintermann, membre du CSA, où elle préside le groupe de travail "Diversité".
Comment analysez-vous le lancement par TF1 d'une plateforme consacrée au cinéma "afro" ?
Mémona Hintermann : "Ça ne peut pas être une mauvaise chose. Cependant, je suis résolument contre les chaînes ghettos. Ce que j'attends de la télévision, ce sont d'abord des programmes qui nous rassemblent. A la télévision allemande, vous avez une présentatrice d'origine turque avec un co-présentateur de culture hébraïque. Les Allemands parlent beaucoup moins de la diversité que nous, mais qu'est-ce qu'ils font comme boulot !
Nous, nous parlons beaucoup, nous faisons beaucoup de rapports, beaucoup de réunions, nous nous gargarisons de la diversité mais à l'arrivée qu'est-ce qu'on fait ? Très peu ! Il suffit de regarder les écrans. La diversité de la population, on la croise dans les transports, dans les hôpitaux, dans les écoles. Il faut qu'on la croise aussi à la télévision ou à la radio. La diversité doit se distiller à travers les chaînes !"
Il y a pourtant eu des progrès depuis 10 ans, non ?
"Année après année, on se rend compte que ça bouge très lentement sur la représentation des minorités, notamment des Noirs et des Arabes. Quand on les voit, ils sont quoi ? Ils sont délinquants ! Lorsqu'on réunit tous les patrons de télévision, ils se ressemblent tous. Tous sont blancs, tous viennent de la même société. Est-ce qu'ils ont déjà pris le bus 128 qui va à Bagneux ? Est-ce qu'ils vont faire leurs courses à Auchan ?
Je suis effarée de voir à quel point, en France, les télévisions publiques et privées sont encore extrêmement congelées sur ces questions-là. Lorsque je rencontre, dans le cadre du CSA, tous ces grands hiérarques des télévisions, ils s'assoient très poliment dans mon bureau. Quand je leur parle de la question de la diversité, en privé ils reconnaissent qu'il y a un problème, mais ils ne bougent pas, parce qu'au niveau politique, la France n'a pas donné le signal. Les gouvernements, de droite ou gauche, n'ont jamais travaillé en profondeur sur ces sujets".
Vous n'entrevoyez aucun progrès ?
"Si la télévision publique donne le la, les autres ne pourront pas rester à l'écart. Mais je crois qu'ils n'ont pas envie de prendre ce qu'ils estiment être des risques. Les télévisions ont peur que montrer des Noirs et des Arabes dans des rôles importants n'éloignent les téléspectateurs ! Qu'ils aillent dans les écoles, qu'ils aillent dans les universités, qu'ils aillent dans les hôpitaux, ils verront qu'il y a bien des médecins avec des gueules d'Arabes, ou des gueules de Noirs ou de Réunionnais ! Il y a vraiment urgence. Je reçois énormément de producteurs et de jeunes producteurs de ces milieux qui n'arrivent pas à mettre un pied à France Télévisions, parce qu'il faut avoir les réseaux. Pourquoi est-ce qu'on ne les aide pas ?"
Comment analysez-vous le lancement par TF1 d'une plateforme consacrée au cinéma "afro" ?
Mémona Hintermann : "Ça ne peut pas être une mauvaise chose. Cependant, je suis résolument contre les chaînes ghettos. Ce que j'attends de la télévision, ce sont d'abord des programmes qui nous rassemblent. A la télévision allemande, vous avez une présentatrice d'origine turque avec un co-présentateur de culture hébraïque. Les Allemands parlent beaucoup moins de la diversité que nous, mais qu'est-ce qu'ils font comme boulot !
Nous, nous parlons beaucoup, nous faisons beaucoup de rapports, beaucoup de réunions, nous nous gargarisons de la diversité mais à l'arrivée qu'est-ce qu'on fait ? Très peu ! Il suffit de regarder les écrans. La diversité de la population, on la croise dans les transports, dans les hôpitaux, dans les écoles. Il faut qu'on la croise aussi à la télévision ou à la radio. La diversité doit se distiller à travers les chaînes !"
Lorsqu'on réunit tous les patrons de télévision, ils se ressemblent tous. Tous sont blancs, tous viennent de la même société. Est-ce qu'ils ont déjà pris le bus 128 qui va à Bagneux ? Est-ce qu'ils vont faire leurs courses à Auchan ?"
Il y a pourtant eu des progrès depuis 10 ans, non ?
"Année après année, on se rend compte que ça bouge très lentement sur la représentation des minorités, notamment des Noirs et des Arabes. Quand on les voit, ils sont quoi ? Ils sont délinquants ! Lorsqu'on réunit tous les patrons de télévision, ils se ressemblent tous. Tous sont blancs, tous viennent de la même société. Est-ce qu'ils ont déjà pris le bus 128 qui va à Bagneux ? Est-ce qu'ils vont faire leurs courses à Auchan ?
Je suis effarée de voir à quel point, en France, les télévisions publiques et privées sont encore extrêmement congelées sur ces questions-là. Lorsque je rencontre, dans le cadre du CSA, tous ces grands hiérarques des télévisions, ils s'assoient très poliment dans mon bureau. Quand je leur parle de la question de la diversité, en privé ils reconnaissent qu'il y a un problème, mais ils ne bougent pas, parce qu'au niveau politique, la France n'a pas donné le signal. Les gouvernements, de droite ou gauche, n'ont jamais travaillé en profondeur sur ces sujets".
Vous n'entrevoyez aucun progrès ?
"Si la télévision publique donne le la, les autres ne pourront pas rester à l'écart. Mais je crois qu'ils n'ont pas envie de prendre ce qu'ils estiment être des risques. Les télévisions ont peur que montrer des Noirs et des Arabes dans des rôles importants n'éloignent les téléspectateurs ! Qu'ils aillent dans les écoles, qu'ils aillent dans les universités, qu'ils aillent dans les hôpitaux, ils verront qu'il y a bien des médecins avec des gueules d'Arabes, ou des gueules de Noirs ou de Réunionnais ! Il y a vraiment urgence. Je reçois énormément de producteurs et de jeunes producteurs de ces milieux qui n'arrivent pas à mettre un pied à France Télévisions, parce qu'il faut avoir les réseaux. Pourquoi est-ce qu'on ne les aide pas ?"