En 2008, Philippe Cury publiait "Une mer sans poissons". 7 ans plus tard, le constant alarmant qu’il dressait n’a guère changé. Si l’on continue ainsi, il n’y aura peut-être plus de poissons en 2048, comme le prédisait une étude scientifique. La1ère a rencontré Philippe Cury.
En 2008, dans une étude parue dans la revue Science, des scientifiques avaient conclu que si rien n’était fait, il n’y aurait plus de poissons dans nos océans en 2048. Philippe Cury, directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) suit de près tous les dossiers concernant la pêche. Il a publié en 2008 avec Yves Miserey un livre intitulé "Une mer sans poissons" (éditions Calmann Levy) et en 2013 "Mange tes méduses" (éditions Odile Jacob). La1ère l’a rencontré.
La1ère : Est-ce qu’on peut toujours dire qu’en 2048, il n’y aura plus de poissons dans les océans ?
Philippe Cury : Il y a des tendances lourdes inquiétantes qu’il faut vraiment prendre au sérieux. Quand cet article a été publié, pour la première fois, on s’est dit que la ressource était vraiment en péril. Toutes les pêcheries du monde sont confrontées à ce problème de la surexploitation, pêches industrielles ou artisanales, au nord et au sud. La surexploitation, c’est un mal chronique des pêches. Selon les derniers chiffres de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), 30 % des stocks sont surexploités et 60 % pleinement exploités. Ce qui signifie que les stocks de poissons subissent une très forte pression qui s’accroît avec une consommation mondiale en hausse de plus de 3 % par an depuis plus de cinquante ans. La banque mondiale dénonce cette surexploitation qui coûte très cher.
Regardez cette vidéo très claire sur la surpêche diffusée sur France 4 :
L’avenir est donc plutôt sombre ?
Suite à cette prise de conscience en 2008, des pays ont réagi, en particulier les Etats-Unis. Depuis plusieurs années, les Américains ont réussi à inverser la courbe en mettant en place une gestion très réglementée de la pêche et en respectant les avis des scientifiques. Si un pêcheur triche sur les mesures de régulation (la taille de ses mailles par exemple ou sur les quotas de pêche), son bateau est saisi et il perd sa licence. Des pays comme l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et la Norvège se sont engagés de longue date dans une gestion appropriée et fondée sur des critères scientifiques de leurs ressources.
Et dans l’Union européenne ?
En Europe, il y a un lobby très puissant qui ne fait pas du bien aux pêcheurs. C’est un secteur en crise. Il y a eu beaucoup de perte d’emploi et une diminution très importante des captures globales. Ce n’est pas bon signe, en quelques décennies dans l’Hexagone, on est passé de 30 000 marins-pêcheurs à 10 000. Ça n’intéresse pas les politiques qui ne veulent pas imaginer d’alternatives et un futur viable aux pêches. Pourtant si c’est bien géré, ça créera à nouveau de l’emploi localement. En Europe, on importe 65 % de nos produits marins. Ce qui pose en outre un problème de sécurité alimentaire pour les pays du sud où ces poissons sont pêchés.
Et Outre-mer ?
Outremer, on a des pêches artisanales qui sont assez mal suivies en termes de données et peu ou pas gérées. Les hommes politiques ne semblent pas s’y intéresser beaucoup, c’est assez dommage, car il y a des potentiels. Pourtant, l’avenir, c’est la pêche artisanale. Elle emploie de nombreux pêcheurs et elle est plus économe en énergie fossile si l’on utilise des engins passifs (filet, palangre ou ligne de traîne et non pas la pêche au chalut ou à la senne). C’est cela la transition énergétique dans la pêche.
Est-ce que vous croyez à un retour de la morue au large de Saint-Pierre et Miquelon ?
Depuis le moratoire sur la pêche à la morue décidé en 1992, on avait l’espoir de voir revenir cette espèce. On pensait qu’en arrêtant de pêcher, la morue allait revenir. Mais le système marin est complexe. Vingt-trois après, les harengs et les petits poissons pélagiques ont pris de plus en plus de place. Dès qu’une morue pond des œufs (elles peuvent en pondre jusqu’à un million), ces œufs sont immédiatement dévorés par ces petits poissons. Il faudrait aujourd’hui un mini-miracle pour que la morue revienne dans l’Atlantique Nord-Ouest.
Est-ce qu’il y a des solutions ?
Il est possible d’inverser la tendance. C’est même un problème beaucoup plus facile à gérer que le réchauffement climatique. Il faut une vraie gestion des ressources en poissons, des droits d’accès et une gouvernance qui associe les pêcheurs locaux. La recherche joue un rôle clé dans ce processus. Avec l’aide des scientifiques et une gestion locale réfléchie, la situation ne pourra que s’améliorer. Les pêcheurs artisanaux ont plein d’imagination. Et puis, il faut apprendre à consommer local.
Mais dans l’Union européenne, la règle, c’est le laisser-faire. En France, les lobbys jouent un rôle disproportionné qui ne permet pas une bonne approche des problèmes. Or on consomme de plus en plus de poissons et nous sommes de plus en plus nombreux sur cette planète. La pression sur les océans est intenable. C’est un problème global et urgent à traiter, ensemble : pêcheurs, industriels, ONG et chercheurs.
La1ère : Est-ce qu’on peut toujours dire qu’en 2048, il n’y aura plus de poissons dans les océans ?
Philippe Cury : Il y a des tendances lourdes inquiétantes qu’il faut vraiment prendre au sérieux. Quand cet article a été publié, pour la première fois, on s’est dit que la ressource était vraiment en péril. Toutes les pêcheries du monde sont confrontées à ce problème de la surexploitation, pêches industrielles ou artisanales, au nord et au sud. La surexploitation, c’est un mal chronique des pêches. Selon les derniers chiffres de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), 30 % des stocks sont surexploités et 60 % pleinement exploités. Ce qui signifie que les stocks de poissons subissent une très forte pression qui s’accroît avec une consommation mondiale en hausse de plus de 3 % par an depuis plus de cinquante ans. La banque mondiale dénonce cette surexploitation qui coûte très cher.
Regardez cette vidéo très claire sur la surpêche diffusée sur France 4 :
L’avenir est donc plutôt sombre ?
Suite à cette prise de conscience en 2008, des pays ont réagi, en particulier les Etats-Unis. Depuis plusieurs années, les Américains ont réussi à inverser la courbe en mettant en place une gestion très réglementée de la pêche et en respectant les avis des scientifiques. Si un pêcheur triche sur les mesures de régulation (la taille de ses mailles par exemple ou sur les quotas de pêche), son bateau est saisi et il perd sa licence. Des pays comme l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et la Norvège se sont engagés de longue date dans une gestion appropriée et fondée sur des critères scientifiques de leurs ressources.
Et dans l’Union européenne ?
En Europe, il y a un lobby très puissant qui ne fait pas du bien aux pêcheurs. C’est un secteur en crise. Il y a eu beaucoup de perte d’emploi et une diminution très importante des captures globales. Ce n’est pas bon signe, en quelques décennies dans l’Hexagone, on est passé de 30 000 marins-pêcheurs à 10 000. Ça n’intéresse pas les politiques qui ne veulent pas imaginer d’alternatives et un futur viable aux pêches. Pourtant si c’est bien géré, ça créera à nouveau de l’emploi localement. En Europe, on importe 65 % de nos produits marins. Ce qui pose en outre un problème de sécurité alimentaire pour les pays du sud où ces poissons sont pêchés.
Et Outre-mer ?
Outremer, on a des pêches artisanales qui sont assez mal suivies en termes de données et peu ou pas gérées. Les hommes politiques ne semblent pas s’y intéresser beaucoup, c’est assez dommage, car il y a des potentiels. Pourtant, l’avenir, c’est la pêche artisanale. Elle emploie de nombreux pêcheurs et elle est plus économe en énergie fossile si l’on utilise des engins passifs (filet, palangre ou ligne de traîne et non pas la pêche au chalut ou à la senne). C’est cela la transition énergétique dans la pêche.
Est-ce que vous croyez à un retour de la morue au large de Saint-Pierre et Miquelon ?
Depuis le moratoire sur la pêche à la morue décidé en 1992, on avait l’espoir de voir revenir cette espèce. On pensait qu’en arrêtant de pêcher, la morue allait revenir. Mais le système marin est complexe. Vingt-trois après, les harengs et les petits poissons pélagiques ont pris de plus en plus de place. Dès qu’une morue pond des œufs (elles peuvent en pondre jusqu’à un million), ces œufs sont immédiatement dévorés par ces petits poissons. Il faudrait aujourd’hui un mini-miracle pour que la morue revienne dans l’Atlantique Nord-Ouest.
Est-ce qu’il y a des solutions ?
Il est possible d’inverser la tendance. C’est même un problème beaucoup plus facile à gérer que le réchauffement climatique. Il faut une vraie gestion des ressources en poissons, des droits d’accès et une gouvernance qui associe les pêcheurs locaux. La recherche joue un rôle clé dans ce processus. Avec l’aide des scientifiques et une gestion locale réfléchie, la situation ne pourra que s’améliorer. Les pêcheurs artisanaux ont plein d’imagination. Et puis, il faut apprendre à consommer local.
Mais dans l’Union européenne, la règle, c’est le laisser-faire. En France, les lobbys jouent un rôle disproportionné qui ne permet pas une bonne approche des problèmes. Or on consomme de plus en plus de poissons et nous sommes de plus en plus nombreux sur cette planète. La pression sur les océans est intenable. C’est un problème global et urgent à traiter, ensemble : pêcheurs, industriels, ONG et chercheurs.