Le résultat était prévisible. Mardi 12 novembre, les députés se sont prononcés sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) 2025 consacrée aux recettes de l'État pour l'année prochaine. Sans surprise, ils ont majoritairement voté contre (192 pour, 362 contre), rejetant une version du texte largement réécrite par les groupes de gauche et le Rassemblement national (RN) lors des débats de ces derniers jours. Par conséquent, l'examen du budget à l'Assemblée nationale prend fin : sans recettes, les élus ne peuvent examiner le volet consacré aux "dépenses". Le PLF 2025 est donc transmis dans sa version originale (c'est-à-dire sans les modifications apportées par l'Assemblée nationale) au Sénat.
Lors de leurs discussions en séance publique, les députés de l'opposition ont fait voter plusieurs amendements changeant profondément la copie présentée par le gouvernement au début du mois d'octobre. Les ministres de l'Économie et du Budget avaient présenté un PLF d'austérité dans l'objectif de redresser les comptes publics, prévoyant 60 milliards d'euros d'économies. Cette rigueur budgétaire impliquait 20 milliards d'euros de hausses d'impôts et de taxes.
Mais c'était sans compter sur la mobilisation des députés de gauche et du RN, qui ont détricoté plusieurs mesures défendues par l'exécutif, et imposé d'autres impôts, en particulier sur les plus fortunés et les grandes entreprises. Ce qui n'a pas plu aux membres du "socle commun", les députés macronistes et Les Républicains qui soutiennent le gouvernement Barnier.
Les élus Ensemble pour la République (EPR), Les Démocrates, Horizons et Droite Républicaine, ainsi que ceux du Rassemblement national (opposés aux mesures fiscales votées par la gauche) et une partie des membres de Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (LIOT) ont donc voté contre le premier volet du PLF 2025. Les quatre groupes du Nouveau front populaire – Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise, Écologiste et Socialistes – ont, de leur côté, soutenu ce texte qu'ils ont largement contribué à réécrire.
Retour à la case départ
En rejetant les recettes du budget, l'Assemblée s'est retirée l'opportunité d'examiner les dépenses prévues par le gouvernement. Dès ce mardi après-midi, les députés devaient commencer à débattre des crédits alloués à chaque ministère. L'examen de la mission Outre-mer, en baisse de 250 millions d'euros comparé au budget 2024, était prévu mercredi 13 novembre. Il n'aura donc pas lieu. En revanche, le ministre du Budget, Laurent-Saint-Martin, a d'ores et déjà annoncé "qu'il y aura une hausse substantielle [du budget Outre-mer] pour se rapprocher le plus possible des crédits de l'année 2024".
Les sénateurs, désormais à la manœuvre, vont travailler sur la copie gouvernementale originale. Le Premier ministre Michel Barnier, qui n'a pas voulu utiliser le 49.3 à l'Assemblée comme l'ont souvent fait ses prédécesseurs à Matignon, parie sur une adoption plus simple du texte au Sénat, où la droite détient la majorité.
La version du projet de loi de finances qui sera votée par les sénateurs sera ensuite la base de travail d'une commission mixte paritaire, regroupant élus du Sénat et de l'Assemblée nationale, qui devront s'accorder sur un seul et même texte. Les deux chambres du Parlement devront ensuite se prononcer une dernière fois pour adopter définitivement, ou non, le budget 2025.
Les amendements Outre-mer à réexaminer
Avec l'échec du vote de la partie "recettes" à l'Assemblée nationale, mardi, plusieurs amendements concernant directement les territoires d'Outre-mer devront à nouveau être réexaminés par le Sénat pour être inscrits dans le PLF. Le gouvernement avait par exemple proposé d'exempter de hausse de taxe sur les billets d'avion les vols en provenance ou en direction des Outre-mer et de la Corse (afin d'assurer la continuité territoriale). Il avait aussi fait voter l'exemption de TVA en Guadeloupe et en Martinique sur une sélection de produits de première nécessité, dans un contexte de contestation contre la vie chère. Ces amendements, proposés par l'exécutif, devraient logiquement refaire leur apparition lors de l'examen du budget au Sénat.
En revanche, ceux que la gauche a réussi à faire voter, soit la TVA à 0 % sur les produits de première nécessité dans tous les Outre-mer, ou bien la TVA à 0 % sur les produits du bouclier-qualité-prix (BQP), ne seront sûrement pas repris par les sénateurs. D'autres amendements prévoyant des exonérations ou réductions fiscales pour favoriser la reconstruction et la reprise économique en Nouvelle-Calédonie, la défiscalisation des panneaux solaires installés sur les logements sociaux ultramarins, ou encore un allégement fiscal pour encourager la construction d'Ehpad en Outre-mer avaient, eux aussi, été rajoutés dans le texte par les députés. Leur sort est maintenant entre les mains du Sénat.