60 milliards d’euros à trouver pour redresser les finances publiques. Le projet de loi de finance 2025, présenté en Conseil des ministres ce jeudi 10 octobre, prévoit un sacré coup de rabot dans les dépenses de l’État. Les Outre-mer ne sont pas épargnés : le gouvernement Barnier envisage de diminuer de 250 millions d’euros le budget alloué à la mission Outre-mer, soit une baisse de près de 10% par rapport à l’année dernière.
La grande majorité (64%) des fonds de la mission Outre-mer, désormais dotée de 2,49 milliards d’euros, servira aux exonérations de charges sociales. 7% de l’enveloppe sera consacré au logement, 5% au soutien de l’Etat aux collectivités territoriales ultramarines, 3% alimentera un fonds exceptionnel d’investissement et 2% financera la continuité territoriale.
Réduction des moyens des ministères, baisse des primes allouées aux entreprises qui embauchent des apprentis... En tout, le gouvernement prévoit de réduire les dépenses de l'État de 36 milliards d'euros. Des économies auxquelles s'ajoutent 5 milliards d'euros demandés aux collectivités locales. Un effort dont seront exemptés plusieurs territoires ultramarins.
Des ajustements encore possibles
Au total, les coupes dans les dépenses de l'État dépassent les 40 milliards d’euros. Mais pour atteindre les 60 milliards d'économies, le gouvernement compte aussi sur une augmentation des recettes. Les ménages les plus riches seront mis à contribution, tout comme les grandes entreprises. Pour faire rentrer de l'argent dans les caisses, le gouvernement prévoit aussi l'augmentation de certaines taxes, par exemple sur les entreprises qui font du fret maritime. Une hausse de la taxe prélevée par l'État sur les billets d'avion est aussi en gestation. Elle devrait faire l'objet d'un amendement du gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances au Parlement.
Car les arbitrages présentés ce jeudi ne sont pas définitifs : le texte sera débattu pendant de longues semaines à l’Assemblée et au Sénat. Alors que l’examen du projet de loi de finances 2025 débutera le 21 octobre à l’Assemblée nationale, l’exercice s’annonce périlleux pour le gouvernement Barnier, qui ne dispose pas d’une majorité claire. Le Premier ministre pourrait choisir de faire passer son projet de loi de finance par 49.3, c’est-à-dire sans vote des députés mais en engageant la responsabilité de son gouvernement, au risque de se faire renverser.
"On doit faire des choix courageux maintenant pour s’éviter des choix douloureux plus tard", a défendu Laurent Saint-Martin, le ministre chargé du Budget et des comptes publics, évoquant "un effort d’ampleur" qui n’est "ni une cure d’austérité, ni un matraquage fiscal". Interrogé spécifiquement sur la question de la réduction du budget des Outre-mer dans un moment où les crises se multiplient dans les territoires ultramarins, le ministre renvoie la balle aux parlementaires. "Il est vrai que ce budget demande un effort assez généralisé, il est tout aussi vrai que le débat parlementaire devra préciser tout cela", a-t-il commenté.
Nous devrons regarder à l’aune de la réalité, des difficultés financières de certains territoires, ce qui est raisonnable et responsable de faire. (…) Le débat parlementaire peut amener des changements aux crédits proposés.
Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics.
"Les Outre-mer ne sont pas du tout une priorité"
Cet éventuel ajustement du budget dans les prochaines semaines ne suffit pas à rassurer les parlementaires ultramarins. "Il faut effectivement que l’État fasse un effort de restriction sur son propre train de vie, estime Olivier Serva, député (LIOT) de Guadeloupe. Mais les économies doivent être faites au bon endroit, et pas sur les Outre-mer qui souffrent déjà !"
"Le budget de l’Armée, le budget du ministère de l’Intérieur augmentent, souligne, amer, Perceval Gaillard, député (LFI) de La Réunion. Quand il faut trouver de l’argent sur un certain nombre de priorités, ce gouvernement en est capable, et, visiblement, les Outre-mer ne sont pas du tout une priorité."
Béatrice Bellay, députée (PS) de Martinique, se dit "inquiète" de cette coupe dans le budget. "Nous sommes dans une situation d’urgence", note-t-elle, or moins de crédits, "c’est moins pour des éléments indispensables sur lesquels nous attendons l’État", citant les services publics mais également "la continuité territoriale". La députée garde pourtant espoir que les arbitrages évoluent lors du débat parlementaire : "En 2022 et en 2023, il y a eu des 49.3 sur le budget, et, pourtant, la Corse a réussi à avoir des rallonges budgétaires".