A partir du 2 juin prochain, des chercheurs accompagnés par des légionnaires arpenteront à pied les 320 km de la frontière qui sépare le sud de la Guyane et le Brésil. C’est la première fois qu’une telle expédition a lieu d’une seule traite sur cette limite marquée par des bornes.
Le colonel Walter (en photo) a mis ses meilleurs légionnaires sur l’expédition. De passage à Paris, le chef du 3e régiment étranger d’infanterie basé à
Kourou explique à La1ère les objectifs de "ce raid des 7 bornes" aux confins de la Guyane. "Nous sommes appelés à nous rendre régulièrement en forêt pour lutter contre les chercheurs d’or illégaux, explique le colonel. Mais cette fois, nous allons exercer une mission de souveraineté. Si nous réussissons, ce sera la première fois que cette frontière sud de la Guyane sera explorée d’un seul coup. Ce sera un exploit ! "
Des légionnaires et des scientifiques
Un petit groupe de chercheurs va se joindre à cette aventure inédite dans la jungle amazonienne. Francois-Michel Le Tourneau du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), spécialiste de l’Amazonie, affiche le calme des vieilles troupes. Il compte dans sa carrière de géographe deux expéditions au Brésil en 2011 et 2013. L’équipe comprendra également deux botanistes : Guillaume Odonne du CNRS Guyane et William Milliken du Jardin botanique royal de Kew, en Angleterre. Deux guides de forêt brésiliens compléteront ce groupe de scientifiques ainsi qu’une petite équipe de tournage.
Une frontière matérialisée par des bornes
"La frontière sud de la Guyane est très peu connue, précise le géographe François-Michel Le Tourneau, à La1ère. Les dernières grandes expéditions dans cette ligne de partage des eaux qui suit la crête des Monts Tumuc Humac remontent aux années 1960-1961. Les ingénieurs de l’IGN (Institut de l’information géographique et forestière) avaient alors posé les huit bornes qui symbolisent cette frontière de 320 km. Ils ont dû porter le ciment à dos d’homme. Ils ont été obligés de faire plusieurs voyages. Il n’y avait pas d’hélicoptères pour les ravitailler à l’époque".
Crapahuter dans la jungle
Cette fois, des hélicoptères vont ravitailler les explorateurs. Mais ce ne sera pas une expédition de tout repos. Imaginez : sept semaines à crapahuter dans la jungle, à monter et à descendre des collines avec 25 à 30 kg sur le dos, à dormir dans des hamacs en se protégeant de la pluie grâce à des bâches en plastique, sans oublier la chaleur, l'humidité et les insectes. "Il faudra marcher 10 kilomètres par jour. Cela n’a l’air de rien comme ça, s'amuse le colonel Walter, mais en forêt amazonienne ça change tout. Et puis pour se faire ravitailler, il faudra créer des clairières autour de certaines bornes de la frontière afin que l’hélicoptère se pose. Pour cela, une tronçonneuse et parfois des explosifs seront nécessaires".
La Trijonction : départ à la borne 0
Militaires et scientifiques vont donc faire route commune à partir du 2 juin. Ils ne devraient normalement rencontrer personne. "Cette zone des monts Tumuc Humac est complètement inhabitée, mais ce n’était pas le cas à la Fin du 18e siècle et au début du 19e", précise François-Michel Le Tourneau. Le départ aura lieu à la borne 0, la trijonction comme on l’appelle, c’est à dire la frontière entre le Suriname, la Guyane et le Brésil.
Cartographie, étude de la faune et morse
A partir de la trijonction, les explorateurs vont suivre le parcours symbolisé par les sept bornes en ciment déposés par l’IGN dans les années 60. Tout au long de ce périple, François-Michel le Tourneau compte bien recueillir les informations qui lui permettront d’établir une carte précise de la zone. Les botanistes pourront explorer un faune vierge de toute intervention humaine. Quant aux légionnaires, outre leur mission régalienne, ils pourront communiquer par satellite en cas de pépin. "Mais en pleine jungle, ça ne marche pas toujours, précise le colonel Walter. Et dans ce cas-là, on utilise le morse".
De "la planète revisitée" au "raid des 7 bornes"
Il y a quelques mois des scientifiques de Pro-Natura international et du Muséum national d’histoire naturelle se sont rendus sur les Monts Tumuc Humac. Cette expédition baptisée "La planète revisitée" a permis de faire un inventaire de la biodiversité en cours d’élaboration. La Guyane compte à elle seule 50 % de la biodiversité française. Avec "ce raid des 7 bornes", on en saura plus cet enfer vert qui porte bien mal son nom. L’arrivée de cette expédition est prévue aux alentours du 20 juillet à la source du fleuve Oyapock.