Haïti : 70 candidats à l'élection présidentielle d’octobre

Des élèves de l’école Cœur Immaculé de Marie à Port-au-Prince, le 18 mai 2015.
Le poste de président de la République n'aura jamais été autant convoité en Haïti : soixante-dix personnes ont officialisé leur candidature pour l'élection dont le premier tour doit avoir lieu le 25 octobre 2015. 
Les prétendants à la succession de Michel Martelly, la Constitution interdisant d'effectuer deux mandats consécutifs, avaient jusqu'à mercredi soir minuit pour déposer leur dossier au conseil électoral provisoire. Et les candidats ont déjà utilisé cette première formalité administrative pour faire valoir leur popularité.
        
En Haïti, l'abondance de candidats est une habitude qui ne manque jamais de faire sourire les habitants. C'est une épidémie connue de tous : à chaque annonce d'élection, la "candatite" gagne le pays. Et l'arrivée en 2011 de Michel Martelly, un ancien chanteur, à la tête de l'Etat, alors qu'il était une star du carnaval, a accentué cette recrudescence de candidatures.
        

Président-chanteur

"Son accession à la présidence a ouvert les yeux des citoyens sur leur rôle politique", explique Thierry Mayard-Paul qui a été, entre 2011 et 2012, ministre de l'Intérieur du président-chanteur. Mais M. Mayard-Paul, qui fait aujourd'hui partie des 70 candidats, dénonce une "vulgarisation des postes". "Le simple quidam se dit pourquoi pas moi, mais sans réaliser l'importance de l'enjeu", regrette-t-il.
 
Pour certains, comme Clarens Renois, cette participation à l'élection présidentielle signe le début d'une carrière politique. "En tant que journaliste, j'ai tellement vu et vécu de moments de désespoir", explique l'ancien correspondant de l'AFP. "On se demande si on n'a pas, nous-mêmes, une vision pour changer les choses. Mais ça n'est pas un choix facile car on sait qu'en Haïti la politique est un terrain miné".
        
Beaucoup de prétendants au poste de président savent ce qu'il en est. La liste des candidats compte nombre d'anciens députés, sénateurs ou ministres. Laurent Lamothe, qui a démissionné du poste de Premier ministre en décembre suite à des manifestations répétées de l'opposition, a officialisé son ambition présidentielle. Son cas retient l'attention car ceux qui ont milité pour son départ affirment qu'il ne remplit pas les critères énoncés par la loi électorale.
 

10.500 dollars pour s'inscrire

Pour être candidat, tout ancien ministre ou haut fonctionnaire de l'Etat doit obtenir du parlement une "décharge", un document qui approuve sa bonne gestion des fonds publics. Or, en raison des trois années de retard dans l'organisation des élections législatives, le Parlement a cessé de fonctionner en janvier et n'a donc pas pu effectuer ce travail d'enquête. Il revient donc maintenant au conseil électoral de déterminer si les 70 candidatures déposées sont recevables. La liste définitive des participants à l'élection présidentielle devrait être officialisée à la fin du mois de mai. Ceux qui seront déboutés ne pourront pas récupérer les 500.000 gourdes (10.500 dollars) qu'ils ont dû verser pour s'inscrire.
        
Car paradoxalement en Haïti, où plus de 70% de la population survit avec moins de deux dollars par jour, faire de la politique demande d'avoir de l'argent. Aller à la rencontre des électeurs dans les dix départements, imprimer suffisamment d'affiches avec la photo du candidat, son numéro et le symbole de son parti pour toucher la majorité analphabète: une campagne électorale est un lourd investissement dans un pays où la politique flirte souvent avec la corruption.
        
"L'argent sera malheureusement toujours au coeur des élections" regrette Edmonde Beauzile, ancienne sénatrice et candidate à la présidentielle. "Certains veulent tout acheter, même les votes. Pour moi, qui refuse ces pratiques, la campagne sera dure mais c'est un combat que je veux mener pour mon pays".