El niño, le retour : quelles conséquences Outre-mer ?

Sécheresse en Australie
Dans un bulletin de la fin du mois de mai, Météo France indique que le phénomène climatique El niño est en cours et risque de s'amplifier au mois de juillet et d'août. Après un épisode particulièrement rude en 1998, que nous réserve cette année 2015, en particulier Outre-mer ? 
Au siège du CNES (Centre national d’études spatiales) ce mardi, Sophie Coutin-Faye, responsable de l’altimétrie raconte l’aventure des satellites qui permettent de surveiller les mers. « Tout a commencé en 1992 avec le lancement de Topex-Poseidon depuis Kourou en collaboration avec la NASA. Il a duré longtemps ! 14 années au total.  Jason 1 puis Jason 2 toujours en fonctionnement ont pris la relève, en attendant Jason 3 dont la mise en orbite est prévue fin juillet depuis la Californie ».
 
la saga de l'altimétrie spatiale du CNES


Le retour d'El niño

Grâce à tous ces satellites, les scientifiques disposent de données précises sur le niveau de la mer, et même sur sa température. « Depuis 2014, le GIEC Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat a intégré ces chiffres dans ses rapports », se félicite le chercheur Pascal Bonnefond de l’Observatoire de la Côte d’Azur. Ces données ont indiqué dès avril dernier un risque modéré à fort de phénomène El niño. « Nous sommes dans un régime où la quantité d’eau chaude qui se déplace vers le continent américain est du même type qu’en 1998 », précise le chercheur à La1ère. Fin mai Météo-France  a conclu que l'événement El niño en cours devait se renforcer au cours des mois de juillet et août.  

Pascal Bonnefond, chercheur à l'Observatoire Côte d'Azur
 

El Niño pourrait expliquer la sécheresse qui sévit en Martinique

El Niño affecte le climat mondial dans son ensemble. Lors des épisodes précédents, précise Météo-France, différents types de phénomènes ont été observés comme la sécheresse à l’est de l’Australie, dans la Caraïbe et en Guyane, ou encore des tempêtes tropicales plus à l'est qu'à l'habitude et venant affecter la Polynésie française. Autre phénomène alors observé par Météo-France: des pluies diluviennes sur la côte ouest de l’Amérique du sud, dans les îles du centre du Pacifique tropical et dans le sud des États-Unis. Ces pluies peuvent entraîner inondations et glissement de terrain.

des dégâts bien visibles sur les productions


Des événements avant-coureurs

Des événement récents ont laisser présager du retour d’El niño. « Il y a eu de très fortes pluies à la fin du mois de mars de cette année au Chili », indique Pascal Bonnefond. Ces pluies exceptionnelles dans le désert d’Atacama ont provoqué la mort d’une vingtaine de personnes. A l’autre bout du monde, en Australie, la sécheresse sévit dans l’est. Pluies diluviennes à l’ouest de l’Amérique et sécheresse dans le Pacifique, c’est la marque de fabrique d’El nino. La sécheresse en cours aux Antilles trouverait donc son origine dans ce phénomène climatique. « C'est fort probable, répond Pascal Bonnefond car El niño est un phénomène climatique mondial. Il a des impacts très variés sur toute la terre ».
 
Coulées de boue au Chili


Le terrible enfant Jésus 

El niño est bien connu des pêcheurs péruviens. C’est eux qui lui ont donné le nom de l’enfant Jésus, raconte l’océanographe Yves Lancelot dans « la mer expliquée à nos petits enfants », car le phénomène se produisait aux environs de Noël.  Les pêcheurs avaient constaté que tous les trois à cinq ans, la pêche était beaucoup moins bonne. Quand El niño sévit, les eaux chaudes migrent vers les côtes péruviennes (Pacifique est), car elles ne sont plus poussées par les Alizées, ce qui déplaît aux poissons car c’est dans les eaux froides qu’ils trouvent leur nourriture (plancton). Le Jesus climatique n’est donc pas un cadeau du ciel pour les pêcheurs du Pérou, ni pour la plupart des habitants de la terre.

Réchauffement climatique et El niño extrêmes 

Le réchauffement de l’océan lié à l’augmentation de l’effet de serre est beaucoup plus important dans le Pacifique ouest, vers la Nouvelle-Calédonie. On note localement une augmentation du niveau de la mer de plus de 5 mm par an supérieure à la moyenne mondiale qui est d’environ 3  mm par an. Or c'est dans cette zone qu'El niño peut des anomalies climatiques et aggraver encore la hausse des mers en cours. "Le réchauffement climatique pourrait engendrer des El niño extrêmes plus fréquents", ajoute Pascal Bonnefond de l'Observatoire de la Côte d'Azur. "On estime que si la température moyenne de la planète n’est pas maintenue en dessous des 2°C sur le siècle à venir, la fréquence des El niño extrêmes, les plus dangereux, pourrait doubler", conclue le chercheur.