Rencontre avec le géographe François-Michel Le Tourneau, de retour dans l'Hexagone. Il a achevé le 17 juillet une expédition scientifico-militaire de 45 jours dans la forêt amazonienne : le "raid des 7 bornes", une incroyable mission de reconnaissance à la frontière entre la Guyane et le Brésil.
Imaginez, 320 km à pied dans la forêt amazonienne avec une trentaine de kilos sur le dos. C'est ce que viennent de vivre une quinzaine de militaires (3e régiment étranger d'infanterie de la Légion étrangère) et trois scientifiques (un géographe et deux botanistes), partis en mission de reconnaissance à la frontière entre la Guyane et le Brésil, entre le 2 juin et le 17 juillet.
>> Pour tout savoir sur la genèse du "raid des 7 bornes", voir notre article "Des scientifiques et des légionnaires en expédition à la frontière sud de la Guyane"
Ce projet inédit, baptisé "raid des sept bornes" (en référence aux bornes qui marquent la limite entre les deux pays, ndlr), a mûri pendant près d'un an dans la tête d'un chercheur aventurier : François-Michel Le Tourneau (Centre de recherche et de documentation des Amériques, CNRS/Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3). A 42 ans, ce spécialiste de l'Amazonie compte de nombreuses expéditions à son actif (et n'est pas près de s'arrêter là). De retour dans l'Hexagone depuis deux jours, La1ere.fr l'a rencontré le 23 juillet dans son bureau de l'Institut des Amériques, en région parisienne. Il revient sur son périple.
La 1ère : Quel était le rythme de vos journées ?
François-Michel Le Tourneau : Réveil 5h15. Puis on alternait entre une heure de marche, 10 minutes de pause, une heure de marche, et ainsi de suite. Nous nous arrêtions vers 15h/15h30 pour monter nos bivouacs. Ensuite, comme on n'avait pas de lumière, on se couchait vers 20h. Ça faisait des bonnes nuits !
Plusieurs personnes ont dû quitter l'aventure au cours de ces 45 jours, que s'est-il passé ?
Deux personnes ont dû être évacuées. Un légionnaire s'est luxé l'épaule lors d'une chute. Et l'un de nos guides souffrait d'une grosse déchirure musculaire. C'était très triste de le voir partir, lui qui avait une connaissance si fine de la forêt... Mais quand on y réfléchit, on a eu de la chance, on aurait pu avoir beaucoup plus de problèmes. Avec la pluie, c'était glissant comme une savonnette, surtout les racines et les branches basses. Nous chutions tous plusieurs fois par jour !
Des blessures moins graves à déplorer ?
Quelques furoncles qui dégénéraient en abcès, parfois des piqûres d'insectes et des démangeaisons qui empêchaient de dormir, mais rien de bien méchant. L'accompagnement médical fourni par l'armée (des médecins qui se relayaient au moment des ravitaillements assurés par hélicoptère à chaque borne, ndlr) a permis de rendre très supportables ces petits désagréments.
Dans cette zone méconnue de la frontière guyano-brésilienne, avez-vous relevé des différences par rapport aux cartes existantes ?
Oui ! La cartographie actuelle a beau être assez bonne, elle comporte des imprécisions. Nous avons pu le constater sur le terrain, au niveau de la quatrième borne notamment. Une crique est indiquée de façon erronée sur une dizaine de km2. Le sens d'écoulement des eaux n'est pas le bon. L'IGN (l’Institut national de l’information géographique et forestière) nous avait fourni du matériel pour effectuer des relevés de position. A l'avenir, on peut imaginer qu'ils réviseront leurs cartes.
>> A lire aussi : Pierre Frenay, la frontière sèche entre la Guyane et le Brésil, c’est lui !
Je pense aussi que le tracé de la frontière entre la France et le Brésil n'est pas toujours le plus pertinent. Mais là, ça dépasse les questions de cartographie ! Il faudrait que les deux pays se mettent autour de la table pour en discuter.
Vous avez alimenté un blog et un compte Twitter pendant le périple, dans quelles conditions rédigiez-vous vos articles et vos tweets ?
Je profitais des jours de pause (à chaque borne) pour sortir mon ordi et écrire dans mon hamac. Avec tout un tas de problèmes techniques, des touches qui sautaient... Mais j'ai toujours trouvé des combines, système D quoi. Quant aux tweets, je les envoyais avec un téléphone satellitaire. Je cherchais la connexion désespérément, comme avec les mobiles d'il y a 10 ans. J'avais un peu l'air d'un sourcier, mais ça finissait par marcher.
Dans votre blog, vous vous demandiez si vous alliez embarquer un livre ou une liseuse, alors ?
Une liseuse, plus léger ! Avec Victor Hugo et Albert Camus à l'intérieur. Une fois qu'on avait épuisé tout notre stock de blagues, fallait bien s'occuper. Pour la petite anecdote, deux journalistes nous ont accompagnés pendant toute l'expédition. Ils n'avaient rien à lire, les pauvres... Ils étaient désespérés, ils essayaient d'emprunter de la lecture à tout le monde. Ils ont bien trouvé un légionnaire qui lisait Dostoïevski, mais c'était en russe...
Voir aussi le reportage vidéo de France 2 :
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>> Pour tout savoir sur la genèse du "raid des 7 bornes", voir notre article "Des scientifiques et des légionnaires en expédition à la frontière sud de la Guyane"
Ce projet inédit, baptisé "raid des sept bornes" (en référence aux bornes qui marquent la limite entre les deux pays, ndlr), a mûri pendant près d'un an dans la tête d'un chercheur aventurier : François-Michel Le Tourneau (Centre de recherche et de documentation des Amériques, CNRS/Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3). A 42 ans, ce spécialiste de l'Amazonie compte de nombreuses expéditions à son actif (et n'est pas près de s'arrêter là). De retour dans l'Hexagone depuis deux jours, La1ere.fr l'a rencontré le 23 juillet dans son bureau de l'Institut des Amériques, en région parisienne. Il revient sur son périple.
La 1ère : Quel était le rythme de vos journées ?
François-Michel Le Tourneau : Réveil 5h15. Puis on alternait entre une heure de marche, 10 minutes de pause, une heure de marche, et ainsi de suite. Nous nous arrêtions vers 15h/15h30 pour monter nos bivouacs. Ensuite, comme on n'avait pas de lumière, on se couchait vers 20h. Ça faisait des bonnes nuits !
Plusieurs personnes ont dû quitter l'aventure au cours de ces 45 jours, que s'est-il passé ?
Deux personnes ont dû être évacuées. Un légionnaire s'est luxé l'épaule lors d'une chute. Et l'un de nos guides souffrait d'une grosse déchirure musculaire. C'était très triste de le voir partir, lui qui avait une connaissance si fine de la forêt... Mais quand on y réfléchit, on a eu de la chance, on aurait pu avoir beaucoup plus de problèmes. Avec la pluie, c'était glissant comme une savonnette, surtout les racines et les branches basses. Nous chutions tous plusieurs fois par jour !
Des blessures moins graves à déplorer ?
Quelques furoncles qui dégénéraient en abcès, parfois des piqûres d'insectes et des démangeaisons qui empêchaient de dormir, mais rien de bien méchant. L'accompagnement médical fourni par l'armée (des médecins qui se relayaient au moment des ravitaillements assurés par hélicoptère à chaque borne, ndlr) a permis de rendre très supportables ces petits désagréments.
Dans cette zone méconnue de la frontière guyano-brésilienne, avez-vous relevé des différences par rapport aux cartes existantes ?
Oui ! La cartographie actuelle a beau être assez bonne, elle comporte des imprécisions. Nous avons pu le constater sur le terrain, au niveau de la quatrième borne notamment. Une crique est indiquée de façon erronée sur une dizaine de km2. Le sens d'écoulement des eaux n'est pas le bon. L'IGN (l’Institut national de l’information géographique et forestière) nous avait fourni du matériel pour effectuer des relevés de position. A l'avenir, on peut imaginer qu'ils réviseront leurs cartes.
>> A lire aussi : Pierre Frenay, la frontière sèche entre la Guyane et le Brésil, c’est lui !
Je pense aussi que le tracé de la frontière entre la France et le Brésil n'est pas toujours le plus pertinent. Mais là, ça dépasse les questions de cartographie ! Il faudrait que les deux pays se mettent autour de la table pour en discuter.
L'équipe à la borne 5 et le GPS géodésique en œuvre pic.twitter.com/0WJlpdxpFv
— #r7b (@7bornes) 7 Juillet 2015
Vous avez alimenté un blog et un compte Twitter pendant le périple, dans quelles conditions rédigiez-vous vos articles et vos tweets ?
Je profitais des jours de pause (à chaque borne) pour sortir mon ordi et écrire dans mon hamac. Avec tout un tas de problèmes techniques, des touches qui sautaient... Mais j'ai toujours trouvé des combines, système D quoi. Quant aux tweets, je les envoyais avec un téléphone satellitaire. Je cherchais la connexion désespérément, comme avec les mobiles d'il y a 10 ans. J'avais un peu l'air d'un sourcier, mais ça finissait par marcher.
Dans votre blog, vous vous demandiez si vous alliez embarquer un livre ou une liseuse, alors ?
Une liseuse, plus léger ! Avec Victor Hugo et Albert Camus à l'intérieur. Une fois qu'on avait épuisé tout notre stock de blagues, fallait bien s'occuper. Pour la petite anecdote, deux journalistes nous ont accompagnés pendant toute l'expédition. Ils n'avaient rien à lire, les pauvres... Ils étaient désespérés, ils essayaient d'emprunter de la lecture à tout le monde. Ils ont bien trouvé un légionnaire qui lisait Dostoïevski, mais c'était en russe...
Scènes de bivouac : fabrication d'1 jeu d'échec, les boîtes de plats cuisinés nous changent du lyophilisé pic.twitter.com/DTVbuhk8TB
— #r7b (@7bornes) 16 Juillet 2015
Voir aussi le reportage vidéo de France 2 :
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