Glob’îles #2 : le rahui de Teahupoo à Tahiti, "c'est bon pour l’environnement"

Mama Célina, l'âme du rahui de Teahupoo, à Tahiti
La1ère poursuit sa série hebdomadaire de reportages avant la COP21 à Paris fin novembre. Le globe (symbole de notre série) est parti cette fois à Tahiti pour découvrir le rahui. Cette pratique traditionnelle de jachère en mer a été mise en place par les habitants de Teahupoo. Reportage.
Teahupoo est plus connu pour sa vague et ses compétitions de surf que pour son rahui. Et pourtant, cette pratique traditionnelle abandonnée sous la pression des missionnaires a quelque chose de révolutionnaire. Le rahui est un interdit qui « permet un mode de gestion traditionnelle des ressources », explique à La1ère l’anthropologue Tamatoa Bambridge, l’un des artisans du renouveau du rahui à Teahupoo (voir interview en bas de page). Désormais la commune abrite un rahui, une réserve marine de 700 hectares où les poissons ne sont plus menacés par les activités humaines. Regardez ce reportage tourné à Teahupoo :
Journaliste : Cécile Baquey
JRI : Marcel Bonno
Montage : Yasmina Kherfi
Mixage : Sylvain François

Le renouveau du rahui à Tahiti

Dans les années 2000, les habitants de Teahupoo, en particulier les pêcheurs ont commencé à s’inquiéter de la baisse de quantité de poissons. C’est ainsi qu’a émergé cette idée de créer une réserve marine à Teahupoo. Mais l’originalité de ce projet réside dans le fait qu'il est ancré dans l'histoire de la Polynésie. Le rahui parle beaucoup plus aux Tahitiens qu’une aire marine protégée.
 
►Bonus : les photos du reportage
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Trois questions à Tamatoa Bambridge

Anthropologue au Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l'Environnement (CRIOBE)

Tamatoa Bambridge, anthropologue

La1ère : de quand date le rahui ?
Tamatoa Bambridge : le rahui est très ancien et difficile à dater. On en trouve des traces anciennes sur les îles Cook. Cette pratique traditionnelle a disparu au moment des premiers contacts avec les Européens. Le principe de référence aux divinités polynésiennes ne plaisait pas du tout aux missionnaires. Depuis 2000, avec le mouvement identitaire présent dans tout le Pacifique, on assiste à un renouveau du rahui. Rapa dans les Australes a renoué avec cette pratique dès 1990. A Maiao (60 km au large de Moorea, l’île sœur de Tahiti), le rahui est également en place.
 
Comment fonctionne le rahui ?
A mon avis, historiquement, le rahui était plus une gestion politique qu’environnementale. Un rahui pouvait durer de 6 mois à 30 ans (comme ce fut le cas à Huahiné il y a plus de 1000 ans). Le tapu est une interdiction sacrée posée par les Dieux, tandis que le rahui est décidé par les hommes. Ils  définissent ensuite la surface, la durée, ce qui est autorisé ou interdit de faire. Si c’est fait à la polynésienne, c’est tapu, complètement interdit.
 
Quelle est la différence entre le rahui et une aire marine protégée ?
Le problème d’une aire marine protégée, c’est que c’est quand même un peu injuste de demander aux pays du sud de protéger alors que les pays du nord polluent. Du coup, les populations sont très réservées. Le rahui, c’est une manière de réaffirmer l’autorité d’un territoire, sa dimension religieuse.