Attentats de Paris : la nuit d’angoisse d’Annick, aide-soignante antillaise des hôpitaux de Paris

Le SAMU évacue vers les hôpitaux de Paris les victimes de la rue Charonne, vendredi soir.
Annick exerce son métier à Paris depuis 10 ans. Comme elle, environ 4 000 Ultramarins travaillent à l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, des Antillais majoritairement. Pour la première fois le week-end dernier, l’aide-soignante a traité les victimes d’un attentat.
Vendredi 13 novembre, Annick prend son service à 21 heures, habituée à travailler de nuit. "C’est mon roulement normal", explique cette Martiniquaise de 30 ans. Ce soir-là, il y avait bien un petit plus de travail que d’habitude. "Les médecins traitant étaient en grève. Il y avait énormément de monde venu consulter aux urgences".

Autour d’elle en ce début de week-end, peu de personnels expérimentés. Beaucoup d’internes, des infirmiers et des aides-soignants intérimaires. Un peu "overbookée", c’est de la bouche des ambulanciers que la jeune femme apprend la terrible nouvelle : "des attentats sont en cours à Paris". 

C’était dur à supporter, certains patients n’avaient pas de nouvelles des personnes qui les accompagnaient. Émotionnellement, ils étaient effondrés. Et nous aussi










"Des gens qui venaient de quitter leur travail sont revenus"

Presque aussitôt, le plan blanc de mobilisation maximale est déclenché à l’AP-HP. Mais la solidarité fait déjà son œuvre. "Dès qu’ils ont entendu ce qu’il se passait, les collègues sont venus spontanément. Des gens qui venaient de quitter leur travail sont revenus. Et des personnes qui ne travaillaient que le lendemain matin sont arrivées plus tôt pour aider", se rappelle Annick.

Au même moment, alors que les premiers blessés sont évacués vers les grands centres hospitaliers de la capitale, Annick s’atèle à évacuer les patients admis ce soir-là. Il faut libérer des chambres au plus vite. Le centre d’urgences de cet établissement hospitalier du sud de Paris est petit, plus habitué aux légers "bobos" orthopédiques qu’aux blessures de guerre.

Salle de réveil surchargée à l’hôpital Saint-Louis. L'auteur de la photo, Pourya Pashootan, chef de clinique à l'hô...

Posté par AP - HP : Santé Indignée sur samedi 14 novembre 2015

"On se sent impuissant, on ne sait pas trop quoi faire"

Les premiers blessés arrivent vers minuit. "C’était dur à supporter, certains patients n’avaient pas de nouvelles des personnes qui les accompagnaient. Émotionnellement, ils étaient effondrés. Et nous aussi". Face à ces traumatismes psychologiques auxquels elle estime ne jamais avoir été formée, Annick se sent démunie : "On se sent impuissant, on ne sait pas trop quoi faire".


Il fallait travailler, il y avait des personnes nécessiteuses, il fallait les soigner. Après, j’ai commencé à réfléchir








La jeune maman prend vite des nouvelles de sa famille, "pour m’assurer que tout le monde était sain et sauf". Toute la nuit, l’angoisse plane sur le centre des urgences, la peur que d’autres attentats soient perpétrés. "On n’avait peur que ça tombe sur l’hôpital. Dans ces cas-là, les pensées partent dans tous les sens". Mais Annick fait preuve de sang froid : "j’ai réussi à prendre un petit détachement. Il fallait travailler, il y avait des personnes nécessiteuses, il fallait les soigner. Après, j’ai commencé à réfléchir".

En Martinique, les proches d’Annick s’inquiètent. "Il y a eu beaucoup de coups de fil à la maison". C’est son époux qui rassure la famille. Depuis qu’elle a quitté l’hôpital, samedi, vers 7 heures du matin, Annick a choisi de se ressourcer auprès des siens en Seine-et-Marne. Ce mardi soir, elle reprendra le travail, la boule au ventre. "J’appréhende beaucoup. C’est quand même la capitale et ils visent n’importe quel site".