Intervention du Raid : les heures d'angoisse des Ultramarins de Saint-Denis

Durant près de huit heures, les habitants de Saint-Denis, en région parisienne, ont vécu avec angoisse l'intervention du Raid contre l'appartement du centre-ville dans lequel se cachaient plusieurs terroristes liés aux attentats perpétrés à Paris. Récit avec les Ultramarins de Saint-Denis. 
Il est 13 heures, ce mercredi 18 novembre. Eliane, Guadeloupéenne, met le nez dehors après une nuit d'angoisse. "À 4 heures j'ai été réveillée par des tirs, ça pétaradait dans tous les sens", raconte-t-elle encore sous le choc, avec son chien à ses pieds. "Je ne comprenais pas ce qu'il se passait". Lorsque la première fusillade a éclaté en pleine nuit, la Guadeloupéenne ignorait qu'un assaut des forces de l'ordre était lancé dans un immeuble à quelques mètres de chez elle.

 
"Quand j'ai compris ce qu'il se passait, je suis allée sur Facebook, j'ai tout de suite dit que j'allais bien, j'ai rassuré toute ma famille en Guadeloupe, raconte-t-elle, avant de conclure : "C'est fini la petite vie tranquille à saint-Denis. Aujourd'hui, on se méfie même de son voisin".
 


L'angoisse de Sana

Même angoisse pour Sana, originaire de l'île Maurice. Elle a passé la nuit éveillée à entendre les coups de feu dans sa rue. "C'était un vrai cauchemar", confie-t-elle encore tremblante. "J'ai voulu ouvrir la fenêtre pour voir ce qu'il se passait mais mon mari m'a empêché de le faire. Nous étions paniqués". "Je suis Pakistanais, explique son mari lui aussi sous le choc. Les bombes c'était là-bas pas ici..." Sana souffre de violents maux de tête ces dernières heures, son mari tente de la convaincre de descendre auprès des secours. Au téléphone, depuis ce matin, la jeune femme continue de rassurer sa famille à Maurice, à La Réunion et dans le monde. 
 


"Rassurer la famille"

Même priorité pour Nisas, Martiniquais installé depuis 15 ans dans le quartier. "J'ai tout de suite rassuré la famille aux Antilles, je leur dis que nous étions tous en sécurité."
 


"C'était la guerre"

"C'était la guerre, raconte un autre habitant de Saint-Denis. De la fenêtre, on voyait les étincelles des armes. Ça tirait dans tous les sens. Ces fous voulaient tuer tout le monde."
 

 

Choquée, une jeune femme sort de son appartement. D'une main tremblante, elle montre une douille. "J'ai trouvé ça devant l'immeuble", dit-elle en tenant son petit garçon par l'autre main.
 
Pour les mères de famille, pas facile de rassurer les enfants durant les longues heures de confinement. "Ils voient leur école à la télé, ils ne comprennent pas", explique une habitante, elle aussi réveillée par les tirs. "Je n'arrête pas de me dire que j'ai sûrement croisé ces fous en faisant mes courses hier ou même dans la rue, ça me glace".

"Je n'ai plus peur maintenant"

Antillais, Sean n'habite pas le quartier mais il est venu dès qu'il a vu les événements. "Tous mes amis Antillais habitent ici, on s'est retrouvés là, tout va bien pour eux", dit-il près du périmètre de sécurité.

 

"Ne bouge surtout pas"

Un peu avant l'assaut du Raid, une jeune fille paniquée est en ligne avec sa maman. "Est-ce que ça va toujours? Ne bouge surtout pas ce n'est pas fini," lui ordonne-t-elle. Sa mère se trouve au premier étage de l'immeuble dans lequel sont retranchés les terroristes. Effrayée, angoissée, elle tente par tous les moyens de s'approcher de l'immeuble. Impossible.
 

Des habitants hébétés 

Depuis que l'opération du Raid est terminée, le périmètre de sécurité s'est restreint. Les habitants sortent petit à petit de chez eux. Yeux rougis, visages marqués, choqués, ils n'en reviennent toujours pas. "Comment ces hommes pouvaient être ici près de chez nous, dans notre quartier, je n'aurais jamais imaginer ça" dit un des doyens martiniquais du quartier. "J'ai mal au cœur".

Amer, Rodrigue, originaire de Martinique, confie : "Ici les Antillais ne se sentent plus en sécurité".