Sidney Mintz, un anthropologue américain connu pour ses travaux sur la nourriture, en particulier le sucre, et sur les Caraïbes, est mort des suites d'une chute le 26 décembre, à l'âge de 93 ans.
•
Sidney Mintz, fils d'immigrés juifs d'Europe de l'Est né dans le New Jersey, était l'une des figures de proue de l'anthropologie de l'alimentation, cette branche de l'anthropologie culturelle qui étudie les habitudes alimentaires des populations. En 1985, il avait publié un ouvrage particulièrement marquant, intitulé "La douceur et le pouvoir : La place du sucre dans l'histoire moderne". Sidney Mintz y revenait sur l'évolution de la consommation du sucre dans l'histoire, et s'attachait à montrer à quel point elle était liée au développement du capitalisme.
Le rôle du sucre dans le développement du commerce triangulaire
"Comment passe-t-on du goût des enfants pour le sucré, à l'histoire de l'esclavage, à la guerre, et au lobbying des entreprises auprès du congrès?", écrivait-il pour présenter son livre, sur son site internet. Il est l'un des premiers à avoir expliqué comment la consommation du sucre, perçu comme une gourmandise par les plus riches, et comme la principale source d'apport calorique par les ouvriers qui travaillaient dans les usines, avait poussé l'Empire
britannique à développer le commerce triangulaire.
Les Caraïbes "laboratoire d'essai de l'impérialisme européen"
Les Caraïbes étaient d'ailleurs son principal domaine d'étude. "Il y a plusieurs siècles, ces îles sont devenues le laboratoire d'essai de l'impérialisme européen et de l'esclavage moderne, où l'on a produit de la 'nourriture addictive pour prolétaires', comme le sucre, le café et le rhum", expliquait-il sur son site internet.
Plusieurs ouvrages
Ce diplômé de l'université Columbia avait publié en 1960 le livre "Worker in the Cane: A Puerto Rican Life History", non traduit en français, dans lequel il décrivait les conditions de travail des employés des plantations de canne à sucre. Il avait ensuite écrit sur la Jamaïque, et les villages de paysans qui s'y étaient créés à la fin de l'époque coloniale, et sur Haïti, lieu d'échanges commerciaux.
La consommation à la mode américaine
Pendant 20 ans, il avait enseigné l'anthropologie à l'université de Yale. Il s'était également intéressé à la manière dont agissaient les Américains, en tant que consommateurs, et avaient remarqué qu'ils avaient tendance à consommer le plus de choses possibles en même temps. Ainsi en 1985, dans "La douceur et le pouvoir", il faisait remarquer que pour les Américains:
"Regarder un match des Dallas Cowboys tout en mangeant des chips et en buvant du Coca-Cola, un joint à la main et avec une fille sur les genoux, revenait à condenser le plus d'activités possibles dans une brève période de temps, pour maximiser les plaisirs".