Le Réunionnais Amaury Lavernhe à la conquête d'un troisième titre mondial de Bodyboard

A 30 ans, le double champion du monde de Bodyboard, Amaury Lavernhe entame ce lundi à Hawaï sa 9ème saison du Pro Tour avec l'espoir de remporter une troisième couronne mondiale et ainsi rejoindre l'Australien Player et l'Hawaïen Hubbard dans la légende. 
Pour ne rien négliger dans sa préparation et se donner les meilleures chances de succès, Amaury Lavernhe s’est installé aux Canaries. Le double champion du monde fait partie de ces passionnés qui, très vite, vous transmettent le virus. Ce sportif de haut niveau ne manque jamais une occasion de défendre son sport qui souffre parfois de la comparaison avec le surf. Pourtant, tout semble opposer ces deux disciplines. "Il y a un abysse entre les surfeurs et nous. John Florence, l’Hawaïen, pour ne citer que lui, gagne plusieurs millions de dollars par an, nous en body, on est rien… Je ne suis pas jaloux, je voudrais juste qu’un équilibre existe." Même si paradoxalement certains surfeurs comme Kelly Slater ou bien encore le nouveau petit prodige brésilien, Gabriel Medina, font des "air rool spin" , des figures aériennes inspirées du body board.


L'argent ne nous affecte pas encore

Ce déséquilibre existe même au sein du pro Tour puisque certaines étapes comme la Martinique (Basse-Pointe) ou Sintra (Portugal) proposent jusqu’a 75 000 dollars en "prize money" et près de 10 000 points pro tour, alors que des destinations de légende comme Tahiti (la fameuse vague de Teahupo), Hawai ou encore les Canaries (vague de Fronton) sont beaucoup moins dotées. En proportion, cela représente dix fois moins et ça énerve notre champion. "C’est aberrant, un mec peut être champion du monde en cumulant juste deux grosses performances sur les deux étapes les plus cotées, et les plus prestigieuses, mal dotées, ne nous permettraient même pas d'être sur le podium tant les points à gagner sont misérables." Cette rage qu'il ne dissimule pas, lui donne encore plus l’envie de défendre son sport, de le faire rayonner pour attirer les investisseurs et les médias. "Parfois, on se bat contre des moulins, je vais à Pipe Line (nom du spot de l’étape d’Hawaï) pour la gloire, pour faire une compétition contre les meilleurs du monde. Nous sommes des purs, l'argent ne nous affecte pas encore et nous sommes plus solidaires et soudés, mais attention à l'individualisme causé par les réseaux sociaux »

Je suis dans mon élément entre les bananeraies et la roche volcanique des Canaries

Alors pour compenser ces frustrations et ne pas passer pour un Don Quichotte du Bodyboard, Amaury soigne sa préparation physique et mentale avant chaque début de saison. Cela passe d'abord par un équilibre familial. « Après avoir été capitaine de l’équipe de France aux Isa Games au Chili, j’ai passé les fêtes relax aux Canaries, en famille, avec Magdalena, ma femme, et Oliver mon petit garçon. Je viens d'acheter une maison sur le haut d'une falaise à Galdar (Gran Canaria) un truc de dingue mais solide et qui me correspond bien. D'ici, j'ai une vue fantastique sur l’océan. Cette maison est surprenante, mais je suis dans mon élément entre les bananeraies et la roche volcanique des Canaries, elle correspond à mon tempérament."
Et puis comme chaque saison, Amaury Lavernhe lance sa propre méthode d’entraînement avec réussite : "Ça fait bientôt 20 ans que je fais de la compétition, j’ai démarré très jeune a la Réunion, à l’âge de 11 ans. Je privilégie mes points forts. Je suis comme un roi du gainage, de l’endurance et, comme le tennisman Raphaël Nadal, avec de la puissance et de la résistance et du physique, même si je n ai pas un gros gabarit. Chez moi c’est plus du fond que de la forme et, comme Nadal je m'entraîne sur mon île" (Raphaël Nadal se ressource à Majorque dans sion fief de Manacor). La première étape d’Hawaï, le sport de pipe-line sur l’île d’Oahu apparaît comme paradisiaque, mais ce sera pour les costauds avec des conditions difficiles sur les vagues tubulaires. 

"Ti bato na gro kal"

Amaury Lavernhe ne s’en cache pas. La Réunion est toujours dans son cœur. "La Réunion me manque. Il y a plus d'un an que je n’y suis pas allé. J'y reviendrai au mois d'août pour un stage de mon académie. Sur les attaques des requins ces dernières années, les gars du circuit pro sont tristes. J'en parle à chaque occasion pour que ça ne reste pas un problème réunio-réunionnais." Amaury a d’ailleurs fait sienne une devise locale, Ti bato na gro kal, qui se traduit par "grande humilité". "Je vais tout faire pour être champion du monde. Le Bodyboard c'est ma vie et pour rien au monde je ne changerai cette situation même si on me proposait plus d'argent, pour faire du surf par exemple ».

A 30 ans, le champion réunionnais a aussi pris du recul. Désormais, il n’y a pas que le body dans sa vie. Récemment, Pierre-Louis Costes, son rival et ami français du Pro Tour, vient de se percer un tympan, il n’a pas hésité à demander conseil à Moz (le surnom d’Amaury sur le circuit) qui lui a donné un conseil, se soigner le tympan à la Patafix (colle)... Quand on vous dit que ce gars-là n’est pas comme les autres.