Voilà peut-être le job le plus difficile du basket : joker médical. Une sorte d'urgentiste des parquets. Un contrat d'une durée moyenne de trente jours. Et une mission unique : s'intégrer tout de suite dans le collectif. C'est ce que vit Kadri Moendadze à Évreux durant tout le mois d'octobre. Le club normand évolue toujours en Pro-B après avoir vécu un été sous la menace d'une rétrogradation administrative en Nationale 1. "Ici, tout le monde essaie tant bien que mal de trouver un équilibre. L'équipe a été construite à la dernière minute. C'est compliqué. Il n'empêche que j'ai été très bien accueilli. Les joueurs ont tous été super avec moi. C'est une belle formation qui a juste du mal à s'exprimer librement sur le terrain."
Joker, une vie à part
Le pigiste mahorais a débarqué à Évreux sans gyrophare. Mais dans l'urgence. SOS Kadri. "Ce n'était vraiment pas facile. J'ai dû m'adapter en très peu de temps. Et surtout revenir en forme, car comme j'étais sans club, j'avais loupé l'avant-saison. Il m'a fallu retrouver des jambes." Pour cela, l'ailier Moendadze conserve une arme secrète et intacte : la passion. "Bien sûr ! Ça reste du basket. Donc du plaisir. Et heureusement d'ailleurs que je prends toujours du plaisir. Sinon, j'arrêterais de jouer."
Si Kadri Moendadze a vite retrouvé un niveau physique convaincant, ce rôle de joker n'est pas si évident à assumer sur le plan mental. "Plus jeune, quand je me trouvais dans l'attente d'un contrat, je le vivais bien. Aujourd'hui, c'est différent. J'ai des responsabilités, une épouse, des enfants." Traduction : le trentenaire cogite beaucoup plus que par le passé. "Forcément, c'est devenu plus difficile à vivre mentalement. Mes enfants ont grandi. Ils vont maintenant à l'école. Ça change tout."
Retrouver une stabilité
Depuis ses débuts chez les pros, Kadri Moendadze a posé ses valises dans une multitude de villes françaises : Cholet, Boulogne-sur-Mer, Orléans, Aix-les-Bains… Mais sa préférence va clairement à Roanne. "Ces deux dernières années, j'ai vécu des moments magiques là-bas. J'ai juste ADORÉ Roanne ! J'y avais plein d'amis. Et côté basket, ça allait aussi très bien." À tel point que… "Nous sommes toujours basés à Roanne. C'est notre point d'ancrage. Ma femme et mes enfants sont tout comme moi, très attachés à la ville."
Encore un match à disputer avec Évreux et la pige du Mahorais prendra fin. Restera ensuite à trouver un nouveau club. Sans exigence particulière de standing. "Pro-A ou Pro-B, peu m'importe. Même s'il est vrai que cela demeure un honneur d'évoluer en Pro-A." Un nouveau maillot. Une nouvelle équipe. Et un souhait unique. "Trouver la formation dans laquelle je me sente bien. Aujourd'hui, je privilégie avant tout le côté humain. Je cherche un projet qui m'irait à moi et à ma famille."
Toujours l'unique basketteur pro de Mayotte
La vie de Kadri Moendadze a basculé en 2010. Cet été-là, il intègre la sélection de La Réunion. Direction Montaigu pour un tournoi jeunes. L'expérience doit durer dix jours. "Je voyais ça comme dix jours de vacances avant de reprendre le lycée à Mayotte." Sauf que sur place, Kadri est repéré par le Centre de formation de Cholet. "J'y pense encore. Ça a construit toute ma vie. En me faisant grandir. Attention, l'expérience n'a pas été facile. J'avais 15/16 ans mais j'ai su m'accrocher dans ce monde de requins. Aujourd'hui, je suis assez fier de ce que j'ai réalisé."
Le premier et unique basketteur professionnel originaire de Mayotte est encore jeune. Trente ans. Sa carrière est donc loin d'être terminée. Pourtant, le Mahorais réfléchit déjà à la suite. "J'y pense. Oui. Forcément. Encore plus maintenant que j'ai une famille. J'en parle beaucoup avec mon épouse." Si la réflexion de Kadri Moendadze n'est pas encore totalement aboutie, il a déjà des pistes. Comme une évidence. "Je pense que je resterai dans le sport et dans le basket. Il serait bien trop égoïste de garder pour moi, tout ce que j'ai vu et appris ici depuis mon arrivée, il y a quatorze ans." Dix jours de vacances à l'origine. Avant le début d'une sacrée carrière dans le basket français.