Tout le ramène à ses origines. À ses racines. En permanence. Mouhamadi Youssouf n'est pas un lutteur comme les autres. Porteur d'un handicap moteur depuis sa naissance, Momo (comme ils le surnomment à Valognes) sait pourtant conserver un caractère enjoué. Sourire toujours à l'affiche : "C'est une habitude mahoraise. Juste ça." Un peu comme cette légère tendance à se moquer de ses collègues de travail ? "Encore la mentalité mahoraise !, s'amuse Mouhamadi. Je fais des blagues mais tout le monde ne les comprend pas forcément."
Depuis 10 ans à l'ESAT de Valognes
Grâce à l'ESAT (Établissement et Service d'Accompagnement par le Travail), Mouhamadi a un métier et un salaire. Il fait notamment du travail de numérisation avec Nicolas, son binôme. "Nicolas enregistre les documents sur l'imprimante numérique. Après quoi, je transforme tout ça en fichiers numériques et je les classe. L'informatique m'a toujours intéressé", explique-t-il. Mais la tâche du Mahorais ne se résume pas qu'à ça. Momo fait également un peu de reliure et du cartonnage d'emballage. Ses journées sont ainsi bien remplies.
Dans l'univers professionnel de l'ESAT, il peut compter sur Didier Langlois, son moniteur d'atelier. Didier a vu arriver Mouhamadi. Il a noté ses progrès. Sa bonne intégration. Satisfecit logiquement décerné. "Momo est un très bon élément. Il a amené sourire et bonne humeur dans la structure, résume le moniteur, même si les évolutions ne semblent pas évidentes. Je pense qu'il rêverait de travailler dans le milieu ordinaire. Mais c'est forcément compliqué. Et je crois surtout qu'il rêve de retourner vivre et travailler un jour à Mayotte."
La lutte adaptée en a fait un champion
Mouhamadi Youssouf a aujourd'hui 32 ans. Il est venu à la lutte sur le tard. Par hasard. En 2015. Le club local La lutte valognaise lui propose d'essayer. Histoire de découvrir. "Alors que je ne connaissais strictement rien à cette discipline !", rappelle-t-il. L'essai est concluant. Voire très concluant. Moins de deux ans plus tard, le Mahorais se retrouve parmi les meilleurs lutteurs français. Avant de devenir champion de France. Et de collectionner les médailles d'or. "J'ai toujours confiance en moi. C'est pour ça que je gagne tout le temps. Dès que j'arrive sur le tapis, j'oublie tout. Je me concentre sur mon combat. Je suis un guerrier !"
Un guerrier qui impressionne. Patrick Pommier l'entraîne depuis trois ans. Et admet être subjugué : "C'est un phénomène, notre Momo ! Il vient s'entraîner le mardi et le vendredi avec les athlètes de la lutte olympique. Sinon, il n'aurait personne de son gabarit pour travailler en lutte adaptée. Momo, c'est une force physique incroyable et une grande passion pour son sport. S'il pouvait combattre chez les valides, je pense qu'il dominerait largement au niveau régional."
Un passionné qui a un rêve pour Mayotte
En découvrant la lutte adaptée, Mouhamadi s'est également ouvert à un grand nombre de sports de combat. S'il aime regarder la lutte à la télé tous les quatre ans durant les Jeux Olympiques, une autre discipline retient ainsi son attention : "Je suis fasciné par le MMA. Ce n'est d'ailleurs pas très étonnant puisque la lutte fait partie des sports qui composent le MMA."
Une passion pour le MMA. Mais pas d'envie de pratique pour autant. Dans ce domaine, la lutte adaptée lui convient parfaitement. Le champion trentenaire rêve simplement de l'exporter : "C'est un rêve au fond de moi : monter une école de lutte à Mayotte. Après avoir suivi une formation d'entraîneur, bien sûr. À Mayotte, les jeunes ne connaissent pas ce sport. Et je sais qu'ils s'ennuient parfois. Lancer cette école de lutte serait un beau cadeau à leur faire. Et j'y arriverai, vous verrez ! Il faut toujours se rappeler d'où l'on vient. Et donner à ceux qui en ont besoin."