Il y a quelques années encore, Elayis Bandini était une "effrayée" du vélo. Aujourd'hui, la Martiniquaise traverse l'Europe seule sur son cycle. "C'est assez addictif", admet la jeune femme depuis un café en Italie. Après le prêt d'un vélo par un collègue, Elayis n'a plus jamais lâché le guidon. " À l'automne 2022, j'ai fait Vancouvert-Los Angeles, ça m'a pris 38 jours pour à peu près 3 300 kilomètres", raconte la conseillère en politiques publiques. Mais ce n'était pas assez pour Elayis. La sportive revient de cette aventure avec l'envie de faire "un long voyage". L'objectif : découvrir des pays sans prendre l'avion, et rouler, rouler longtemps.
L'idée d'atteindre la Chine naît alors dans son esprit. Mais ce n'est pas l'Empire du Milieu qui attire Elayis. " La Chine, c'est assez peu adapté au voyage à vélo, précise-t-elle. Les cyclistes doivent s'arrêter dans des zones précises pour les étrangers." Des contraintes contradictoires avec la liberté recherchée par les voyageurs en deux-roues. Pour Elayis, ce pays constitue surtout le "terminus de la route de la soie", cet itinéraire ancestral emprunté par aventuriers et commerçants pour relier l'Europe à la Chine.
Après avoir quitté le 2 octobre le village de Saint-Étienne-de-Gourgas, dans le sud de la France, Elayis file désormais sur les routes de Slovénie. Equipée de son Peugeot country 100, d'un ukulélé et d'une guirlande lumineuse, Elayis a traversé la France puis l'Italie. "Les soirées dans la tente peuvent être longues, donc c'est plus agréable de lire ou de se reposer avec une guirlande plutôt qu'une lampe frontale", explique la jeune femme qui recommande fortement cet objet pour les périples à vélo. Le ukulélé lui, n'a pas encore fait ses preuves.
Un champ "sous-investi par les femmes"
Ces anecdotes de voyage, Elayis les raconte sur son compte Instagram "Une route à soie", créé pour l'occasion. Photos de paysage, vidéos sur ses péripéties mais aussi textes sur son ressenti, la Martiniquaise partage tout. Plus qu'un carnet de voyage, ce contenu a vocation à renouveler les récits de voyage, qu'elle juge trop masculins : " Le voyage est un champ sous-investi par les femmes, il faut normaliser le fait qu'on puisse voyager seule à vélo." En partageant son aventure, Elayis cherche à produire un "récit féminin".
Dans les récits de voyage écrits par des hommes, il n'y a jamais la place pour le doute ou la peur. Il faut partager un récit plus humble, dire que parfois on a envie de tout arrêter et de jeter le vélo.
Elayis Bandini
Une remarque récurrente irrite particulièrement la cycliste. " Si c'était ma fille, je ne l'aurais pas laissé faire ça", lui rétorquait bien trop souvent à son goût des hommes avec qui elle partageait son projet. Pourtant, pour Elayis, il y a certains avantages à être une femme pour voyager. " On ne représente pas une menace, c'est un inconvénient, mais ça peut aussi nous aider, explique-t-elle. Les gens sont davantage enclins à nous protéger et ils vont plus facilement nous accueillir chez eux pour nous héberger par exemple. "
Cette expédition, Elayis ne la voit pas forcément comme "le voyage d'une vie". " J'ai 29 ans, donc j'ai le sentiment que je vais pouvoir vivre encore plein de choses", confie la sportive qui cherche avec cette odyssée "une forme d'apaisement". "Pour le moment, je me sens bien dans ce voyage à vélo, confie Elayis, dans un rire. Je me dis que je pourrais bien arriver jusqu'en Martinique.