Manque d'infrastructures, de classes, d'enseignants qualifiés : certains élèves de Guyane et de Mayotte n'ont pas accès à l'école. Dans un avis sur le droit à l'éducation dans les Outre-mer, la CNCDH a dressé plusieurs constats alarmants dans ces départements.
La1ère.fr (avec AFP) •
Certains élèves n'ont pas accès à l'école à Mayotte et en Guyane, faute de classes et d'enseignants qualifiés, et l'échec scolaire y est accentué, dénonce, jeudi 6 juillet, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH).
Dans un avis sur le droit à l'éducation dans les Outre-mer, la CNCDH constate que dans ces deux départements les plus jeunes de France, "l'obligation scolaire peine à être respectée", même si "estimer le nombre d'enfants non scolarisés relève de la gageure".
Peu d'école pour les moins de 3 ans
La scolarisation des enfants de moins de 3 ans est presque inexistante, celle des 3 à 5 ans défaillante, les efforts se concentrant surtout "sur les enfants âgés de 6 à 16 ans", soumis à l'obligation scolaire, même si "l'accès à l'école n'est pas non plus assuré à tous", notamment lorsqu'ils sont étrangers ou en situation de handicap. En cause notamment : "l'augmentation des effectifs scolarisables", "sous l'effet d'un fort taux de natalité et des dynamiques migratoires", qui entraîne "un déficit de structures".
A Mayotte, où plus de 94.000 élèves étaient comptabilisés en 2016, de nombreuses écoles doivent "recourir à la rotation des élèves qui, à tour de rôle, ne vont en classe que le matin ou l'après-midi en cinq heures concentrées". Une classe du premier degré sur cinq est concernée. "On estime qu'il faudrait ouvrir une salle de classe par jour pour accueillir dans de bonnes conditions la population scolaire actuelle et à venir."
Et les professeurs ?
La CNCDH pointe aussi dans ces deux territoires "l'absence d'un vivier local de professeurs titulaires" et "un déficit d'attractivité pour les personnels enseignants" de l'Hexagone, "qui peut s'expliquer par une multitude de facteurs (climat d'insécurité, etc.)"
En Guyane par exemple, dans les villages de l'intérieur ou du fleuve, les enseignants affectés sont confrontés à des conditions de vie difficiles : "logement souvent rudimentaire, voire insalubre, eau et électricité parfois rationnées, couverture téléphonique, numérique et télévisuelle limitée, difficultés de ravitaillement, éloignement et isolement, etc."
Les académies doivent donc recourir massivement aux contractuels. Ces derniers représentaient en 2015, près de 36,6 % des effectifs à Mayotte et 33,4 % en Guyane (moyenne nationale 7,5 %). Pour la CNCDH, "le recrutement local ainsi que la montée en compétences des contractuels constituent probablement la piste la plus susceptible de répondre aux besoins".
Délabrement des établissements
Autres difficultés : l'état de délabrement des établissements scolaires (humidité, vétusté, etc.), le manque d'équipements (bibliothèques, salles informatiques, photocopieuses...) et de fournitures et manuels scolaires, des transports scolaires inexistants ou déficients et souvent trop chers, un hébergement des élèves (en internat ou familles) souvent défaillant, une restauration scolaire quasi inexistante.
La Commission déplore également l'inégale répartition des établissements scolaires en Guyane, qui affecte les enfants des communes isolées, pour qui "poursuivre une scolarité normale relève du parcours du combattant".
Départ précoce de la famille, perte de repères et confrontation brutale avec la société guyanaise peuvent entraîner des risques de déscolarisation, voire de suicides, note la CNCDH qui insiste sur la construction d'"établissements de proximité". Enfin, le rapport pointe une faiblesse du niveau scolaire "préoccupante" en Guyane et à Mayotte (retard scolaire en 6e et en 3e, taux de décrocheurs et part de non-diplômés importants...).
La CNCDH déplore notamment le manque de prise en compte des spécificités locales en milieu scolaire (programmes scolaires "très européo-centrés", langues locales peu prises en compte). En Guyane, près d'une trentaine de langues sont parlées et seuls 40% de la population parlent le français. Quant à Mayotte, où les deux langues locales sont le shimaoré et le shibushi, seuls 60% des habitants maîtrisent le français.