Faire connaître plus largement le scandale des "airbags tueurs", tel est l’objectif de Vickie. Elle a décidé de faire entendre sa voix au cabinet de son avocat Charles-Henri Coppet qui plaide aussi bien à Paris qu’à Pointe-à-Pitre. Son père âgé de 73 ans est mort dans un accident de la circulation au Lamentin en Guadeloupe le 3 juillet dernier.
L’autopsie a révélé que son décès a été provoqué par une pièce métallique projetée lors du déclenchement de son airbag. "On ne sait pas si l’airbag s’est déclenché de manière inopinée ou bien après le choc de l’accident", précise Vickie. Son père, André, se trouvait à "l'entrée d’un rond-point à une heure de pointe et donc à allure réduite".
La jeune femme ne cache pas sa colère. "Cela fait dix ans que ce scandale des airbags de la marque Takata a éclaté aux États-Unis et mon père est mort il y a six mois". Elle reproche aux "constructeurs de ne pas rappeler correctement les véhicules" et au gouvernement d’être trop passif dans ce dossier. "Il faut contacter les gens de manière plus active", insiste-t-elle.
Vickie souligne que la voiture de son père, une Toyota Yaris, avait passé le contrôle technique en novembre 2023, quelques mois avant l’accident. "Il était reparti avec son véhicule, sans qu’on lui dise de changer son airbag". "Les airbags déficients ne sont pas détectables au contrôle technique", déplore la jeune femme. Elle ajoute que son père "n’avait reçu aucun courrier de la part du constructeur Toyota pour lui demander de faire changer son airbag". "Les gens sont donc en danger de mort et ils ne le savent pas", se désole encore la Guadeloupéenne.
La fille d’André a décidé de s’engager activement en rejoignant l’Association de Défense des Victimes d’Airbag, fondée en 2023 par Bruno Guérin. Ce père d’une victime a fondé l'ADV Airbag afin de soutenir les familles et les personnes touchées par ces accidents tragiques.
Une instruction unique ?
Parallèlement, le cabinet de maître Charles-Henri Coppet, avocat spécialisé en droit du dommage corporel, accompagne dix personnes blessées (neuf en Guadeloupe et une en Guyane) ainsi que sept familles endeuillées par la perte d’un proche (six en Guadeloupe et une en Guyane). L’avocat, basé à la fois à Paris et à Pointe-à-Pitre, représente ces victimes d’accidents survenus entre 2020 et 2024, impliquant des chocs ou des dysfonctionnements sans collision.
Maître Charles-Henri Coppet plaide pour l’ouverture d’une instruction unique, confiée à un pôle spécialisé, "comme cela a été fait pour les scandales du Médiator ou des prothèses mammaires PIP", précise-t-il. Selon l’avocat, une telle approche garantirait un traitement équitable pour toutes les victimes."Chaque victime mérite une prise en charge égalitaire", insiste-t-il, ajoutant que des moyens suffisants doivent être alloués par le parquet pour enquêter sur cette affaire. "Il est essentiel de comprendre comment ces airbags ont pu être utilisés pendant tant d’années", souligne-t-il.
"Il ne faut pas que ce scandale soit jugé de manière locale et éparpillée" en Guyane, en Guadeloupe, à La Réunion et dans l’Hexagone, plaide maître Coppet. "Il s’agit d’une affaire à répercussion internationale, il faut que la justice se donne les moyens d’instruire ce scandale correctement", conclut-il.
Quatorze décès Outre-mer
Selon la cellule investigation de radio France, les airbags défectueux de la marque Takata ont tué 15 personnes en France, dont 14 en Outre-mer. Plusieurs dizaines de personnes ont été blessées depuis 2016 en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et dans l’Hexagone. Outre-mer, ces airbags défectueux auraient provoqué deux décès à La Réunion, quatre en Guyane et sept en Guadeloupe. Aucun cas n'est pour l’instant connu en Martinique.
Toujours selon radio France, au moins 100 000 véhicules avec ces airbags défectueux circulent Outre-mer et un demi-million en métropole. Depuis le 8 janvier 2025, l’État a lancé une campagne d’information en Outre-mer pour appeler les conducteurs concernés à changer leurs airbags Takata sans plus tarder. Les contacts des constructeurs concernés sont visibles sur ce site.
L’enquête de radio France révèle encore que depuis 2014, la presse américaine a mis en cause les airbags fabriqués par la société Takata grâce à des lanceurs d’alerte travaillant au sein de l'entreprise. Ces révélations ont mis en évidence la dangerosité de ces airbags qui, sous l’effet de variations de température et de l’humidité, peuvent exploser comme des bombes à fragmentation.
L’utilisation du nitrate d’ammonium, un gaz très instable pour fabriquer ces coussins de sécurité, semble en cause. Ces airbags défectueux peuvent envoyer des morceaux de métal mortels. Aux États-Unis, selon la National Highway Traffic Safety Administration, ils ont causé la mort de 25 personnes. Les familles des victimes ont porté l’affaire en justice et Takata a fait faillite en 2017.