Alerte au suicide chez les étudiants mahorais installés dans l'Hexagone

Warda, responsable associative et doctorante en droit public
Le suicide est un phénomène qui prend de l'ampleur chez les étudiants originaires de Mayotte qui s'installent dans l'Hexagone pour leurs études supérieures. Pour l'année 2022, on dénombre déjà trois décès.

Originaire de Mayotte, Warda témoigne de cette détresse mal connue et qui peut conduire à des gestes extrêmes. En première année de doctorat en droit public à Nice, Warda est membre de l’Association des Etudiants Mahorais dans le Monde, qui se charge de l’accueil et de l’accompagnement des jeunes bacheliers qui quittent Mayotte pour poursuivre leurs études sur le continent.

Depuis plusieurs années, elle constate que le mal-être des jeunes Mahorais conduit, dans certains cas, au suicide. Un mal-être que Warda dit ne connaître que trop bien en ayant vécu de grandes difficultés financières : "Avec la bourse et les aides de la CAF, j'arrivais à peine à payer mon loyer et à faire une semaine de courses. Le reste du temps, il fallait que je choisisse si manger le matin, le midi ou le soir. Un week-end je me suis retrouvée sans rien. En général, j'allais chez ma tante mais ce week-end là, je n'ai pas eu le courage. Heureusement qu'elle est venue me voir et spontanément, elle m'a ramené des courses, autrement j'aurais pu être ce jeune de 2016 ou de 2017 ou de 2022 qu'on a retrouvé mort !

Une fois arrivés dans l'Hexagone, ces jeunes étudiants sont livrés à eux-mêmes, ils doivent se charger de toutes les démarches administratives et arrivent souvent dans des villes où la communauté mahoraise n'est pas forcément représentée : "C'est une volonté des familles à Mayotte : une fois en métropole, elles exigent que leurs enfants ne côtoient pas d'autres Mahorais, ne pas être "entre eux" pour mieux progresser. Sauf que quand on est à 10.000 kilomètres de chez nous et qu'on n'a aucun repère, ça pousse à l'isolement !" insiste Warda. 

En février 2022, elle lance un appel vidéo pour alerter sur l’extrême détresse, parfois mortelle, vécue par certains jeunes Mahorais :

Les institutions en métropole ne peuvent pas se substituer aux parents !

Warda

En août 2022, à Montbéliard, un jeune étudiant mahorais de 22 ans a été retrouvé mort chez lui après plusieurs jours. Nous avons contacté le propriétaire du snack situé en bas de l'immeuble où le jeune Fayz déjeunait d'habitude. Il est décrit comme quelqu'un de solitaire, très timide à un tel point "qu'il préférait venir chercher son repas à la porte de l'arrière boutique plutôt qu'à l'entrée principale ! Il aimait les jeux vidéo et parfois on en discutait. "

L'isolement, la honte de demander de l'aide, la marginalisation, les difficultés financières ne sont pas les seuls symptômes de la détresse vécue par certains étudiants de Mayotte. Warda témoigne dans ce reportage radio de Tiziana Marone :