Alexandre Zeff met en scène "Tropique de la violence", vision âpre de Mayotte

L'Oreille est hardie reçoit le metteur en scène de Tropique de la violence, adapté du roman de Natacha Appanah paru en 2016. Il y livre une vision de Mayotte, et en filigrance de la France, et de l'engrenage de violence qui mène à l'inéluctable. A voir, à la réouverture des salles de théâtre...

C'est le sort de tous les spectacles en ce moment dans l’Hexagone : privées de spectateurs, privées des salles de théâtre toujours fermées en raison du contexte sanitaire, les compagnies choisissent, en attendant des jours meilleurs, de montrer aux professionnels (entendez la presse, les programmateurs ou les propriétaires de salles) ce qui aurait dû être vu par le grand public. Et les spectacles mettant en scène les Outre-mer n'échappent bien sûr pas à la règle... Tropique de la violence, par exemple, aurait en effet dû se jouer ce mois de janvier 2021 au Théâtre International de la cité universitaire : ce sera une nouvelle fois partie remise pour cette création, jusqu'au mois de septembre prochain, histoire de prendre moins de risques d'annulation. Même si, pour le monde de la culture, la vie n’est faite que d’incertitudes de ce genre, depuis plusieurs mois.

 

Autour d'un spectacle, parler de Mayotte 

Sur scène donc, l'adaptation d'un roman au sujet difficile à mettre en scène : le parcours chaotique d'un jeune garçon comorien de 15 ans dans un des quartiers les plus insalubres qui soient de Mayotte et surnommé Gaza, en raison justement des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles ses habitants sont plongés. Avant toute chose, quelques précisions : Alexandre Zeff pour s'être rendu sur place à Mayotte sait bien , probablement comme Natacha Appanah avant lui, qu'il ne faut pas réduire Mayotte à la violence, à la délinquance, à la pauvreté qui étreignent certains quartiers de Mamoudzou et de certaines communes de Mayotte. Mais l'adaptation de ce roman ne saurait non plus éviter un pan de la réalité que l’on a bien du mal à imaginer ailleurs en France. C'est sans doute pour cela, pour enrober la réalité mais aussi par goût pour l'interdisciplinarité, qu'il a choisi de mêler musique, dance, dialogue mais aussi du film : des images de Mayotte sont parfois projetées tout au long de la pièce comme pour rappeler que cette histoire terrible est aussi ancrée dans un pays qui, bien sûr, a tout autre chose à offrir que la violence.

 

Une certaine représentation de la violence

Des acteurs aux musiciens en passant par la scénographie -très réussie-, c'est un spectacle complet, riche, dense, certes sombre mais qui conserve toute la portée du roman. En tête de casting, Alexis Tieno et Mexianu Médénou livrent tous les deux une prestation intense, habitée pour donner,  chacun dans son rôle, une facette de la jeunesse mahoraise. La musique omni-présente dans le spectacle plonge l'ensemble dans un univers saturé de percussions et de guitare électrique sensé refléter la dureté du monde dans lequel les personnages évoluent. Le metteur en scène et son équipe n'ont qu'une hâte : se retrouver sur scène dès que possible afin que le plus grand public puisse aussi découvrir un bout de terre de France, un département, largement méconnu de la plupart des Français.

 

Alexandre Zeff n'exclut pas bien sûr de donner des représentations à Mayotte non seulement dès que la situation le permettra mais aussi dès que l’île pourra accueillir des spectacles dans les structures adéquates. Il sera alors plus qu'intéressant de voir comment les Mahorais accueilleront le spectacle, certains ayant, il faut bien le dire, dénoncé le prisme de la violence choisi par l’autrice Natacha Appanah dans son roman... 

En tout cas Mayotte depuis environ trois ans est littéralement entrée dans la vie de Alexandre Zeff et ce projet autour de Tropique de la violence lui tient véritablement à cœur. C'est ce qu'il raconte, entre autres au micro de l'Oreille est hardie et c'est à écouter ici

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