Sportivement parlant, Gilles Biron a déjà eu deux vies : sprinteur-nageur jusqu'à l'âge de 19 ans et depuis, sprinteur. Juste sprinteur. "À l'époque, Laurent Roche m'a proposé de faire un essai au Madinina Athlétisme. J'ai vite compris que j'avais plus de potentiel sur le tour de piste qu'en natation." Sauf que les débuts sont compliqués. Gilles manque logiquement d'expérience… et de vitesse. "C'était terrible. Lorsque j'ai participé à mes premiers exercices de côte, je me faisais battre par les filles du groupe." Sans compter les bobos d'un corps de nageur confronté subitement aux chocs de la terre ferme. "Heureusement, ça va mieux depuis 2020 lorsque j'ai rejoint Franck Matamba à Lyon."
Entre frustration et ivresse
Munich. Août 2022. Championnats d'Europe d'athlétisme. Pour Gilles Biron, la compétition commence par une déception. Sur le 400 mètres. En individuel. Troisième de sa demi-finale alors que seuls les deux premiers intègrent la finale. "J'ai ressenti une grande frustration. Même si je n'ai pas eu de chance en écopant du couloir 1 ; même si j'ai peut-être manqué d'expérience à ce niveau ; même si j'avais un peu moins de fraîcheur par rapport aux athlètes qui entraient directement en demi-finale, il n'empêche que j'échoue aux portes de la finale pour un rien."
Le sourire revient pourtant. Samedi 20 août. Finale du relais 4 fois 400. La France s'élance du couloir 6. Le Martiniquais est le premier relayeur tricolore. "Nous visions l'or et un nouveau record de France." Gilles Biron, Loïc Prevot, Téo Andant et Thomas Jordier. Les Bleus se classent finalement troisièmes. 2 minutes 59 secondes 64 centièmes. "Sur le coup, je me suis dit qu'on aurait pu être champions. La déception a vite disparu. Nous avons fait le tour d'honneur au pas de course car nous devions libérer la piste. Mais ensuite, nous avons dignement fêté cette médaille de bronze…"
Sur la lancée
Pour Gilles Biron, ce premier podium européen chez les seniors n'est pas une fin en soi. Juste une étape. "Voilà du bois pour le feu ! J'engrange ainsi de l'expérience supplémentaire. Tout cela est hyper motivant deux ans avant Paris 2024." À tel point que le sprinteur martiniquais a envisagé de zapper les vacances, cette année. "Je voulais enchaîner. Repartir à l'entraînement au plus vite. Mais rassurez-vous, je vais quand même rentrer chez moi en Martinique dans quelques jours. Il faut que mon corps se repose."
Le repos du médaillé après un bel été munichois. En Allemagne, le relais 4 fois 400 tricolore a retrouvé une place sur l'échiquier mondial de l'athlétisme. "C'est d'autant plus vrai que le relais français a de réels atouts. Pas moins d'une dizaine d'athlètes peuvent intégrer l'équipe." Et tout cela, sans réelle rivalité entre les coureurs. "C'est assez difficile à croire mais le 4 fois 400 est une addition d'individualités. Il n'y a aucun sentiment de haine entre nous. On court avant tout contre soi-même. Contre ses démons intérieurs."
Le prochain cap
Dès le début du mois d'octobre, Gilles Biron reprendra l'entraînement. Plus motivé que jamais. Avec deux grands objectifs : les Mondiaux à Budapest en 2023 et les JO de Paris en 2024. "Pour ces deux rendez-vous majeurs, je vise aussi une sélection en individuel. Donc dès la reprise, je vais accentuer ma préparation physique. Tout en retrouvant la préparation mentale grâce au soutien de la Maison de la performance Auvergne-Rhône-Alpes. Enfin, à l'entraînement, je compte me faire encore plus mal. Je connais le prix à payer pour réussir."
Le Martiniquais est prêt à tout donner. De la sueur, beaucoup de sueur. Sans oublier un gros investissement mental. Seul problème : le manque de moyens financiers. "On ne peut pas se battre contre des pros en étant amateur." Gilles Biron a beau être membre de l'équipe de France ; aucun équipementier ne le sponsorise. Traduction : il doit financer chaussures et tenues de sport. Et trouver un petit boulot avec des horaires compatibles avec ses entraînements. Histoire de payer son loyer et de se nourrir. En résumé, le système D. à la Française dans toute sa splendeur. "Avec la performance du relais à Munich, la Fédération nous a promis des aides. Je croise les doigts." Nous aussi.