Après le Référendum en Nouvelle-Calédonie: le nickel cadeau de Noël pour l’archipel ?

Métallurgiste calédonien du ferronickel, alliage de l'acier inoxydable
Le troisième référendum organisé le 12 décembre en Nouvelle-Calédonie a acté une nouvelle fois la victoire du "non" à l'indépendance. La grande filière industrielle du Territoire, celle du nickel, s’efforce de résoudre ses problèmes industriels. Elle concerne plus de 15.000 emplois locaux.

Dimanche 12 décembre, la Nouvelle Calédonie a organisé le troisième référendum sur l’avenir du territoire prévu par les accords de Nouméa. Cette fois, l’élection était boycottée par les indépendantistes du FLNKS.

Dans ces conditions, le résultat triomphal en faveur du "non" à l’indépendance (96,49 % des voix), avec une participation à 43,9 % en nette baisse, a confirmé le clivage du Territoire. Le gouvernement français prévoit d’ouvrir une phase de transition de dix-huit mois pour imaginer le nouveau statut institutionnel de l’île.

"La question du nickel va être un préalable important à la suite des discussions institutionnelles ", estime le Ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu.

La Nouvelle-Calédonie est le berceau mondial de cette industrie et, selon les produits dérivés, le quatrième ou le cinquième producteur mondial. Avec une superficie un peu plus de deux fois supérieure à celle de la Corse, la grande Terre du nickel produit plus que son immense voisin, l’Australie.

L'usine du Sud, le nickel des batteries

Le minerai fut découvert, sur place, et un peu par hasard, par le géologue stéphanois Jules Garnier à la fin du 19e siècle. Longtemps considéré comme le principal alliage de l’acier inoxydable, le nickel est désormais au cœur de la transition énergétique.

Et c’est sa chance. Il est le principal ingrédient des batteries électriques. Et la Nouvelle-Calédonie possède l’une des dix grandes usines de la planète : l’Usine du Sud (Prony Resources.)

La Chine, premier client du Territoire

Minerai ou alliage de ferronickel, entre 70 et 80% de la production calédonienne (source INSG) est exportée en Chine, avant de repartir dans le monde entier sous forme de tôles en acier inoxydable ou de batteries électriques. La Chine n’a donc pas besoin de "s’emparer" du nickel calédonien, elle l’achète déjà.

En Nouvelle-Calédonie, la question du nickel est au centre des discussions et des revendications politiques. Largement soutenu par la France mais aussi par de grands industriels et négociants, le secteur dépend aussi des décisions politiques locales. Développement, niveau des exportations...

Prony, l'atout calédonien

En 2O21, la relance de la production de l’usine du Sud se confirme. Elle possède un atout majeur, son nickel est adapté aux batteries électriques. Prony Resources a signé un contrat avec le géant américain Tesla, et depuis quelques mois elle réalise des bénéfices. 

Contrairement à la SLN et à KNS qui produisent un alliage pour l’acier, Prony a misé sur le NHC-MHP, un produit intermédiaire du nickel utilisé, après transformation, pour les batteries des véhicules électriques; le prix du NHC est plus élevé que celui de l’alliage de ferronickel.

Et Prony Resources a bénéficié, comme les deux autres usines du Territoire, d’un soutien massif de l’Etat, avec deux prêts de 200 et 220 millions d’euros accordés par Bercy, ainsi que des dispositifs de défiscalisation pour financer le grand projet environnemental Lucy de stockage à sec des résidus miniers.

La SLN attend sa nouvelle centrale électrique

Les cours du nickel ont retrouvé leur plus haut niveau depuis 2012, mais la Nouvelle-Calédonie n’en a que peu profité, elle n'a pas assez produit. La SLN est "dans une situation préoccupante", a rappelé Christel Bories.

La PDG d’Eramet, ne cesse de rappeler que pour mener à bien son plan de sauvetage Eramet a besoin d’augmenter ses exportations de minerai à faible teneur de 4 à 6 millions de tonnes par an. L’autorisation est conditionnée à une autorisation des autorités calédoniennes.

L’appel d’offres pour la construction d’une nouvelle centrale électriques pour l’usine de Doniambo est lancé. Elle conditionne la baisse des prix de l'électricité et donc la rentabilité de la SLN. Mais elle ne devrait pas être opérationnelle avant 2025. 

L'usine du Nord veut résoudre ses problèmes

La SLN n’est pas la seule à se battre. Symbole du rééquilibrage politique au profit des indépendantistes, l'usine du nord (KNS) s’efforce d'améliorer le fonctionnement de ses fours à la technologie innovante mais fragile. Sur place, certains experts évoquent un "défaut de conception" et des "économies faites sur la qualité des briques réfractaires" par le concepteur de l'usine, le mineur canadien Falconbridge, aujourd'hui disparu.

Au premier semestre, la production de l’usine métallurgique a chuté à 6.600 tonnes de nickel soit 30% de moins qu'en 2020. Elle est calibrée pour produire annuellement 30.000 tonnes de nickel.

Le négociant industriel Glencore, qui détient 49% du capital en partenariat avec les indépendantistes, évalue toutes les options: Rester si les choses s'arrangent, ou partir. Au fil du temps, il a déjà englouti près de 8 milliards d'euros. Un éventuel repreneur chinois ne peut être exclu, mais ce n’est pour le moment qu’une hypothèse.

Des atouts indéniables

L’industrie calédonienne bénéficie d’atouts non-négligeables : savoir-faire, plus que centenaire, de ses mineurs et métallurgistes, soutien de la France et de grands groupes industriels, production de haute qualité, supérieure à la concurrence mondiale et charte environnementale responsable, soucieuse de l’environnement.

Ce dernier aspect n'est pas un handicap, au contraire. Les financiers internationaux soumis à la pression des ONG apprécient le nickel "vert" produit en Nouvelle-Calédonie, en Australie ou en Finlande.

Et puis, le nickel est une ressource essentielle pour la transition écologique de la planète. Les Etats-Unis l’ont bien compris qui vont inscrire le nickel comme minerai critique pour leur économie. Leurs aciéries s'approvisionnent de longue date auprès de la SLN en Nouvelle-Calédonie. Et maintenant Tesla avec Prony.

Le LME de Londres observe 

Ce lundi à Londres, le London Metal Exchange (LME), n’a pas réagi au résultat du référendum calédonien. Jim Lennon, l'expert du marché du nickel a néanmoins fait le tour de ses collègues analystes. En réponse à nos questions, il a résumé le sentiment dominant à la City. 

La Nouvelle-Calédonie représente 7 à 8 % de l'offre mondiale. Je suis optimiste quant à l'avenir du marché du nickel en raison de la forte croissance de la demande (6-7% par an en tendance). La Nouvelle-Calédonie dispose d'une large base de réserves. Les exportations de minerai sont très rentables. Prony a l'opportunité de capitaliser sur un marché des batteries solide. Les producteurs de ferronickel doivent réduire leurs coûts.

Jim LENNON, analyste Red Door Research pour Macquarie

 

LME-Nickel le 13/12/2021 à 13:05 GMT 19.810 dollars la tonne -0,18%