Archives d’Outre-mer-1956 : il y a 60 ans se tenait le premier congrès international des écrivains et artistes noirs [VIDEO]

La librairie Présence Africaine trône toujours dans le 5^e arrondissement avec sa belle devanture. Grâce à la volonté d’Alioune Diop, la revue du même nom a vu le jour en 1947. Et c’est le même Alioune Diop, intellectuel sénégalais, installé à Paris qui a lancé l’idée d’un congrès international des écrivains et artistes noirs dans la capitale française.
 

Un événement non filmé

Malheureusement, l’événement n’a pas été filmé, mais des discours ont été enregistrés, des photos prises. Beaucoup d’écrivains et d’artistes sont venus des quatre coins du monde répondre à l’appel d’Alioune Diop. Regardez cet extrait du documentaire "Lumières noires" qui commence avec René Depestre, le poète haïtien critiquant gentiment, mais fermement Leopold Sedar Senghor.

Une liste d'invités impressionante 

La liste des personnalités présentes est fort longue. Le député et écrivain Aimé Césaire, le secrétaire d’Etat du gouvernement Edgar Faure, Leopold Sedar Senghor, le poète haïtien René Depestre, les écrivains Frantz Fanon, Edouard Glissant, James Baldwin (Etats-Unis), Amadou Hampâté Bâ (Mali), Richard Wright (Etats-Unis) font partie des participants à ce congrès.

Peu de femmes sont présentes à cet événement. La comédienne Jenny Alpha, la danseuse et chanteuse Joséphine Baker ainsi que les soeurs Paulette et Jeanne Nardal, originaires de la Martinique, ont participé à ce congrès fondateur.
 

Un congrès passionant

Le congrès s’est tenu du 19 au 22 septembre 1956 à la Sorbonne dans l’amphithéâtre Descartes. L'affiche du congrès a été dessinée par Pablo Picasso (ci-dessous). A la tribune, Alioune Diop, Aimé Césaire, Leopold Sedar Denghor et James Wright se succèdent. Dans la salle, le philosophe Jean-Paul Sartre et l’anthropologue Claude Levi-Strauss suivent les débats avec grand intérêt. 

Discours sur le colonialisme

Le contexte du congrès est tendu. La France est en pleine guerre d’Algérie et la plupart des intellectuels présents raillent le colonialisme français. Aimé Césaire a publié en 1950 "Discours sur le colonialisme", un essai dans lequel il dénonce les actions violentes et criminelles perpétrées dans les colonies.  
 

Guerre froide

Par ailleurs, les Etats-Unis sont en pleine guerre froide et l’Etat américain ne voit pas d’un bon œil ce congrès rassemblant beaucoup d’intellectuels communistes. Le gouvernement des Etats-Unis refusera des visas à plusieurs écrivains invités au congrès.  
 

Amphi Descartes au Macte

Ce congrès demeure un événement fondateur pour tous les artistes et écrivains noirs, car il a permis de faire émerger une pensée, mais aussi une fierté d’être noir. Le Mémorial ACTe en Guadeloupe ne s’y est pas trompé. Le musée de l’esclavage propose en fin du parcours de son exposition permanente un décryptage de ce congrès. Dans une salle remplie de bancs en bois qui ressemble étrangement à un amphithéâtre de la Sorbonne, les visiteurs sont plongés dans l’ambiance de ce congrès fondateur. Des photos, des extraits d’un discours d’Aimé Césaire permettent ce retour en arrière.  

►Lumières noires, le documentaire de Bob Swaim