Le Bataillon des Antilles
Les dissidents, comme les appelle l'amiral Robert, haut-commissaire de la France aux Antilles et en Guyane (1939-1943) et vichyste de la première heure, ont fui son pouvoir répressif. Ils quittent leur île, souvent à bord de gommiers, simples pirogues à voile. Ils partent dans ces embarcations de fortune rejoindre les Anglais de Sainte-Lucie, Trinidad ou la Dominique. Ils répondent à l'appel du Général de Gaulle et veulent s'engager dans les Forces françaises libres (FFL). Après un entraînement à Fort Dix aux États-Unis, ils forment le Bataillon de Marche des Antilles (BMA). Ils rejoignent l'Afrique du Nord en septembre 1943, d'abord Casablanca (Maroc) puis la Tunisie. Certains participent à la Bataille de Monte Cassino en Italie, d'autres débarquent le 15 août 1944 sur la plage de Cavalaire en Provence. Tous participent aux combats pour la libération de la France, de Royan à Strasbourg.Une reconnaissance tardive
Ils étaient au moins 2 500 Antillais, autant de Martiniquais que de Guadeloupéens, sans oublier les Guyanais. Ils ont combattu sans relâche pendant trois cent cinquante jours. Ces héros des Outre-mer ont été ignorés pendant des années. Ils le regrettent et demandent simplement une reconnaissance de la France.Nous étions le 1er Bataillon Antillais, composé uniquement, je le répète encore, d'Antillais et de Sénégalais, préparés, instruits, envoyés à la boucherie, à l'abattoir. Nous étions au premier rang à Cavalaire. Celui qui n'a pas connu Cavalaire, c'était l'enfer.
- Maurice Phanor, soldat du 1er Bataillon Antillais
Regardez cet entretien de Serge Bilé de RFO Martinique avec Maurice Phanor diffusé en novembre 2006 :
Euzhan Palcy, réalisatrice martiniquaise, leur rend un vibrant hommage dans son film "Parcours de dissidents" diffusé dès janvier 2006 sur France Ô. Cette collection de témoignages constitués de récits du départ pour les îles anglaises voisines, de l’apprentissage de la guerre puis des combats de Provence, de l’Atlantique ou d’Alsace permet de mettre en lumière cette épopée.
Aucun ancien dissident ne regrette avoir participé à l’action résistante de la Seconde Guerre Mondiale. Ils sont en revanche tous déçus de voir comment leur participation a été méprisée par certains gradés, ignorée par la Métropole et par conséquent souvent méconnue voire dévalorisée par leurs contemporains des Antilles. Il faut pourtant garder à l’esprit que c’est en grande partie grâce à ses colonies (Bataillon Algérien, Tirailleurs Sénégalais, Bataillons Antillais…) que la France a pu garder sa liberté.
- Euzhan Palcy, "Parcours de dissidents", note d’intention de la réalisatrice
Enfin la reconnaissance nationale
La contribution des jeunes soldats des Antilles et de la Guyane durant la Deuxième Guerre mondiale va être, étape après étape, reconnue officiellement, bien après le 60ème anniversaire de la Libération.Le 25 juin 2009, Nicolas Sarkozy marque les mémoires lors de son discours en hommage aux anciens combattants et résistants antillais de la Deuxième Guerre mondiale à l'occasion de la cérémonie devant le monument aux morts de Fort-de-France. Le chef de l’État qualifie alors d’"exemplaire" la Dissidence et souhaite que toute la Nation leur rende hommage. Il apporte son soutien à la construction d'un mémorial sur le front de mer, projet porté par Serge Letchimy. Le Président de la République décore quinze résistants antillais. Ce jour est historique pour les dissidents survivants, émus aux larmes.
Regardez le reportage de RFO Martinique :
Cinq ans plus tard, Rémy Oliny et cinq anciens dissidents ou soldats du BA5, reçoivent enfin l'hommage de la Nation à l'Élysée. Pour avoir refusé le joug du régime de Vichy et combattu le nazisme sur les fronts européens, 73 ans après leur entrée en résistance, ils sont faits Chevalier de la Légion d'Honneur. Une cérémonie d’Hommage national aux Dissidents Antillais et Guyanais est organisée aux Invalides. Ils participent également au 70ème anniversaire du Débarquement à Ouistreham, en Normandie, en présence de nombreux chefs d'Etat, dont Barack Obama.
Je pense surtout aux camarades, qui sont restés dans le canal de Sainte-Lucie. Je pense surtout à mon camarade qui a perdu sa jambe et qui m'a dit : "Miko, je ne pourrais plus danser." Je me souviens d'un autre camarade, qui est mort gelé en Alsace à la suite de la contre-attaque des Allemands. Il est mort gelé. Je ne parle pas de mon autre camarade de classe, que j'ai laissé dans un cimetière tout près de Mont Cassino (...)
Vous voyez, je suis à l'honneur aujourd'hui, mais eux, on ne sait même pas s'ils ont existé.
- Rémy Oliny, dissident antillais, 29 mai 2014
Regardez le témoignage de Rémy Oliny, invité d'honneur de l'Elysée lors des commémorations du 70ème anniversaire du débarquement en juin 2014 :
Le 15 août 2014, lors des Commémoration du 70e anniversaire du Débarquement en Provence au Mont-Faron (Var), François Hollande dans son discours tient à honorer tous ceux qui ont participé au débarquement de Provence en août 1944. Il s'engage à ce qu'une plus grande place soit accordée aux Ultramarins dans le mémorial du Mont-Faron rénové.