Ébou-é ! tu es le Lion au cri bref
le Lion qui est debout et qui dit non
- Léopold Sédar Senghor "Au Gouverneur Éboué", Hosties Noires, 1948.
Félix Eboué est né le 26 décembre 1884 à Cayenne. Son père est orpailleur, sa mère tient une épicerie. Élève brillant, il obtient une bourse pour poursuivre ses études à Bordeaux, au Lycée Montaigne. Bac en poche, il s'installe à Paris. Admis à l'Ecole coloniale, il suit en parallèle des études de droit. En 1908, licencié en droit, il commence une carrière d'administrateur des colonies.
Premier gouverneur noir
Il débute sa carrière, à sa demande, en Afrique. Pendant 20 ans, il s'emploie à développer les infrastructures et l'économie des territoires qu'il administre tout en s'imprégnant de la culture et des traditions locales. Il publie plusieurs ouvrages sur les langages et les peuples de l'Oubangui-Chari (aujourd'hui la République Centrafricaine).
Félix Eboué est un humaniste. Il est socialiste, il admire Jaurès. En 1928, il adhère à la Ligue des Droits de l'Homme. De 1932 à 1934, il est nommé secrétaire général en Martinique, où il remplace le gouverneur lors des absences de celui-ci. Il est élevé au rang de gouverneur en 1936, chargé de mettre en oeuvre les réformes du Front Populaire en Guadeloupe. Il est le premier homme noir à accéder à cette fonction. Il prononce, ce qui restera comme son plus célèbre discours "Jouer le jeu", lors d'une remise de prix au Lycée Carnot à Pointe-à-Pitre en juillet 1937. En 1938, suite à un changement de gouvernement, il est rappelé à Paris. Une foule de Guadeloupéens l'accompagne lors de son départ en scandant "Papa Eboué, Papa Eboué".
Premier résistant de la France d'Outre-mer
Félix Eboué est nommé gouverneur au Tchad, début janvier 1939. Il entreprend de grand travaux de construction des infrastructures économiques et militaires. Lorsque le général de Gaulle lance l'appel du 18 Juin, il prend le parti de la France libre contre le régime de Vichy. Il est le seul haut fonctionnaire à s’être immédiatement rallié au général de Gaulle. Félix Eboué et le colonel Pierre Marchand annoncent officiellement, le 26 août 1940, le ralliement du Tchad à la France Libre. En deux jours, c'est la quasi totalité de l'Afrique équatoriale qui suit.
Le 15 octobre Félix Éboué reçoit de Gaulle à Fort-Lamy (N'Djamena). Le général le nomme, le 12 novembre, gouverneur général de l'Afrique Équatoriale française (AEF). Le 29 janvier 1941, il figure parmi les cinq premières personnes à recevoir du général de Gaulle la croix de l’ordre de la Libération. Brazzaville devient la capitale de la France Libre, elle dispose désormais d'un territoire donc d'une légitimité. Félix Eboué constitue une armée de 40 000 hommes, transforme l'AEF en lieu géostratégique, d'où partent les premières forces armées de la France libre.
Début 1944, à la Conférence de Brazzaville, un des actes fondateurs de la décolonisation, Félix Eboué défendra sa vision d'une "nouvelle politique indigène". C'est un partisan de l'association, et non de l'assimilation, des peuples colonisés.
Regardez ce portrait réalisé par P. Sinteff (RFO) en mai 1994 :
Premier homme noir au Panthéon
Félix Eboué meurt le 17 mai 1944 lors d'un séjour au Caire, il y a 75 ans, quelques semaines avant le débarquement de Normandie, il ne voit pas la Libération alors qu'il en a été l'architecte. Charles de Gaulle lui rend, alors, cet hommage :
Chaque Français sait et se souviendra qu’en maintenant en guerre, aux pires moments de notre histoire, le territoire du Tchad, dont il était le gouverneur, Félix Éboué a arrêté aux lisières du Sahara l’esprit de capitulation, avant-garde de l’ennemi, consacré un refuge à la souveraineté française, assuré une base de départ au triomphe de l’honneur et de la fidélité.
Félix Éboué, grand Français, grand Africain, est mort à force de servir. Mais voici qu’il est entré dans le génie même de la France.
- Charles de Gaulle, lors du décès de Félix Eboué
Félix Eboué, homme illustre, repose au Panthéon depuis 70 ans. Il y entre, le 20 mai 1949, accompagné de Victor Schoelcher. C’est un autre petit-fils d’esclaves, également Guyanais, Gaston Monnerville, qui organisa le transfert de ses cendres au Panthéon.
c'est (un) message d'humanité qui a guidé Félix Eboué, et nous tous, Résistants d'outre-mer, à l'heure où le fanatisme bestial menaçait d'éteindre les lumières de l'esprit et où, avec la France, risquait de sombrer la liberté".
- Gaston Monnerville, président du Sénat, cérémonie au Panthéon, le 20 mai 1949