C'est dans un café de la gare Saint-Lazare, à Paris, qu'Arnaud Dolmen nous a donné rendez-vous. Le Guadeloupéen arrive depuis un train de banlieue, casque sans fils vissé sur les oreilles. Écoute-t-il de la musique classique ? Aya Nakamura ? Ou un air de gwoka ? Difficile à dire tant le batteur de 38 ans ne veut se ranger dans aucune case. Son troisième album LéNo, pour Leonardo et Arnaud, est paru fin mars. Avec leurs deux instruments, la batterie et le piano, les deux jazzmen parviennent à créer un univers sonore unique, aux rythmes caribéens de leur enfance.
Album entre amis
Leonardo Montana est né en Bolivie, a vécu au Brésil et en Guadeloupe. Arnaud Dolmen est Guadeloupéen. Ils se sont rencontrés il y a quinze ans, à Paris. "On passe beaucoup de temps ensemble", s'amuse Arnaud Dolmen. Lorsqu'il débarque à Paris en 2009 après des études de comptabilité à Toulouse, Arnaud Dolmen veut faire de la musique son métier. C'est lors d'une répétition à l'occasion du démarrage d'un groupe de jazz qu'il rencontre "Léo".
Les deux hommes se rapprochent immédiatement. "On a eu pas mal de moments où on était tous les deux sidemans [musiciens accompagnant des artistes de jazz, ndlr]. À la fin des répétitions, on se retrouvait souvent tous les deux, on nous surnommait les ‘tranquille, tranquille’, par ce qu’on leur disait toujours 'tranquille, tranquille'." Mêmes références, même humour, leur amitié est aussi musicale. Alors, quand l'occasion se présente de monter un duo, ils n'hésitent pas. "On a cette même passion pour le travail de l’instrument, pour la rigolade, pour les blagues, récite Arnaud Dolmen. Je pense que ça s’entend aussi dans la musique."
"Modernisateur de rythmes caribéens"
Durant les trois dernières années, Arnaud Dolmen s'est fait une place de choix dans le milieu assez fermé du jazz. Victoire du Jazz 2022, Meilleure révélation de l'année par Jazz Magazine et finaliste du prix Django Reinhardt, le percussionniste glane les récompenses de haut vol. En grand timide, il rougit presque lorsque les journaux spécialisés le présente comme un "modernisateur de rythmes caribéens". "Je remercie les étoiles, le ciel, de me donner cette inspiration, ironise-t-il. C’est vrai que je suis toujours à la recherche de nouveautés. J’essaye de me surprendre tout le temps. Et à partir de ça, j’essaye de le reproduire sur mon instrument."
Les sonorités de la Caraïbe sont partout dans son travail. En spécialiste de la musique traditionnelle guadeloupéenne, il s'efforce de transporter le gwoka dans l'univers du jazz. "Le gwoka, c’est la musique de la Guadeloupe historique, aime se remémorer ce passionné. Tous les Guadeloupéens en entendent, qu’ils le veuillent ou non. Pour la joie, la tristesse ou juste pour l’écoute. C’est une manière de communiquer. L’art, ce sont des paroles, mais ce sont aussi des instruments, et le gwoka c’est vraiment tout ça."
Le jazz, et après ?
Après plus de dix ans de carrière, c'est toujours le jazz qui fait vibrer Arnaud Dolmen. "Je fais ce style de musique parce que c’est ce qui m’habite, me nourrit, me rend joyeux. Après, quand j’arrive à faire passer le message et que je vois que c’est compris là, ça me fait du bien.". Il nous confie tout de même avoir monté un nouveau groupe de groove et ne veut vraiment pas fermer ses horizons, au contraire. Il admire notamment Aya Nakamura pour son culot et aimerait que le jazz soit plus populaire dans les jeunes générations. Peu importe le chemin que prendra sa musique, Arnaud Dolmen l'assure, la Guadeloupe sera avec lui. "C’est vraiment là-bas que mon âme est".