Dans "D’autres vies sous la tienne" (éditions Ecriture), la romancière Mérine Céco explore plusieurs générations de femmes martiniquaises dans une saga familiale irriguée par les problématiques de la mémoire, de l’identité et de la transmission. Un livre passionnant.
"D’autres vies sous la tienne" est sans doute l’ouvrage le plus profond et le plus abouti de la romancière martiniquaise Mérine Céco. Ce n’est pas un mystère, derrière ce pseudonyme se trouve l’ex-présidente de l’Université des Antilles Corinne Mencé-Caster, actuellement titulaire de la chaire de linguistique hispanique à l’Université de Paris IV-Sorbonne.
Dans ce nouveau roman, Mérine Céco revient sur les traces des femmes de son île. Une exploration historique et mémorielle dans la continuité de ses précédents livres, comme "La Mazurka perdue des femmes-couresse" (2013) et "Au revoir Man Tine" (2016). Avec "D’autres vies sous la tienne", la tonalité est plus intimiste et personnelle. L'auteure met en scène une mère, originaire d’un "pays d’enfance" des Antilles, qui vit dorénavant dans "la grande métropole", et qui écrit une longue lettre à sa fille, partie en mission humanitaire dans "ce pays-là", le pays le plus pauvre de la Caraïbe. Ces régions ne sont jamais nommées, mais on les reconnaîtra aisément.
Mérine Céco aborde également les problématiques rencontrées dans "la grande métropole". Le racisme, les discriminations sournoises, les procès en illégitimité faits à ceux qui ont une certaine "couleur de corps"… "Je veux que tu comprennes que notre corps a été volé définitivement, une fois pour toutes", écrit-elle à sa fille. "La couleur de notre corps a été répudiée une fois pour toutes aussi. Au seuil de cette origine monstrueuse qu’est la Traite. La mémoire du vol et de la répudiation dont ont été victimes nos ancêtres est inscrite dans notre génome".
"D’autres vies sous la tienne", par Mérine Céco – éditions Ecriture (janvier 2019), 240 pages, 18 euros.
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Dans ce nouveau roman, Mérine Céco revient sur les traces des femmes de son île. Une exploration historique et mémorielle dans la continuité de ses précédents livres, comme "La Mazurka perdue des femmes-couresse" (2013) et "Au revoir Man Tine" (2016). Avec "D’autres vies sous la tienne", la tonalité est plus intimiste et personnelle. L'auteure met en scène une mère, originaire d’un "pays d’enfance" des Antilles, qui vit dorénavant dans "la grande métropole", et qui écrit une longue lettre à sa fille, partie en mission humanitaire dans "ce pays-là", le pays le plus pauvre de la Caraïbe. Ces régions ne sont jamais nommées, mais on les reconnaîtra aisément.
Ecriture libératoire
Cette mère, Céline, a beaucoup à dire à sa fille, Anita. Des choses enfouies et refoulées depuis très longtemps. Dans une écriture cathartique et libératoire, elle va lui parler de son enfance, de son père, du pays d’origine, et surtout de ces autres femmes, mère, grand-mère et arrière-grand-mère qui l’ont construite et façonnée, parfois même à son insu. Car il y a les secrets de l’hérédité. Céline en est persuadée, des transmissions générationnelles inconscientes affectent tout un chacun, surtout dans un pays qui a connu la violence de l’esclavage et de la domination coloniale. Il y a réellement "d’autres vies sous la tienne", dit-elle à sa fille.Je découvrais, avec effroi, que les traumatismes vécus par les ancêtres d’une personne peuvent venir la hanter de manière obsessionnelle ; que les non-dits des générations antérieures sont souvent la cause des troubles d’ordre psychologique ou physique de leurs descendants", écrit la narratrice.
Mérine Céco aborde également les problématiques rencontrées dans "la grande métropole". Le racisme, les discriminations sournoises, les procès en illégitimité faits à ceux qui ont une certaine "couleur de corps"… "Je veux que tu comprennes que notre corps a été volé définitivement, une fois pour toutes", écrit-elle à sa fille. "La couleur de notre corps a été répudiée une fois pour toutes aussi. Au seuil de cette origine monstrueuse qu’est la Traite. La mémoire du vol et de la répudiation dont ont été victimes nos ancêtres est inscrite dans notre génome".
Livre à deux voix
Le livre est à deux voix. Car Anita répondra à sa mère. Elle mentionnera un élément déclencheur intervenu aux Etats-Unis, les humiliations vécues dans "la grande métropole", la prise de conscience progressive, et finalement la décision de partir dans "ce pays-là". Doté d’une histoire particulièrement riche et complexe, "ce pays-là" a aussi énormément souffert de la violence des hommes et des catastrophes naturelles. C’est dans ces circonstances qu’Anita va faire un retour sur soi, réfléchir et se découvrir, et au final renouer avec les fragments de son histoire familiale dans l’échange épistolaire avec sa mère. Une fois de plus, du bel ouvrage de Mérine Céco."D’autres vies sous la tienne", par Mérine Céco – éditions Ecriture (janvier 2019), 240 pages, 18 euros.
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Mérine Céco, "D’autres vies sous la tienne"