Cédric Nankin a le sourire. Tout le temps. Un homme heureux, 39 ans, un métier à la SNCF et une passion sportive : le rugby fauteuil, discipline paralympique depuis 2000 et les Jeux de Sydney. Un parasport populaire, voire TRÈS populaire. "Le rugby fauteuil est né dans les années 70. Inventé par d'anciens hockeyeurs et footballeurs américains devenus tétraplégiques à la suite d'accidents de la vie. En centre de rééducation, on leur a proposé de la sarbacane ou du tennis de table. Pour eux, c'était un peu trop léger. Ils ont donc inventé ce sport qu'ils ont d'abord appelé murderball. Ça annonce la couleur…"
Un hasard qui change tout
En 2008, Cédric Nankin obtient son BTS d'assistant de gestion PME/PMI. Il veut alors entrer dans le monde du travail. Pas simple. "Avec juste un BTS, je découvre que c'est compliqué. En plus, je suis handicapé. Je me retrouve parfois face à des employeurs qui ne me donnent même pas la chance de présenter mon CV." Heureusement, sa rencontre avec le multiple champion Ryadh Sallem va tout changer. "À la base, je souhaitais qu'il m'aide à trouver un job. Or, la première chose qu'il me propose, c'est de pratiquer un sport. Et pas n'importe lequel. Du rugby fauteuil, un sport de contact dans lequel je ne me voyais pas du tout !" Quelques années plus tard pourtant, le Martiniquais intègre bien l'équipe de France.
Et surtout, le sport lui donne un emploi. Tout d'abord au sein de l'association CAPSAAA (Cap Sport Art Aventure Amitié). "Je faisais des interventions dans les centres de rééducation afin de présenter le sport en fauteuil manuel à toutes ces personnes qui sont handicapées." Et en 2020, il rejoint le dispositif Athlètes de la SNCF. Un contrat en CDI. Avec des horaires adaptés. Le rêve. "Je peux aménager mon temps de travail en fonction de mes entraînements et de ma préparation physique. C'est un plus énorme. Lorsque ma carrière s'arrêtera, je retrouverai un poste à temps plein."
Haut niveau à haute intensité
Le rugby fauteuil n'est pas qu'un sport spectaculaire. Il se révèle avant tout exigeant. "On s'entraîne tous les jours. C'est de la répétition, des combinaisons. Il y a également un gros travail physique. Sans oublier l'analyse vidéo. Tous les mercredis, l'équipe de France se retrouve en visio pour scruter le travail des adversaires. Le nôtre aussi d'ailleurs. Voir ce qui fonctionne. Ou pas. L'objectif, c'est de s'améliorer." Et tenir le rythme d'un match de 32 minutes (de temps de jeu effectif) sans véritable pause.
Cédric Nankin est aujourd'hui un défenseur redouté mondialement. Sa carrure impressionne. "Je précise quand même qu'il n'y a aucun contact physique." Si chocs il y a (et il y en a), cela se passe uniquement au niveau des fauteuils. "La casse est fréquente, c'est vrai. Il y a beaucoup de crevaisons sur les impacts. Parfois des fauteuils se retournent. C'est impressionnant. Mon précédent fauteuil, j'ai dû le faire ressouder à plusieurs reprises. Ceci étant, du métal contre du métal, ça fait beaucoup de bruits. Mais ça ne rend pas ce sport violent pour autant."
Paris 2024 dans le viseur
En 2024, le Martiniquais disputera ses troisièmes Jeux Paralympiques. Il a grandi avec les Bleus. L'équipe tricolore commence à se faire une place au niveau international. Cédric et sa bande sont déjà champions d'Europe. "Nous avons de l'expérience. Mais maintenant, il nous faut l'expérience de la médaille paralympique. Aller la chercher à Paris, c'est clairement l'objectif. On va travailler dur pour ça. Avec une préférence très nette pour celle en or."
Surnommé la machine, Cédric Nankin change de visage quand il pénètre sur un terrain de rugby fauteuil. "Quand je joue, tout le monde me dit que j'ai un visage qui fait peur. Je ne souris plus. Pourtant, je m'amuse comme un fou." Le défenseur star aura 40 ans lorsque débuteront les Jeux de Paris 2024. L'occasion peut-être de finir en beauté ? "Les Jeux, ça reste spécial. Et des Jeux à la maison, ça doit être un truc encore plus incroyable. On va déjà décrocher cette médaille et on verra. Si je continue à m'éclater dans ce que je fais, pourquoi m'arrêter ? Tant que je peux aller à la guerre et que l'équipe a besoin de moi…"