Avec les Outre-mer, la France est au cœur de la crise de biodiversité [Planète Outre-mer]

Le Gecko vert de Manapany, endémique de La Réunion et classé "En danger critique" et le Grand dauphin, truncatus de Petite Terre en Guadeloupe, classé sur la liste rouge des espèces menacées de l'UICN
La France est au cœur de la crise de biodiversité. Elle est le 6e pays au monde qui héberge le plus grand nombre d’espèces animales et végétales en danger. Une position qu'elle doit à la biodiversité de ses Outre-mer et à la position particulière de l’Hexagone.
 
En outre-mer, de très nombreuses espèces animales et végétales sont d’ores et déjà en danger critique. Un tiers des espèces d’oiseaux de La Réunion est menacé ou a déjà disparu de l’île, comme un tiers des oiseaux de la Guadeloupe. 29 % des récifs coralliens de tous les Outre-mer sont en diminution. Les populations d’insectes, et parmi eux les pollinisateurs, se sont effondrées. Le nombre des chauves–souris ultramarines a diminué de 38 % en à peine 10 ans. Et 60 % espèces exotiques envahissantes les plus néfastes au monde sont présentes dans les Outre-mer français.

La France est au 6e rang des pays qui hébergent le plus grand nombre d’espèces menacées au niveau mondial. Une place essentiellement due aux Outre-mer.

On est loin d’avoir évalué toutes les espèces déjà connues. Sur les 2 millions décrites par les scientifiques, la liste rouge de l’UICN évalue à ce jour 96 951 espèces. 1301 espèces menacées à l’échelle de la planète sont présentes en France, essentiellement Outre-mer 
-Florian Kirchner, chargé de programme "espèces" UICN Comité français

Le Pic de la Guadeloupe, endémique de Guadeloupe et classé "Quasi menacé" (NT) Le Tiare 'apetahi, endémique de Polynésie française et classé "En danger critique" (CR)

Des chiffres qui devraient cependant être revus à la hausse selon les conclusions de l’Observatoire national de la biodiversité car la connaissance des espèces Outre-mer est encore très insuffisante.

De nombreuses espèces risquent de s’éteindre avant même d’avoir été découvertes puisque deux tiers des groupes d’espèces présents dans les Outre-mer sont insuffisamments étudiés
- Bilan de l’état de la biodiversité en France publié par l’Observatoire national de la biodiversité, 2018

A l’échelle de la planète, on estime qu’il y a 8 millions d’espèces végétales et animales. 1 million d’entre elles sont sur le point de disparaître dont 500 000 qui peuvent être déjà considérées comme perdues. Un chiffre choc du rapport de l’IPBES publié le 6 mai dernier. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystèmiques a rendu public à l’UNESCO à Paris après une semaine de négociation, un résumé de son rapport de 1800 pages à 110 pays. Trois ans d’analyses et de consultations d’études réalisées par des centaines de scientifiques pour alerter les décideurs.
 

Les Outre-mer hébergent 80 % de la biodiversité française

Les Outre-mer sont caractérisées par leurs très forts niveaux d’endémisme. Une espèce endémique est une espèce qui n’existe que sur une ère spécifique, si elle disparaît, cela signifie qu'elle disparaît de la surface de la planète. Sur les 18 000 espèces endémiques recensées en France, 13 000 sont en Outre-mer. En Outre-mer, on trouve également 10 % des récifs coralliens et des lagons de la planète. Ces écosystèmes sont considérés comme étant parmi les plus riches en biodiversité marines mais ils font aussi parti des plus fragiles, pour mémoire 29 % des récifs d’Outre-mer sont en diminution.

On trouve des mangroves uniquement dans les territoires d’Outre-mer. Comme les récifs, c’est l’un des écosystèmes les plus indispensables à notre biodiversité et les plus fragiles. Ces zones plates, accessibles car souvent proches des fleuves et du littoral ont souvent été réduites sous la pression humaine. 35 % des mangroves ont d’ores et déjà disparu de la surface de la terre et avec elles bon nombre d’espèces. Les mangroves font parties des zones humides or, 80 % de ces zones humides sont menacées ont rappelé les experts de l’IPBES. C’est l’écosystème le plus en danger.
La mangrove de Bandrélé à Mayotte

Avec une surface quatre fois et demi plus petite que l’Hexagone, les outre-mer abritent comparativement 100 fois plus de poissons d'eau douce, 60 fois plus d'oiseaux, 26 fois plus de plantes et 3 fois et demi plus de mollusques endémiques.

Ainsi, avec 3450 plantes et 380 animaux vertébrés uniques au monde, l'outre-mer accueille autant d'espèces endémiques que toute l'Europe continentale ! 
- Sébastien Moncorps directeur de l’UICN France.


Les Outre-mer appartiennent à quatre points chauds de biodiversité

Les Outre-mer appartiennent à quatre des vingt-cinq points chauds ("hot spot") de biodiversité que compte la planète (Caraïbes, Océan indien, Nouvelle-Calédonie, Polynésie).

Les points chauds sont des zones reconnues comme étant les plus riches et les plus menacées. Ces points chauds sont des zones prioritaires pour la conservation de la biodiversité mondiale. Ils abritent 60 % des espèces terrestres sur à peine 1,44 % des terres émergées mais ont subi une perte d'au moins 70 % de leur couvert végétal originel.

La France est au top des pays qui héberge le plus de biodiversité. Elle héberge donc aussi logiquement un très grand nombre d’espèces menacées dont la grande majorité se trouve Outre-mer.
-Florian Kirchner, chargé de programme "espèces" UICN Comité français


La Guyane appartient à l'un des trois derniers grands massifs forestiers du monde, l'Amazonie, et elle est considérée comme le "pays" le plus riche en eau de toute la planète (812 121 m3 par an et par habitant), en excluant le Groenland et l'Alaska.

Les Outre-mer placent ainsi la France en tête des pays les plus riches au monde en biodiversité. D'autant que grâce aux Outre-mer, la France possède le deuxième domaine maritime mondial incluant 55 000 km² de récifs coralliens et lagons, soit environ 10 % de la superficie mondiale.
La diversités des écosystèmes d'Outre-mer expliquent la richesse de sa biodiversité. Ici, un récif corallien en Polynésie française et la forêt équatoriale de Guyane

Avec la biodiversité des outre-mer, la France fait partie du très petit club des pays "mégadivers"

La France intègre le groupe grâce aux poids des espèces endémiques des territoires et départements d'outre-mer. Le critère est d'abriter au moins 1% des 300 000 espèces végétales du monde, soit 3000. Les pays "mégadivers" regrouperaient les 2/3 voire les 3/4 de la biodiversité mondiale. Ils détiennent une responsabilité énorme dans la préservation de la biodiversité. Non seulement la France abrite un très grand nombre d’espèces endémiques et de surcroît menacées, en particulier Outre-mer, mais avec ses territoires ultramarins elle est présente sur l’ensemble des continents. 

L’Hexagone lui-même est très riche en biodiversité. La France est à un carrefour biogéographique en Europe. C’est le seul territoire pour lequel on trouve quatre zones biogéographiques différentes sur les cinq présentes en Europe (Méditerranée, continental, alpine et Atlantique)

Que cela soit par ses Outre-mer ou par son territoire européen, la France est au cœur de la crise de biodiversité. Elle a donc une responsablilité énorme dans la préservation de la biodiversité d'autant que c'est un des pays les plus riches de la planète.
-Florian Kirchner, chargé de programme "espèces" UICN Comité français