Avec "Maeva nulle part", Mourareau dresse un portrait de la Polynésie loin des clichés

"Maeva nulle part" est le second roman de Mourareau. Son personnage principal, Manutahi, à l'aube de la quarantaine, fait un premier bilan de sa vie. L'occasion pour l'auteur de livrer une critique sans concession de la Polynésie et de ses inégalités, avec un certain cynisme mais non sans humour.

Tahiti aujourd’hui. À l’approche de ses 40 ans, Manutahi dresse le bilan de sa vie. Il revient sur sa scolarité chaotique, sa famille dysfonctionnelle abreuvée par les jeux TV, son travail de livreur, ses échecs amoureux, son expérience décevante et traumatisante de l’armée. Un voyage interne au vitriol. En toile de fond le consumérisme, la malbouffe, le tourisme qui ravagent la culture locale, le mirage des réseaux sociaux : c’est le délitement d’une certaine catégorie sociale tahitienne qui défile.  

L’auteur 

Olivier Marrec, alias Mourareau, est né à Tahiti en 1991. Il est directeur de la startup polynésienne Med.I.Can, auteur d’un premier roman remarqué, noir et apocalyptique, "Méridien Zéro" (2020) édité par Au vent des îles. 

 

Lecture "À la 1ère page", extrait "Maeva nulle part"

"Lorsque Manutahi rentre à la maison où ils sont quatre dans le séjour, le canapé est blindé. Trois d'entre eux y sont depuis seize heures. Mamy y est scotchée depuis le matin, à neuf heures et demie pétantes pour le « Motus ». Mamy est contente, depuis son ablation de l'estomac, elle perd du poids (dans le jargon on appelle ça une sleeve, ça adoucit le côté boucherie). Elle profite des innovations de la chirurgie bariatrique. Elle s'est fait faire ça dans un temple de la médecine coloniale reconvertie dans la médecine du fric. Un professeur éminent a réussi à la convaincre que l'opération était le seul moyen de régler une injustice génétique. Elle fond à vue d'œil. Tout le monde le lui fait remarquer. Elle est aux anges et ça tombe bien, elle s'en rapproche. 
Aussi présent, le dernier-né de la famille, miracle de la vie, don de Dieu offert par la nièce qui beugle à tout-va. Le petit bout de chou qui s'époumone dans le suraigu, crache sa joie dans un registre superlatif ; essentiellement des voyelles déstructurées. Bébé partage sa composition  vocale. Ce n'est pas Mozart, mais c'est tout comme pour sa mère. Ce n'est pas non plus, à proprement parlé, un chef-d'œuvre de la nature, mais pas loin selon sa grand-mère."

Maeva nulle part

Retrouvez les autres écrivains des Outre-mer, invités du magazine littéraire À la 1ère Page.

Chargé de réalisation : Jean-Luc Benzimra
Illustrations : The last Kamit
© France Télévisions 2024