Le mouvement social a réuni les différentes communautés qui vivent sur le territoire. Toutes poursuivent le même objectif : améliorer les conditions de vie en Guyane.
Morcelée entre inégalités sociales et particularités ethniques, la Guyane, depuis près de deux semaines que le mouvement social a démarré, cherche, de barrage en manifestation, une identité commune, avec un mantra : "on est tous Guyanais".
La formule, lancée par Jean-Philippe Chambrier, un représentant autochtone vêtu d'une cape traditionnelle, relève du cri du cœur. Autour de lui, sur le rond-point de l'aéroport de Cayenne, où plusieurs camions grumiers et tracteurs bloquent la circulation, les visages reflètent des origines plurielles. "Hmong, Créoles, métros, Bushinengués... On est là pour le même combat", reprend Jean, arboriculteur participant depuis deux semaines au blocage d'une agence publique.
Installés dans les années 1970 en Guyane, après avoir fui le régime communiste au Laos, quelques milliers de Hmong, infiniment moins nombreux que les Bushinengués, les descendants d'esclaves du Suriname, illustrent la diversité de la Guyane, au même titre que les Créoles ou les "métros", Français de métropole. Car la Guyane, territoire d'Amérique du Sud de la taille du Portugal, peuplé d'à peine 250.000 habitants, compte plus de 25 communautés différentes. Dont des Chinois et des Libanais, arrivés au XIXe et XXe siècle, mais aussi des Haïtiens, Surinamiens, Brésiliens... venus plus récemment par les routes clandestines.
Cette "révolution participative", marquée par sa "solidarité", selon Isabelle Hilaire-Krivsky, ne transcende pas que les communautés. Son point de départ, le rejet des manquements sécuritaires, sanitaires ou éducatifs, réunit, de l'aveu général, tous les Guyanais, quelles que soient leurs classes sociales.
Dans ce conflit, les patrons ferraillent avec les syndicalistes pour "sortir la Guyane de la spirale de l'échec", "au nom des intérêts sociétaux", se félicite Stéphane Lambert, président du Medef à Cayenne.Toute la journée de jeudi, alors que les ministres Matthias Fekl (Intérieur) et Ericka Bareigts rencontraient une délégation de Guyanais, une foule colorée et bigarrée, portant la cagoule noire des "500 frères" - un groupe anti-délinquance - ou la coiffe à plumes des Amérindiens, a crié sa "détermination", bravant une pluie battante. "Il y avait tous les groupes sociaux, toutes les couleurs. C'était remarquable", se réjouit Stéphane Lambert. "On est tous passés d'une société qui se vouvoie à une société qui se tutoie."