PomS, le surnom que lui ont donné les Métropolitains lorsqu'il est arrivé dans l'Hexagone, a le sourire facile. Avec sa chemise noire et bleue aux motifs du Pacifique (qui est aussi son uniforme de travail), il s’accroupit devant le barbecue fumant installé dans la cour et contrôle la température de la volaille. L'odeur qui se dégage nous fait oublier que nous sommes toujours en février, et que l'hiver n'est pas encore fini en France métropolitaine. C'est presque prêt, annonce le cuisto, en tâtonnant les bananes plantains, placées sur une grille au-dessus du poulet. Jérôme Pommier, son vrai nom, est Polynésien. Ce jour-là, exceptionnellement, il régale au Comptoir du flan, un restaurant attenant à une salle de CrossFit à Saint-Jean-de-Védas, une commune proche de Montpellier.
Quelle drôle d'association, sommes-nous tentés de dire : associer le sport à la gloutonnerie du barbecue ? "Les gens vont se dépenser, et ensuite, ils vont venir faire une petite recharge glucidique dans notre buffet", s'amuse PomS, 37 ans, lui-même adepte de CrossFit.
Pendant que son associé du jour, Carlito, patron du restaurant, se presse pour finir de tout préparer avant l'heure du déjeuner, Jérôme se pose dans la salle de restauration pour nous raconter son histoire.
"Bête de compétition"
Comme de nombreux Ultramarins rencontrés à Montpellier, celle-ci commence par un déracinement : il quitte Tahiti en 2004 pour les études supérieures et se retrouve dans l'Hexagone. "J'ai très mal vécu la première année, admet-il. Parce que mine de rien, parler français, au début, c'est la seule chose qui nous rapproche de la France. Culturellement parlant, tout est différent."
Mais le blues des premiers mois passe et il s'adapte à la culture occitane. Ingénieur en informatique de formation, il tombe dans la marmite (ou dans le barbecue) il y a une dizaine d'années. Au départ, il devait simplement organiser une grosse réception. Mais face au nombre de convives, il est vite débordé. Le débrouillard décide alors de construire lui-même son barbecue. Impressionné, on lui glisse dans l'oreille le mot "compétition". Il s'inscrit. Le concept lui plaît.
Depuis quelques années, Jérôme Pommier fait donc régulièrement de la compétition. Membre de la meilleure équipe française dans le circuit KCBS (Kansas City Barbeque Society, une référence dans le milieu), il se qualifie pour les championnats du monde de barbecue en 2019. Mais difficile de rivaliser avec les Américains, ces pros du travers de porc, qui remportent le tournoi (son équipe à lui pointe vers la fin du classement, mais avec un score honorable).
Grisé par la viande, la "bête de compétition" a donc voulu lancer, avec sa femme Vanina, elle aussi Polynésienne, sa propre entreprise de traiteur, BBQ Addicts. Pour pratiquer sa passion d'abord. Mais aussi pour renouer avec sa culture tahitienne et faire découvrir la gastronomie du fenua aux Français de l'Hexagone.
Je mélange les deux cultures : le barbecue à l'américaine – la cuisson lente à l'étouffée – et la culture polynésienne, mes origines. Les méthodes de cuisson [de ces deux traditions] sont très similaires.
Jérôme Pommier, gérant de BBQ Addicts
"En Polynésie, on a le ahima'a, la cuisson sous terre à basse température. Ici, dans un barbecue traditionnel, on peut cuire dans des températures très proches", explique PomS. "Avec l'avantage de ne pas avoir à creuser de trou chez le client", plaisante-t-il.
Ceviche de thon, poulet fumé et Po'e mautini
Au Comptoir du flan, près de la salle de CrossFit, le Polynésien a prévu un buffet appétissant : un ceviche (poisson cru) de thon au lait de coco, de la poitrine de porc enrobée d'un glaçage à la mangue, du poulet fumé, un mélange de patates douces orange, blanche et mauve, un gâteau à la banane... Et cerise sur le gâteau, Jérôme et Carlito ont prévu un dessert typique de Tahiti : un Po'e mautini, "une pâte de fruit de potiron, servie avec un lait de coco légèrement sucré".
Tandis que l'entraînement de CrossFit continue, la salle de restauration se remplit de sportifs et de personnes venues de l'extérieur. On se sert au buffet. Un ami de PomS a jeté son dévolu sur le ceviche de thon, le riz et les patates douces. Avec, en prime, un morceau de banane plantain cuite au barbecue. "Excellent", lâche-t-il, la bouche pleine et en levant le pouce. "Une tuerie", dit une autre cliente, assise juste derrière.
Jérôme accueille les critiques positives avec modestie. Le contrat a été rempli. Mais malgré le succès qu'il rencontre dans l'Hexagone, lui qui est papa depuis 15 mois (et avec un deuxième enfant en route) a pris une décision radicale. Il va quitter Montpellier et retourner s'installer à Tahiti avant la fin de l'année. Mais avant cela, il aura un dernier objectif à accomplir : faire une ultime compétition de barbecue et tenter, une nouvelle fois, de se qualifier pour les championnats du monde. ‘Ia mānuia (bon courage) !
Retrouvez la rencontre avec Jérôme Pommier dans ce module vidéo réalisé par Olivier Canneval :
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"Une semaine à Montpellier"
Le samedi 25 février, La1ere.fr vous proposera de vivre en direct le carnaval antillais de Montpellier, l'un des plus importants de France hexagonale. En prélude à ce rendez-vous, nous vous proposons toute cette semaine une série de rencontres avec des Ultramarins de Montpellier et sa région. Ces rencontres et portraits sont à découvrir en cliquant ici.