S'il y a bien un poste de dépenses qui fait généralement consensus lors de l'examen du budget de l'État à l'Assemblée nationale, c'est bien celui des Outre-mer. "On a quasiment un avis ultra-majoritaire pour augmenter le budget d'Outre-mer depuis deux ans", souligne Eric Cocquerel, le président LFI de la commission des finances au Palais Bourbon. Pourtant, c'est bien une baisse qu'envisage le nouveau Premier ministre dans le prochain exercice budgétaire de l'État.
Dans une lettre envoyée aux députés, qui réclamaient depuis plusieurs jours que l'exécutif leur communique les prévisions pour le projet de loi de finances 2025, Michel Barnier a indiqué sa trajectoire, alors même qu'il n'a toujours pas annoncé la composition de son gouvernement. Si globalement le budget de la France devrait être stable (492 milliards d'euros), la répartition des ressources de l'État devrait évoluer pour favoriser certains postes de dépenses comme la charge de la dette, la défense ou encore la sécurité, la solidarité, l'insertion et l'égalité des chances.
Mais d'autres ministères n'auront pas la même chance. Y compris celui des Outre-mer. L'année prochaine, les crédits alloués à la "mission Outre-mer" pourraient diminuer de 200 millions d'euros, passant de 2,7 milliards d'euros à 2,5 milliards. Une baisse de 9,2 % du budget, comme le révélait le média en ligne Politico.
"C'est une des plus grosses baisses", s'agace le député de gauche Eric Cocquerel depuis la salle des Quatre-Colonnes de l'Assemblée nationale. "C'est une grosse saignée dans une situation d'inégalités et de difficultés sans précédent."
Les parlementaires ultramarins remontés
Les parlementaires d'Outre-mer n'ont pas manqué d'étriller cette annonce venue de Matignon, alors que l'examen du budget devra très certainement se faire de manière accélérée, le calendrier ayant pris du retard à cause de la crise politique. "Vous connaissez tous la situation dramatique dans nos pays", râle le député guyanais Jean-Victor Castor, qui siège au sein du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR).
C'est une situation qui est déjà catastrophique. Le coût de la vie, l'enclavement, les difficultés d'accès au foncier... La vie est quasi impossible (...). Dans un contexte tel que celui que l'on connaît, imaginer de ne pas augmenter le budget des Outre-mer, c'est une irresponsabilité totale. (...) Une baisse de près de 10 % du budget des Outre-mer, c'est de la provocation. On provoque les crises.
Jean-Victor Castor, député GDR de Guyane
Sa collègue réunionnaise Karine Lebon (GDR) fustige, elle aussi, la baisse envisagée du budget du ministère des Outre-mer. "Une fois encore, nous sommes les grands perdants des arbitrages budgétaires pris dans le secret des bureaux de Bercy, écrit-elle dans un communiqué. Cette baisse n'a absolument aucun sens, d'autant plus qu'en prenant en compte l'inflation, nous faisons face à une diminution budgétaire encore plus impressionnante."
Au Sénat aussi, l'annonce de ce coup de rabot a fait sursauter. "Alors même que nos peuples continuent de souffrir de l'accumulation de crises économiques et sociales (...), je peine à comprendre comment le gouvernement pourra justifier demain de rogner les crédits de la continuité territoriale, de baisser les aides au logement, de désinvestir dans les plans de convergence et de transformation, de grever les aides économiques aux entreprises", se désole le sénateur guadeloupéen et ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel (Socialiste, Écologiste et Républicain).
Cette baisse annoncée de 200 millions d'euros n'est néanmoins qu'un avant-projet présenté aux députés par le Premier ministre. Michel Barnier, dont la composition complète du gouvernement doit intervenir d'ici dimanche, présentera prochainement le projet de loi de finances 2025. Ce sera ensuite aux députés de voter les crédits du budget, dont ceux de la mission Outre-mer.