et de cannabinoïdes de synthèse, s'est répandue de manière très rapide à Mayotte. "Aucune partie du territoire n'échappe à la présence de ce produit", selon le rapport.
Qu’est-ce que « la chimique »?
"La chimique" est une drogue à base de cannabis de synthèse, importée sur Mayotte via des sites internet. Elle est peu chère et agit très rapidement.Si, "la plupart du temps, cette drogue a des effets sédatifs, la consommation de "chimique" peut aussi provoquer chez les usagers des crises avec des symptômes psychiatriques qui s'accompagnent de violence et d'agressivité", explique Agnès Cadet-Tairou, co-auteur de l'étude de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) sur Mayotte.
En raison de l’implantation très diffuse des lieux de vente et de ses conséquences sur les usagers, la "chimique" est devenue un vrai problème de santé publique à Mayotte.
L’apparition de fortes dépendance dans un contexte ou Mayotte a très peu de moyens pour y faire face a également inquiété l’Agence régionale de santé Océan Indien (ARSOI), précise Agnès Cadet-Tairou.
Plusieurs cas ont été médiatisés et une sorte d’amalgame a été fait avec l’augmentation de la délinquance à Mayotte. Il y a des liens, mais ce sont aussi deux phénomènes indépendants, explique encore Agnès Cadet-Tairou.
Une drogue en expansion depuis 2010
La consommation de "chimique" s’est développée à partir de 2010. L'étude révèle précisemment comment la drogue a été introduite sur Mayotte.Selon l'étude de l'OFDT, la première introduction à Mayotte de "chimique" est en effet le fait d'une personne originaire de métropole et travaillant au Conseil général. Cette personne aurait importé dès 2009 des produits de synthèse pour son usage personnel. "Expérimentant les effets non désirés, en particulier de type délirants, elle apprend progressivement à doser les substances achetées et à en domestiquer l’usage" peut-on lire dans l'étude.
L’étude fait état de plusieurs phases de diffusion de la drogue sur le territoire mahorais avec un élargissement rapide du public fin 2014-2015.
La "chimique" gagne encore du terrain
Depuis 2016, deux phénomènes sont à observer : d’un côté, une baisse des accidents aigus liés à la consommation de "chimique", de l’autre, une diffusion qui progresse.L’explication est sans doute à trouver dans le développement d’une "chimique du pauvre". En clair, une drogue pas chère, facile d'accès.En fait, ce sont surtout les jeunes des milieux défavorisés qui sont touchés. Agnès Cadet-Tairou explique:
"Au moment où nous nous sommes déplacés (...), il y avait eu un probable reflux de l'expérimentation chez les jeunes les mieux socialisés, les mieux insérés dans le système scolaire, mais la diffusion continuait dans les populations les plus précaires avec une extension géographique."
Que faire ?
Le rapport souligne l’ampleur du phénomène. A Mayotte, précise encore Agnès Cadet-Tairou de l'OFDT:
Les consommations s’enkystent dans une population jeune extrêmement défavorisée par bien des aspects dont elles viennent aggraver la situation, avec des cas de dépendances qui ne sont absolument pas marginaux. Enfin, les initiations continuent.
Face à cette situation, l'OFDT préconise la création d’un service ad-hoc consacré à la répression de ce "trafic de stupéfiants particulièrement difficile à mener du fait des questions liées à la langue et ou à l’identification des individus, en particulier pour les non mahorais." Agnès Cadet-Tairou ajoute :
Il est nécessaire de mettre en place un dispositif de prévention, d’accompagnement et de soins des addictions à Mayotte comme dans les régions métropolitaines. L'ARSOI (Agence régionale de santé de l'océan indien) en est bien consciente.
►Bonus: Reportage réalisé en 2016 après le démantèlement du deuxième trafic de "chimique" sur Mayotte:
Méthode de l'étude
Intitulée "L'offre, l'usage et l'impact des consommations de "chimique" à Mayotte : une étude qualitative", le rapport de L'OFDT s'appuie sur une analyse documentaire et une enquête de terrain menée au mois d’avril 2017, à base d’entretiens informels.
C’est ainsi que cinq entretiens approfondis ont pu notamment être réalisés avec des usagers de 17 à 57 ans, considérés comme des informateurs clés, certains d’entre eux ayant pris une place significative dans le trafic local. A cela s'ajoutent les témoignages des intervenants medico-sociaux et des professionnels du monde éducatif. Pour compléter cet état des lieux, des échantillons de substances ont été recueillis pour être ensuite analysés.
L'étude met par ailleurs en perspective l’ampleur du phénomène avec le contexte socio-économique et l’évolution démographique de l’ile : Mayotte comme département le plus jeune de France, faisant face à une importante immigration clandestine.