"Chaque habitant de la Martinique, chaque habitant de la Guadeloupe a du chlordécone qui coule dans ses veines, c'est ça la réalité !" C'est ainsi que Paco, du collectif #Chlordécone Justice et Réparation, résume l'empoisonnement au chlordécone dans les Antilles, lors de son discours place de la Nation à Paris, ce samedi 14 janvier.
Et il n'est pas loin de la vérité : selon un rapport publié le 6 décembre par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), près de 90% des populations de Martinique et de Guadeloupe sont contaminées au chlordécone. Quant au risque de développer une pathologie due à une surexposition à cette molécule, il concerne un quart des Martiniquais et 14% des Guadeloupéens contaminés par ce pesticide.
Pour rappel, le chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation ministérielle jusqu'en 1993, a provoqué par ailleurs une pollution importante et durable des deux îles.
"Cela ne fait que commencer"
Depuis que les juges d'instruction ont prononcé un non-lieu le 2 janvier dernier dans cette affaire, après 16 ans de procédure judiciaire, les Antillais ne décolèrent pas. D'où l'organisation de ce rassemblement à Paris ce samedi après-midi contre cette décision judiciaire.
Pour deux manifestantes, ce non-lieu est "lamentable", "intolérable", et cette action dans l'Hexagone est "juste un appel citoyen" : "Cela ne fait que commencer". "La Martinique et la Guadeloupe sont contaminées pour 700 ans, donc on mettra 700 ans s’il le faut à demander justice", assure l'une d'entre elles.
Un raisonnement partagé par Paco du collectif #Chlordécone Justice et Réparation : "Nous nous levons pour dire non à ce non-lieu de la honte, à ce non-lieu du mépris." "À travers cette décision, je ressens une forme de chosification [comme] à l’époque de la colonisation où tout était permis", ajoute-t-il.
S'il pointe du doigt l'État, il dénonce aussi l'attitude d'élus locaux : "Souvent, je les vois venir ici prendre la parole que sur la même chose : plus d’État, plus d’État, plus d’État, on a besoin de plus de gendarmes, plus de ceci, plus de cela. Pourquoi ils ne mettent pas la pression au gouvernement pour accélérer la cartographie pour répertorier l’ensemble des terres contaminées ? Pourquoi ils ne font pas ça ?"
Des décisions politiques
Cartographier les terres contaminées et les dépolluer, mais aussi "indemniser réellement les victimes du chlordécone", des décisions politiques qui devraient être prises par le gouvernement et ne le sont pas pour l'instant, d'après Mathilde Panot, députée et présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale.
Celle-ci est venue au rassemblement pour assurer les manifestants de son soutien, comme le montre la photo ci-dessous : "On continuera d’interroger politiquement le gouvernement, d’aller soutenir ce type de manifestations, de continuer d’en parler parce que le pire qui pourrait arriver ce serait une invisibilisation de toutes les victimes de cet empoisonnement."
Interrogée sur place par Outre-mer la 1ère sur la déclaration du ministre Jean-François Carenco, qui a évoqué lors de son déplacement en Martinique une "humiliation" après le non-lieu, Mathilde Panot ne croit pas réellement en sa sincérité.
Quand on se vante d’avoir mis 97 millions d'euros sur sept ans, on est très très très loin de ce qu’il faudrait mettre sur la table comme moyens humains et financiers pour être à la hauteur de l’histoire et de l’empoisonnement qui a eu lieu sur ces territoires. Peut-être est-il sincère, mais à ce moment, il faut qu’il pose les actes politiques qui vont avec, et pour l’instant, il ne l’a pas fait.
Mathilde Panot, députée LFI
De son côté, Paco ne veut pas s'avancer sur la sincérité supposée ou réelle de Jean-François Carenco, mais il l'incite à agir : "Prenons rendez-vous, faisons une table ronde avec le ministre de l’Environnement, le ministre de la Justice, lui-même et l’ensemble des parties prenantes, que ce soit en France, en Martinique ou en Guadeloupe, [...] pour pouvoir obtenir réparation pour les 700.000 victimes, pour la nature, pour la faune et la flore."